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16/5/10 Claude Reichman
          Apprêtons-nous à souffrir !

Les Européens n’ont manifestement pas encore compris ce qui leur arrive. Les évènements vont rapidement s’en charger. Pour dire les choses en termes simples, l’Europe est foutue. Non pas seulement dans son organisation en zone monétaire, mais aussi et surtout en tant que continent économique. Tous les pays européens sont voués à des restructurations dramatiques qui vont bouleverser leurs conditions de vie et leur gouvernance politique. Ceux qui souffriront le moins sont ceux qui n’ont pas complètement oublié qu’il faut travailler pour vivre et avoir quelque chose à vendre pour pouvoir acheter.

Disons les choses nettement : de tous les pays d’Europe, c’est la France qui va connaître le plus grand choc. On a beau nous seriner que ses statistiques économiques ne sont pas plus mauvaises que celles de ses partenaires, voire même qu’elles sont souvent meilleures, personne ne peut croire sérieusement à cette fable. Il est vrai qu’il y a des Etats plus endettés que le nôtre sur le continent, il est vrai aussi que notre économie a moins reculé que certaines autres, il n’empêche que ces « bons » résultats ne sont le fruit que du système pervers dans lequel nous nous sommes englués depuis plus de trente ans : prélèvements, redistribution, déficits, endettement. Quand on sait que les dépenses de l’Etat sont considérées comme de la production dans le calcul du PIB, il n’y a pas lieu de s’étonner que celui-ci affiche une certaine tenue chez nous. Mais c’est à peu près aussi convaincant que le cas du type qui se vante d’être un grand collectionneur … d’emmerdements !

Nous vivons à crédit depuis 1974 et aujourd’hui ceux qui nous ont fait vivre pendant ce tiers de siècle, et qu’on appelle joliment « les marchés », c’est-à-dire en fait les épargnants du monde entier, se disent qu’organisés comme nous sommes, nous ne pourrons jamais les rembourser. Alors malgré le triple A dont nous gratifient stupidement les agences de notation, nous allons avoir de plus en plus de mal à trouver les 500 milliards que nous avons besoin d’emprunter chaque année pour les déverser dans notre tonneau des Danaïdes national.

Que va-t-il se passer ? Des choses très simples, comme en vivent tous les ménages surendettés : l’argent va se faire de plus en plus rare, on va devoir renoncer à beaucoup d’agréments d’abord, puis de nécessités élémentaires, la famille va éclater sous le choc des difficultés croissantes et ce sera la misère. Traduite en termes politiques, cette évolution passera par l’implosion des régimes sociaux et des salaires garantis par l’Etat, puis par l’effondrement de celui-ci et des structures qui lui sont associées, comme les communes, les départements et les régions, en passant par l’Education nationale, l’hôpital public, la Poste, l’Université, la télévision d’Etat, et toute une série d’organismes dont la plupart des gens n’apprendront qu’ils vivent de fonds publics qu’en découvrant leurs ruines ! Et pour finir ce sera bien entendu un nouveau régime politique qui s’installera, dirigé par ceux qui produisent de la richesse, protégeant l’enfance et la vieillesse et mettant à l’index les parasites, comme cela s’est toujours fait dans les sociétés humaines dont les efforts et la peine nous ont permis d’exister aujourd’hui.

Ce film tragique va se dérouler – et se déroule déjà - à une vitesse d’abord trop lente pour que la majorité des Français puissent en déceler les évolutions, mais l’accélération des évènements est en train de se produire et plus personne dès lors, dans notre pays, ne pourra se croire à l’abri de ce qui sera la deuxième grande révolution de son histoire. Car si celle de 1789 a eu pour moteur essentiel le besoin vital pour la France de briser les privilèges et les corporatismes qui l’étranglaient, celle des années 2010 va devoir se faire pour les mêmes raisons, à ceci près que les bénéficiaires de privilèges ne sont plus les mêmes qu’au 18e siècle et que les corporations ne sont plus constituées de maîtres artisans mais de groupes humains vivant de l’argent prélevé aux autres.

Qu’on me permette un simple rappel. J’ai décrit les évènements actuels dans « La révolution des termites », un ouvrage paru en 1990. Dans la préface qu’il avait bien voulu donner à ce livre, Raymond Barre écrivait : « En acceptant le Marché Commun en 1959, la France a rompu avec un protectionnisme séculaire, mais la centralisation et la réglementation sont restées vivaces ; pour relever le défi du Marché unique, pour faire face à la compétition internationale du XXIe siècle, il lui faudra accepter encore de profondes transformations de mentalités et de comportements. Sachons y procéder en conduisant le changement plutôt qu’en le subissant douloureusement. » Trente ans ont passé depuis cet avertissement aussi clair que précis. Alors, comme nous n’avons pas su changer, nous allons souffrir !

Claude Reichman
Porte-parole de la Révolution bleue.

 

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