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18/3/11 Maxime Tandonnet
La déchéance de nationalité a été créée et préservée
                                par la gauche !

C’est à la suite d’une virulente campagne d’opinion que le Parlement, le Sénat puis l’Assemblée nationale, a choisi de ne pas voter le projet du gouvernement prévoyant la possibilité de déchoir de la nationalité française les meurtriers de policiers et de gendarmes naturalisés français depuis moins de dix ans. L’annonce de cette mesure a provoqué un tollé, une indignation infiniment supérieure à celle suscitée par les atteintes à la vie de policiers ou de gendarmes survenues dernièrement en France.

Voici un bref aperçu des commentaires de la classe politico-médiatique au sujet de cette mesure : « Une nouvelle étape dangereuse et indigne, dans une surenchère populiste et xénophobe, une fuite en avant sécuritaire (…) Notre république est en train de pourrir par le sommet ». « Affirmer un lien de causalité entre immigration et délinquance est ignoble. Menacer de déchoir de leur nationalité les Français d’origine étrangère auteurs de certains crimes renvoie aux heures les plus sombres de notre Histoire. ». « Seul le régime du maréchal Pétain a eu recours à la remise en cause de la nationalité comme politique d’ensemble. La déchéance de la nationalité française est une mesure inefficace, stupide et anti républicaine et viole notre Constitution ».

Je pourrais ainsi noircir un vingtaine de pages de commentaires de cet acabit, venus d’horizons idéologiques divers. Ce qui est choquant dans cette affaire, ce n’est évidemment pas l’existence d’une opposition à cette mesure : nous sommes en démocratie. Non, c’est l’excès, la démesure des arguments, la caricature, la négation des réalités.

La déchéance de nationalité, dans certaines conditions, pour les crimes les plus graves, n’avait rien de pétainiste, ni de scandaleux sur le plan des valeurs de la République !
D’abord, d’un point de vue historique, elle n’a strictement aucun rapport avec le régime de Pétain.

Première étape : c’est Daladier, président du Conseil radical-socialiste, homme de gauche, numéro deux du gouvernement du Front populaire dirigé par Léon Blum en 1936, qui prévoit la déchéance de la nationalité des Français naturalisés depuis moins de dix ans, ayant été condamnés à au moins un an de prison (décret-loi du 12 novembre 1938 article 22).

Deuxième étape : c’est le gouvernement de la Libération, présidé par le général de Gaulle, qui réforme cette mesure par ordonnance du 17 octobre 1945. La déchéance de la nationalité peut désormais intervenir pour le fait d’avoir commis, dans les 10 ans suivant l’acquisition de la nationalité française, un acte criminel ayant entraîné une condamnation à une peine d’au moins cinq années d’emprisonnement ou pour toute une série de faits comme les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation le, non-respect des obligations prévues par le code du service national.

Troisième étape : en 1996, Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, l’étend aux actes terroristes.

Quatrième étape : la loi Guigou, ministre de la Justice du gouvernement Jospin, le 16 mars 1998, supprime la déchéance de nationalité pour les personnes punies de 5 ans d’emprisonnement mais la maintient pour tous les autres motifs : terrorisme, atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, non respect des obligations du code du service national.

Les socialistes eux-mêmes ont donc préservé le principe de la déchéance de la nationalité quand ils étaient au pouvoir.

Ensuite, sur le plan des principes, la déchéance de nationalité en tant que sanction de certains actes, dans les dix ans qui suivent la naturalisation, n’a rien d’ignominieux. Certes, la gauche plurielle des années 1997-2002, marquant un choix idéologique, a supprimé la déchéance de nationalité pour les personnes condamnées à cinq ans de prison, mais elle l’a maintenue pour toutes sortes d’autres raisons, y compris le non respect des obligations du code du service national !

Ces derniers mois, un argument a été opposé par la gauche, le centre, l’ensemble de la classe intellectuelle et médiatique à la déchéance de nationalité envers les meurtriers de policiers : cette mesure serait discriminatoire car elle créerait deux catégories de citoyens, distinguant les Français d’origine et les Français par naturalisation. Une telle affirmation résonne étrangement, car la gauche elle-même, en 1997, a reconnu le principe, dans la loi, d’une déchéance de nationalité pour certains actes. On en vient à une situation incohérente : il serait plus grave de ne pas respecter les obligations du service national (concrètement, sécher la « journée d’appel ») que de tuer un policier ou un gendarme.

D’ailleurs, la mesure annoncée ces derniers mois ne touchait que les Français naturalisés depuis moins de dix ans, ce qui en limitait la portée à celle d’une période probatoire avant l’accès définitif à la nationalité. En outre, le crime concerné était de la plus extrême gravité, le meurtre d’un agent de la force publique. C’est pourquoi il n’est pas du tout certain, contrairement à ce qu’en disent ses détracteurs, que cette mesure aurait été jugée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel.

Enfin sur le plan de la logique, cette disposition, avait-elle un sens ? N’en avait-elle pas ? On en revient au tabou des tabous : celui de la question interdite du lien entre immigration et délinquance. Si le lien est avéré, la mesure peut se justifier. Sinon, elle n’a effectivement aucune pertinence.

« En France, nous ne parvenons pas à dire certaines choses, parfois pour des raisons louables. Il en est ainsi de la sur délinquance des jeunes issus de l’immigration, qui a longtemps été niée sous prétexte de ne pas stigmatiser », a déclaré le père Christian Delorme, un homme marqué à gauche, engagé dans le monde associatif pour les personnes défavorisées (Le Monde du 4 décembre 2001).

Il n’existe aucune statistique officielle sur le sujet mais diverses enquêtes ou études qui vont dans le même sens. Selon une expertise citée par L’Express, « 73% des noms figurant sur les mains courantes des commissariats parisiens ont une consonance non européenne » (9 février 2006). Une étude du sociologue Sébastien Roché, réalisée à Grenoble et Saint Etienne, montre que 60% des auteurs d’infractions sont d’origine étrangère. De même, un rapport des Renseignements généraux en date du 2 janvier 2006, concernant 436 meneurs dans vingt-quatre cités sensibles, révèle que 67% sont d’origine maghrébine et 17 % d’Afrique subsaharienne. Le Point a fait état d’une estimation des services du ministère de l’Intérieur selon laquelle 60 à 70% des délinquants sont issus de l’immigration (24 juin 2004).

Hugues Lagrange, sociologue au CNRS et à Science Po, marqué à gauche, constate un lien entre l’origine et le pourcentage des adolescents verbalisés pour infraction dans son ouvrage « Le déni des cultures » (étude sur 4500 adolescents dans les quartiers sensibles de la région parisienne et nantaise) : Français depuis plusieurs générations : 4,7%; autre origine européenne : 5,2%; origine maghrébine : 11,2%; origine africaine subsaharienne hors Sahel : 9,8%; origine africaine sahélienne : 16,5%; origine turque : 9,2%. Ces écarts auraient, selon lui, une explication pour l’essentiel de nature culturelle, liée au nombre d’enfants par famille.

Certes, la grande majorité des personnes issues de l’immigration dans notre pays est totalement étrangère à la délinquance. Je le sais et je le dis en particulier en pensant à tous mes proches issus de l’immigration maghrébine, asiatique ou africaine, qui partagent d’ailleurs mon avis sur ces sujets. Il n’empêche : tout laisse penser qu’une petite minorité des personnes issues de l’immigration a une vraie part de responsabilité dans la violence et l’insécurité. Je sais par avance que cette phrase va être sortie de son contexte et ce qu’on va me dire : « Propos ignominieux, honteux, ignobles, immondes, nauséabonds, etc. ». On va crétinement me renvoyer « aux heures sombres ».Tant pis. Je crois avec toute la sincérité du monde que le premier devoir d’un républicain est aujourd’hui de regarder la vérité en face, et de la formuler, quitte à s’exposer à la haine idéologique, au lynchage bête et méchant, et à la diabolisation hystérique. D’ailleurs, la réalité, au fond, ils la connaissent aussi bien que moi : « L’hypocrisie est un vice privilégié », comme dit Molière…

En vérité, la déchéance de nationalité pour les assassins de policiers, naturalisés depuis moins de dix ans, avait surtout un intérêt dissuasif, du même ordre que la peine de prison incompressible de trente ans pour les auteurs de ce type de crime (qui, elle, a été approuvée par le Parlement). Certes, cette mesure n’était pas centrale dans le projet de loi sur la maîtrise de l’immigration, qui comporte en revanche des dispositions tout à fait essentielles pour mieux contrôler l’immigration. Mais je voulais simplement dire, à travers cet article, que le procès qui a été fait à l’idée de déchéance de nationalité pour les meurtriers de policiers, dans les termes et les images qui ont été utilisés, a atteint des proportions anormales, signe d’une perte de bon sens et d’un conformisme inquiétants.

Comment faire bouger les mentalités, revenir à plus de raison, comment sortir de l’impasse idéologique ? Si je le savais…

Maxime Tandonnet


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