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9/10/08 Jean-Jacques Rosa

Plus que de liquidités, les banques ont un besoin urgent de capital

Pour les économistes, un bon côté - si l’on peut dire - de la crise financière devenue internationale c’est de détourner l’un des meilleurs esprits de la profession, Paul Krugman, de sa détestation obsessionnelle des Républicains américains (et de George Bush en particulier) pour le ramener à ce en quoi il excelle, l’analyse économique des problèmes majeurs de notre époque.
Son analyse de la crise (https://www.princeton.edu) tient en deux points : il montre tout d’abord que la contagion internationale que nous voyons se développer à partir de la chute de l’immobilier aux Etats-Unis, ne se propage pas par la contraction des échanges commerciaux - chacun achetant moins à l’étranger - mais s’explique par la globalisation des intermédiaires financiers.

Compte tenu de la part relativement modeste des échanges extérieurs des Etats-Unis dans leur produit national il faudrait, pour infliger une baisse de un pour cent au PIB mondial, que leur propre PIB baisse de 8 %, soit une récession extrêmement sévère. Nous en sommes loin.
Par contre la crise est financière et il est bon de rappeler le précédent récent de la crise asiatique de 1997-1998. La contagion venant d’un pays frappait d’autres pays apparemment sans relations économiques avec le premier. Ainsi la faillite russe a provoqué des attaques spéculatives sur le Brésil et une inquiétante crise de liquidité aux Etats-Unis.

Plusieurs auteurs ont mis en évidence le rôle crucial des « créditeurs communs » de ces pays très différents, comme facteur explicatif de ces étranges répercussions.
Ainsi, lorsque des hedge funds ont perdu beaucoup d’argent en Russie, ils ont été forcés de liquider une partie de leurs actifs pour réduire leur bilan, et cela voulait dire par exemple réduire leurs crédits au Brésil, propageant ainsi le foyer initial de la crise financière à l’ensemble des autres économies. D’où la contagion entre des pays peu liés par des échanges commerciaux, mais débiteurs des mêmes institutions financières accidentellement fragilisées.

Et en effet, contrairement à ce qui s’est passé pour le commerce international, il y a bien eu un changement radical dans les évolutions internationales des dernières années pour ce qui est des “cross-holding of assets”. La diversification internationale des actifs au sein des institutions financières a très fortement augmenté, surtout depuis 1995 (Figure 9 de Krugman), tant du côté des créances américaines sur le reste du monde que du côté des dettes américaines à l’égard du reste du monde.

Ainsi, lorsque de très grandes institutions financières américaines ont été mises en difficulté par l’éclatement de la bulle immobilière, elles ont dû liquider beaucoup de leurs positions dans beaucoup de pays, y provoquant alors un phénomène de contraction financière. Et cette dernière est très rapide en raison de la facilité des transactions et de l’efficacité des marchés. La crise devient alors globale.

Quelles leçons en tirer pour l’action ? Quelles politiques suivre ?

Premièrement, ce n’est pas la relance macroéconomique de l’économie réelle qui résoudra le problème. Pour l’instant d’ailleurs la situation de l’économie réelle n’est pas dramatique, loin de là. Le problème est très précisément localisé: il se situe dans l’équilibre fondamental des institutions financières, et non pas dans une insuffisance générale de la demande de biens et services. Ce n’est donc pas (ou pas encore) l’heure des remèdes keynésiens.

Deuxièmement, ce n’est pas un problème de liquidité de ces institutions financières, et par conséquent les facilités de refinancement qui sont proposées aux banques (plan Paulson par exemple) ne seront pas efficaces. C’est un problème de levier excessif et donc de pertes majeures et d’insuffisance de capital. Ce qu’il faut c’est recapitaliser les banques pour réduire leur besoins de vendre leurs actifs et de réduire leurs distributions de crédits, y compris à l’étranger. C’est aussi le diagnostic de Raghuram Rajan dans le Financial Times du 9 octobre.

Mais comme les effets de la crise sont internationaux (à cause de l’internationalisation de l’activité des banques) la recapitalisation doit se faire de façon internationale. En effet, la recapitalisation d’une banque d’un seul pays va profiter à d’autres pays, mais pendant ce temps les banques de ces autres pays peuvent continuer à vendre des actifs dans le premier, y aggravant la situation. Autrement dit les principaux gouvernements doivent agir simultanément, bien que pas nécessairement de façon coordonnée, pour recapitaliser les banques, et sans compromettre l’intérêt des contribuables.
C’est un défi nouveau et difficile.

Jean-Jacques Rosa

 

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