www.claudereichman.com


Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme

A la une

30/11/12 Wall Street Journal
      Le dilemme de Mittal face à la menace d’une
                               nationalisation !
             

De tous les sidérurgistes du monde entier qui veulent faire des économies, le plus grand producteur, ArcelorMittal, est confronté au dilemme le plus aigu. Il veut fermer une partie de ses activités françaises, un mouvement qu'il dit essentiel pour réduire sa surcapacité qui frappe toute cette industrie. Le gouvernement français a déclaré que l’usine de Florange doit rester opérationnelle afin de sauver les emplois, ou qu’elle sera nationalisée.

Cette ingérence politique met l'entreprise dans une situation embarrassante. Elle pourrait apaiser le gouvernement français en gardant ces deux hauts fourneaux allumés, mais cela ne permettra pas de résoudre son problème de surcapacité. Ou elle pourrait arrêter ses deux fourneaux et voir son usine saisie par le gouvernement, ce qui pourrait causer des problèmes en cascade tout au long de sa chaîne d'approvisionnement régional.

Aucun choix n’est facile dans la conjoncture actuelle, et il est difficile de dire ce qui pose une menace plus importante pour la société, disent les analystes.

«ArcelorMittal est sur le fil du rasoir pour apaiser le gouvernement français en gardant ouvert un peu plus longtemps les hauts fourneaux et pour poursuivre la restructuration de sa chaîne régionale d'approvisionnement en acier», a déclaré l'analyste Seth Rosenfeld de Jefferies.

La direction a annoncé qu'elle veut fermer ses deux hauts-fourneaux de l'usine de Florange, en éliminant environ 600 emplois dans le processus, parce qu'ils sont trop petits et situés trop loin des sources de matières premières. Les deux hauts-fourneaux ont été ralentis depuis plus d’un an en raison de la faiblesse de la demande d'acier dans l'Union européenne.

C’est l’une des raisons pour lesquelles l'entreprise est en bonne voie pour présenter à ses actionnaires (1) une deuxième année consécutive de pertes d'exploitation en ce qui concerne sa division européenne de produits d’acier plat.

Face à la perspective de ces nouvelles pertes, ArcelorMittal a annoncé, le 1er octobre, sa décision de fermer définitivement les deux hauts-fourneaux en question, mais elle a accepté, à la demande du gouvernement français, de surseoir à l’arrêt afin de trouver un acheteur dans un délai de deux mois. Le gouvernement a déclaré qu'il n'a pas trouvé d’acheteur pour les hauts-fourneaux, mais qu’il y aurait des parties intéressées par le rachat de l’usine entière.

Le gouvernement a ensuite demandé à ArcelorMittal de vendre l’usine toute entière pour sauver les emplois, sinon il allait la nationaliser.

La nationalisation de l'usine de Florange pourrait mettre en péril sa chaîne régionale d'approvisionnement en acier, qui emploie plus de 20.000 personnes à travers 50 sites industriels en France. (2)

Depuis que les deux fourneaux de Florange fonctionnent au ralenti, ArcelorMittal lui fournit un approvisionnement restreint d’acier brut à partir de son usine de Dunkerque, qui emploie environ 3.000 personnes et produit un acier moins cher que celui de Florange. C'est parce que ses fours sont plus gros et que l’usine de Dunkerque a un accès moins coûteux aux matières premières par la mer. L’usine de Florange fabrique des produits finis comme la tôle pour l'industrie automobile.

Cependant, Dunkerque a déjà ralenti l'un de ses trois hauts-fourneaux en raison de la faible demande d’acier dans l'UE. Dans une illustration de l'effet domino qu’aurait une nationalisation, Hermann Reith de BHF Bank, a déclaré que «sans Florange il est difficile d’envisager une demande suffisante pour Dunkerque. »

Si la société cède à la pression du gouvernement en maintenant les deux hauts fourneaux de Florange, cela met en péril son programme qui vise à générer 1 milliard de dollars d'économies par an.

"L'usine de Florange est un élément clé de ce programme», a déclaré Jeff Largey de Macquarie Research.

En outre, ArcelorMittal devrait perdre entre 20 et 40 millions de dollars par an simplement pour continuer à faire brûler ces deux hauts fourneaux, selon l'estimation d'un autre analyste. Ce serait un coût important pour un sidérurgiste qui opère dans un marché frappé par une surproduction excédentaire structurelle.

M. Reith dit que la meilleure solution serait de trouver un compromis qui permettrait à ArcelorMittal de fermer ses deux hauts fourneaux tout en trouvant d'autres postes de travail aux 600 personnes qui y travaillent, afin de sauver la face au gouvernement français. (3)

ArcelorMittal pourrait promettre d'investir davantage dans la recherche pour apaiser les préoccupations du gouvernement au sujet de ces pertes d'emplois, a-t-il ajouté.

Alex MacDonald et James Herron
Wall Street Journal Europe

Notes du traducteur

(1) Après un pic de 104 dollars atteint le 5 juin 2008 sur le marché NYSE de New York, l’action d’ArcelorMittal ne vaut plus que 15 dollars aujourd’hui. Elle a perdu 86 % de sa valeur en quatre ans.

(2) C’est à rapprocher de la parabole de notre éminent économiste Frédéric Bastiat sur « ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas ». Une nationalisation de Florange aurait des effets catastrophiques non simplement pour l’entreprise Mittal mais aussi pour beaucoup d’entreprises françaises.

(3) La sagesse prévaudra-t-elle dans cette énième immixtion du politique dans le fonctionnement des entreprises privées confrontées à une difficile conjoncture ? Face à une surcapacité planétaire, il n’y a pas d’autre solution que de fermer certains hauts fourneaux non rentables.


Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme