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26/12/11 Wall Street Journal

                     C’est la tournée de Mario !

Une autre rasade de vin, Mario ! La Banque centrale européenne a éclaboussé le marché interbancaire en prêtant 489 milliards d’euros sur trois ans à 523 banques à travers le continent. Ce nouveau programme de prêts à long terme a produit la plus grosse injection de liquidités dans l'histoire de la B.C.E., un avantage énorme pour les banques qui ont tant de mal à se financer sur les marchés.

Cette injection d'argent, avec une autre vente aux enchères de trois ans en février, réduit le risque à court terme d'un effondrement du système bancaire à court de liquidités dans la zone euro. Mais cela ne résoudra pas le problème de la dette souveraine de l'Europe.

Le président de la B.C.E., Mario Draghi, a pris soin de souligner que ce genre de prêts aux banques est une pratique normale d’une banque centrale. En donnant cette liquidité aux banques, et en même temps en assouplissant ses exigences de nantissement, la B.C.E. veut réduire les coûts de financement des banques et, au moins dans le court terme, éviter le risque d'une ruée des clients pour retirer leur argent des banques dans la zone euro.

Mais personne ne devrait penser que cette manœuvre soit sans risque. Le taux de prêt à 1% de la banque centrale est loin du taux de pénalité de Walter Bagehot (1), et n’est, par conséquent, qu’une subvention de facto. La B.C.E. a réduit ses normes de garantie à un seuil si bas pour des titres adossés à des actifs, qu’elle court le risque de pertes importantes. C'est une porte dérobée de sauvetage des banques.

M. Draghi a déclaré que la B.C.E. a abaissé ses normes de prêt parce que certaines banques risquaient de manquer de garanties éligibles. Et même avec des normes inférieures, au moins deux banques italiennes semblent avoir emprunté la méthode de la Grèce et du Portugal, en émettant des obligations pour elles-mêmes, qu'elles peuvent ensuite présenter à la B.C.E. en tant que garanties. …

Le programme de garanties mis en place ce mois-ci par le Premier ministre italien Mario Monti signifie que ces nouvelles obligations sont considérées comme pratiquement sans risque. Au moins le cautionnement de Rome ne s'applique pas aux dettes en cours des banques italiennes. C’est la monumentale erreur politique de l’ancien gouvernement irlandais qui a fait couler ce pays.

Le renchérissement des émissions d’obligations en Espagne et en Italie suggère que les marchés s'attendent à ce que les banques utilisent ces prêts à trois ans de la B.C.E. pour acheter encore de la dette souveraine. Le président français Nicolas Sarkozy l’a encouragé spécifiquement la semaine dernière, et M. Draghi a reconnu que certaines banques seraient susceptibles de le faire.

Les chefs d’Etats ont donné crédit à cette probabilité en écartant de la table, au sommet de Bruxelles, les pertes privées sur les dettes souveraines. Malgré tout, les rendements des obligations espagnoles et italiennes ont encore augmenté lors de l'enchère de mercredi, et les traders ont indiqué que la B.C.E. patauge à nouveau pour résoudre la crise souveraine. La plupart des banques sembleraient avoir une meilleure utilisation de cet argent à bon marché que de le placer sur la dette italienne.

L'échec de cette même enchère gargantuesque de mercredi dernier à produire une décrue des rendements obligataires de la zone euro pourrait être une bénédiction. En effet, une décrue aurait pu envoyer un faux signal que la crise de l'Europe était résorbée.

Ce serait à son tour un signal fatal donné aux cigales qu'elles peuvent continuer à dépenser et emprunter comme d'habitude, sans faire les réformes nécessaires pour renouer avec la croissance. (2) Le renflouement par une porte dérobée de la B.C.E. peut acheter du temps à la zone euro. Si tout ce qu'il accomplit est de donner un autre sursis aux politiciens, le temps perdu ne se rattrape jamais.

Wall Street Journal

Notes du traducteur :

(1) Le banquier anglais Walter Bagehot (1826-1877) expliqua dans son essai « Lombard Street » que lors de la crise bancaire provoquée par la faillite de la banque Overend, Gurney & Company en 1866, le rôle de la banque centrale était de prêter à un taux élevé aux banques solides. C’est ce qu’a fait le milliardaire Warren Buffet en prêtant à un taux de 10% à la banque d’affaires Goldman Sachs à l’automne 2008. Le sage d’Omaha a inventé le proverbe suivant : « C’est quand la marée se retire, que l’on voit les gens qui nagent à poil ».

(2) Dans son article « Le double échec de la zone euro » du 15 décembre, disponible sur ce site, Martin Feldstein, l’ancien président du conseil économique du président Ronald Reagan a mis en garde les Européens : « M. Draghi devrait indiquer que la B.C.E. va rendre le crédit privé plus accessible par des prêts aux banques en échange de collatéraux privés solides. Mais il devrait aussi indiquer clairement que ces prêts ne devraient pas être utilisés par les banques commerciales pour acheter des obligations souveraines nouvellement émises. » Ses recommandations n’auront servi à rien. On ne peut pas transformer des cigales en fourmis, comme tentent de nous le faire croire les constructivistes toujours à la manœuvre. Plus dure sera la chute !


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