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13/3/09 Laurence Boone

La zone euro à l’épreuve de la crise

La crise financière qui se prolonge maintenant en crise réelle est en train de tester sévèrement la cohésion de la zone euro. Est-ce la fin de la monnaie unique ?

On peut imaginer deux scénarios à la fin de l'euro : les pays, les uns après les autres, sortent de l'union monétaire pour dévaluer leur monnaie ou la zone dans son ensemble traverse de telles difficultés, par exemple une série de défauts de ses Etats membres, qu'elle renonce à l'union monétaire.

Le premier scénario de sortie pour dévaluer est peut-être moins d'actualité. Il semble y avoir un consensus (récent) sur le fait qu'aucun des pays de la zone euro n'a intérêt à sortir de son propre chef pour dévaluer : les coûts devraient largement excéder les bénéfices. Les pays qui auraient un intérêt économique à sortir de la zone euro sont les pays avec des problèmes structurels de compétitivité importants, qui se sont traduits en déficits courants élevés. Les bénéfices attendus sont ceux venant de la possibilité de dévaluer la monnaie : un regain de compétitivité, mais temporaire puisqu'il ne résoudrait pas les problèmes structurels. Les coûts seraient de trois ordres : économique, politique et administratif. Economique : les citoyens du pays qui quitte la zone euro anticiperaient la dévaluation et demanderaient des hausses de salaire pour compenser. Le coût de la dette publique du pays augmenterait. Politique : le pays qui quitte la zone euro peut s'attendre à voir son influence baisser au sein de l'Union européenne et à un certain antagonisme de ses anciens partenaires. Administratif : tous les contrats (salaires, emprunts, impôts, etc.) devraient être réécrits en monnaie locale. Au total, les coûts dépasseraient largement les bénéfices.

Si un scénario de retrait des pays semble écarté, l'état des finances publiques de certains pays de la zone a réveillé les craintes du scénario 2 sur la viabilité de l'union monétaire. Les finances des Etats sont mises à mal par la récession, qui augmente les déficits et donc la dette (en moyenne d'au moins 10 % du PIB pour les pays qui ont traversé une crise bancaire d'après le FMI, Laeven et Valencia, 2008), et par la crise financière qui a conduit les Etats à mettre en place des garanties en faveur des banques (en moyenne 20 % de PIB dans la plupart des pays de la zone euro). En outre, certains pays affichaient déjà avant la crise un endettement public important, encore alourdi par un déficit de leur balance courante, comme par exemple l'Espagne, la Grèce, ou l'Irlande notamment. Enfin, certains Etats sont entrés dans la crise avec une dette publique dépassant déjà les 60 % du PIB. Au total, les besoins de financement des Etats ont lourdement augmenté, passant de 647 milliards d'euros pour la zone euro en 2008 à 730 milliards d'euros en 2009 (estimations Barclays Capital en décembre 2008).

Les marchés s'inquiètent donc de la hausse importante des engagements publics et de leurs besoins de financement courants dans un contexte où la liquidité est rare. Cela se traduit par des primes de risque en hausse et différenciées selon les pays au point que les conditions de financement du fonctionnement de certains Etats apparaissent plus difficiles.

Les coûts qu'entraînerait le défaut d'un des pays de la zone euro sont de deux ordres. D'une part, l'expérience montre qu'un défaut, doublé d'une crise bancaire, entraîne une chute de l'activité économique d'autant plus importante que les bilans des banques du pays concerné contiennent beaucoup d'emprunts souverains de ce pays - ce qui est vraisemblablement le cas pour nombre de petits pays de la zone euro. Leur capacité de prêt est alors drastiquement réduite. D'autre part, les risques d'un effet domino sur l'ensemble des pays de la zone euro aux finances publiques fragilisées est non négligeable, comme l'ont montré les diverses crises monétaires de la période pré-euro, au début des années 1990 (la livre sterling, l'escudo portugais, le franc français, la lire italienne avaient fait tour à tour l'objet d'attaques spéculatives). C'est alors l'ensemble des pays de la zone euro qui serait malmené, avec des coûts d'endettement plus élevés et possiblement un euro attaqué. Un tel enchaînement risquerait de réveiller les craintes sur la viabilité de la monnaie unique.

Laurence Boone

 

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