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18/7/09 Claude Reichman

Silence, les Français nous écoutent !

Grave question : les Français sont-ils en train de devenir fous ? On peut le penser à voir le tombereau de stupidités qui accompagnent la litanie quotidienne des mauvaises nouvelles frappant notre pays.

Commençons par observer que ces stupidités sont pour l’essentiel le fait des politiciens et des médias. Le peuple, lui, ne s’exprime pas, et d’ailleurs personne ne le lui demande, sauf à l’occasion de micros-trottoirs qui sont à l’information ce que le mode d’emploi d’un grille-pain est à l’analyse d’un prix Nobel d’économie. Quant aux commentaires laissés sur les divers blogs, ils sont viciés par l’anonymat et ne méritent le plus souvent pas la moindre attention, ce qui est dommage car on gâche ainsi un des meilleurs apports d’Internet, la liberté d’expression.

Force est donc de s’en tenir à ce qui apparaît comme l’expression de la France officielle : la presse écrite, parlée et télévisée. Et là le citoyen désireux d’améliorer son information et sa compréhension des évènements en est réduit à l’état de kremlinologue, vous savez ces spécialistes de feue l’Union soviétique qui, par l’étude minutieuse de la Pravda, à travers la taille d’un commentaire, l’emplacement d’une photo ou la place de tel personnage à la tribune lors d’une manifestation publique, parvenaient à déceler les orientations du régime et le moindre changement dans la hiérarchie de la nomenklatura.

Ainsi, en France, le citoyen ne verra jamais dans les médias officiels une analyse sérieuse et complète des évènements, mais à force de « patience et longueur de temps », qui comme chacun le sait « font plus que force ni que rage », parviendra peut-être tout d’abord à savoir qui, réellement, fait quoi, pour quelle raison les intéressés le font, et quels mouvements profonds sont à l’œuvre. Autant dire qu’il faut y consacrer beaucoup de temps et être armé d’une bonne culture politique, économique et sociale pour avoir chance de comprendre quelque chose à la situation. Le citoyen dispose rarement d’autant d’atouts. Il reste donc soumis à la dictature des sources officielles et comme celles-ci ne veulent pas lui dire la vérité, il est sujet à l’angoisse que crée l’incompréhension et la proie désignée de toutes les rumeurs et les désinformations.

Prenons un exemple parmi beaucoup d’autres. Les producteurs de lait ont violemment manifesté ces temps-ci en raison de la baisse du prix auquel les industriels leur achètent leur production. Les médias ont été pleins d’articles ou de sujets télévisés montrant des agriculteurs en colère exprimant leur révolte et mettant en cause qui les fabricants de produits laitiers, qui les grandes surfaces, les accusant de s’enrichir sur leur dos. Passons sur la volatilité des cours en raison d’une demande mondiale passée brutalement de la surchauffe à l’effondrement et attachons-nous à ce qui fait la permanence de cette activité économique. Comment se fait-il qu’un producteur de lait français ne s’en sorte pas quand on le lui paye 274 euros les 1000 litres, alors que « dans le nord de l’Allemagne les producteurs sont payés 210 euros les 1000 litres, sans que cela ne provoque de débat, et qu’aux Etats-Unis, le prix n’est que de 170 euros, sans que cela n’entraîne de révolte dans les campagnes américaines » ?

L’interview que nous venons de citer est celle du directeur général du principal groupe laitier français, parue dans les pages économiques du Figaro le 17 juillet dernier. Malheureusement cet homme intelligent et connaissant parfaitement son domaine d’activité ne donne pas la réponse à sa question, se bornant à déclarer que « le ministre de l’Agriculture devrait surtout mener une réflexion structurelle sur l’avenir de la filière laitière, et observer les modèles existant à l’étranger ».

Il ne fait aucun doute que ce dirigeant économique connaît, comme tous ses collègues, la réponse à sa question : le handicap de toute production française réside dans le poids des dépenses publiques, qui alourdissent d’impôts et de taxes le prix de revient de chaque phase de la production, de la transformation et de la commercialisation. D’une façon imagée, on peut dire qu’un sandwich jambon-beurre acheté au comptoir de n’importe quel bistrot comporte invariablement, dans chaque ville et village de France, deux tranches de pain, un peu de beurre, une tranche de jambon et 54 % de dépenses publiques. Si le prix final n’est pas le même, c’est qu’on y fait intervenir on non de la main d’oeuvre salariale et que les impôts locaux varient selon les communes, mais cela ne change rien au prix moyen.

Alors pourquoi ne pas dire la vérité, à savoir que c’est le poids de l’Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités locales qui empêche les Français se s’en sortir ? Pourquoi ? Parce que le directeur de n’importe quel firme française sait qu’une telle affirmation est synonyme de crime de lèse-majesté et qu’elle entraînera forcément des représailles envers lui ou envers son entreprise. De même pour les médias, ceux qui les rédigent et ceux qui en sont propriétaires. C’est le poids de l’Etat qui a tué la démocratie en France, et ceux qui n’ont que le « pacte républicain » à la bouche feraient mieux de parler du pacte mafieux qui, en toute légalité sinon en toute légitimité, met notre pays en coupe réglée au profit d’une foule immense de desservants privilégiés et d’assistés choyés.

Pourtant le doute s’est installé au cœur du système. Les politiciens – et notamment ceux qui sont aux affaires et ont donc tout à redouter de la colère du peuple – dans un réflexe bien naturel s’essayent à conjurer le sort par des aveux discrets mais qu’ils pourront invoquer à décharge lors des inévitables procès en trahison qui leur seront faits quand leur régime aura rendu l’âme. « On a mis trop de personnes à la charge d’un nombre de plus en plus réduit de travailleurs et de producteurs », a-t-on pu lire dans un article du Parisien du 13 juillet dernier. Qui a prononcé cette phrase lourde de sens et qui résume fort bien le malheur français ? Henri Guaino, le « conseiller spécial » du président de la République et l’auteur de ses discours. Mais même le kremlinologue le plus averti échouera à trouver, dans l’action du président et de son gouvernement, la moindre trace, la moindre esquisse tendant à montrer que leur politique a pris en compte cette situation et entrepris de la réformer.

A Byzance, aux XVe siècle, quand les Ottomans étaient aux portes de la ville, on s’exténuait à débattre du sexe des anges. Dans la France contemporaine, on ne croit plus beaucoup aux anges mais, tandis que la catastrophe étend ses ravages, on ne sait plus que leur inventer des causes imaginaires et les traiter par des incantations rituelles !

Claude Reichman
Porte-parole de la Révolution bleue.

 

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