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30/11/10 Guy Sorman
    Wikileaks : des révélations qui ne révèlent rien !

Fuites Wikileaks : on s'interroge sur le dispositif de sécurité US. Mais à lire ces révélations, elles ne révèlent rien que l'on ne savait déjà. Il n'existe pas ou plus deux mondes distincts , celui du secret et celui du public . Depuis bien longtemps, il n'existe plus de secrets d'Etat : les diplomates et chefs d'Etat ne disent rien de plus et rien d'autre que les journalistes et internautes. " Chavez est fou !" Ah, bon : on ne savait pas. "L' Iran fasciste" , "Sarkozy susceptible" et "Merkel rigide "... ça alors ! Mais rien sur les dirigeants chinois : c'est étrange cette discrétion. Hu Jintao est-il analysé comme génial ou dangereux par les diplomates américains ? Wikileaks ne s'en prend qu'aux people mais pas aux puissants.

Les lecteurs ne retiendront de ces vrais faux secrets que les détails croustillants comme "l'infirmière" ukrainienne de Khadafi ou les relations d'affaires entre Poutine et Berlusconi.
Pour avoir moi-même passé quelques années dans un cabinet ministériel, j'en retins que les gouvernants ne savaient rien de plus que n'importe quel observateur bien informé mais, j'en conviens, ils le savaient cinq minutes plus tôt. Avec Internet, ces cinq minutes ont disparu.

J'ajouterai, toujours sur la base de ma brève expérience, que les diplomates ne sont pas nécessairement des sources fiables : ils ne sont pas tous perspicaces, et surtout il leur faut ne pas déplaire aux gouvernants qui les ont nommés. Ainsi, bien des diplomates vont-ils refléter dans leurs analyses ce que l'on attend d'eux plus que ce qu'ils constatent sur place. Il y eut, dans les annales françaises, un ambassadeur à Belgrade qui nia jusqu'à la dernière seconde avant la guerre civile qu'il y eût le moindre désaccord entre Serbes, Croates et autres Bosniaques ( "si la Yougoslavie explose , me dit-il en 1990 , ce sera de rire"). Ce diplomate disait ce que le président Mitterrand voulait alors entendre.

Autre grand écart pour les diplomates en place : comment ne pas être en contradiction avec les reportages et éditoriaux que lisent les chefs d'Etat ? Il est périlleux pour un diplomate français de contredire Le Monde et pour un américain de s'écarter du New York Times.

Le plus difficile, en fin de compte, est de distinguer ce qui est anecdotique de ce qui est historique : certaines fuites de Wikileaks éclaireront peut-être les historiens - j'en doute. Certains câbles diplomatique marqués secret défense transpirent d'insignifiance ( j'en vis passer un qui décrivait le rhume du président albanais ). Et ce qui est évident en plein jour, Hitler hier, Ahmadinedjad aujourd'hui , on ne le voit pas parce qu'on ne veut pas le voir.

Guy Sorman



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