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11/1/13 Wall Street Journal
        L’Etat providence européen est en faillite !

La zone euro a survécu en 2012, et une fois de plus les dirigeants européens de crier victoire dans leur lutte pour la préservation de la monnaie unique. Dans un discours prononcé au Portugal, le lundi 7 janvier, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a déclaré que la menace existentielle de l'euro était une chose appartenant au passé. Si cela pouvait être vrai…

L’engagement de Mario Draghi, l’été dernier, d’acheter des quantités illimitées d'obligations pour maintenir les rendements sous contrôle, a certainement calmé les marchés obligataires des dettes espagnole et italienne. Le président de la B.C.E. a atteint cet objectif sans une intervention de sa part.

Mais les chiffres du chômage de la zone euro, qui ont été publiés ce mardi, viennent rappeller que le calme qui règne depuis l’été n'est qu’un répit. Le chômage dans la zone euro a atteint un record de 11,8%. Celui des jeunes s'élève à 24,4%, et il est supérieur à 50% en Espagne ou en Grèce. Certains observateurs disent que c’est la faute de l'austérité imposée par Berlin à tout le continent, mais la véritable histoire est plus inquiétante que cela.

Le modèle social tant vanté de l’Etat-providence a du mal à générer de la croissance ou des emplois depuis des décennies. Avant la création de l'euro, les gouvernements européens ont masqué ce problème avec une combinaison de déficit budgétaire et de dévaluation. L’argent emprunté sur les marchés obligataires a payé les allocations de chômage généreuses versées à ceux qui sont privés d’emploi par un code du travail inflexible et par la stagnation économique. La dévaluation de leurs monnaies a allégé le fardeau de leurs dettes tout en offrant un coup de fouet, à court terme, à la compétitivité des coûts salariaux.

L'euro a fermé cette soupape pour les Etats-providence européens les plus sclérosés. Mais parce qu'il a aussi abaissé leur coût d'emprunt au départ, il a animé une frénésie de dépenses publiques qui ont prolongé la fête pendant huit ans (2002-2009) Des observateurs plus sobres ont averti que si l'euro devait survivre, des réformes étaient nécessaires dans les pays où les dévaluations étaient devenues un mode de vie. Mais jusqu'à ce que la Grèce arrête la musique à la fin 2009, les dirigeants politiques, dans la plupart des pays européens, ont largement ignoré ces avertissements.

L’Allemagne est une exception notable. Elle a réalisé les réformes douloureuses de son système fiscal, de son marché du travail et de ses prestations sociales dans les premières années d’existence de l'euro. Elle est maintenant vilipendée pour les difficultés rencontrées par ses voisins alors qu’elle est pratiquement la seule à maintenir à flot la zone euro. (1)

La découverte des manipulations budgétaires de la Grèce a également contribué à fermer une autre soupape en Europe du Sud : le déficit budgétaire permanent. Il est banal de dire que l'Europe ne peut pas se permettre d’emprunter et de dépenser comme elle l’a fait ces dernières années, mais il est plus proche de la vérité de dire qu'elle n’aurait jamais dû se le permettre. Ce qui a changé, c'est que les plus dépensiers sont à court de palliatif.

Et c’est le danger présent et constant en Europe. Certes, les budgets sont réduits comme en Grèce, et il y a de légers signes de réforme à la marge de l'État-providence. Mais il n’y a toujours pas de consensus clair, du moins en dehors de l'Allemagne, pour admettre que l’Etat-providence est en faillite et qu'il n'a jamais fonctionné aussi bien que ses défenseurs veulent le faire croire. Nous sommes simplement témoins de ce naufrage qui a été masqué pendant des décennies par l'émission de chèques sans provision pour le maintenir à flot. (2)

La zone euro profite seulement d'un répit. La réalité économique montre que peu de choses ont été entreprises pour la remettre à flot. Le chèque en blanc de M. Draghi ne traite que le symptôme mais pas la cause des maux de la zone euro. Et à moins que ceux-ci ne soient traités par un marché du travail plus flexible et une réduction concomitante des dépenses et des impôts, la crise fera son retour sous la forme de manifestations de rues, de populisme politique et de générations de jeunes Européens qui ne savent pas ce que c'est que d'être en mesure de trouver un emploi.

Wall Street Journal

Notes du traducteur

(1) Les excédents commerciaux de la fourmi allemande (150 milliards d’euros en 2012) compensent les déficits commerciaux des cigales européennes.

(2) L’analyse du Wall Street Journal est identique à celle de votre serviteur du samedi 5 janvier, intitulée « Deux choix radicalement opposés pour sortir la France de la récession économique. » L’Etat-providence n’est pas réformable. Il faut le tuer par une thérapie de choc, à l’instar de celle réussie en 1990 par Leszek Balcerowicz en Pologne. Faute de volonté des dirigeants politiques, c’est le marché qui va s’en charger lorsque la B.C.E. sera à court de munitions pour repousser les attaques des requins, comme cela s'est passé en 1993 avec la fin du S.M.E.


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