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15/6/11 Ivan Rioufol
                    Non à la police de la pensée !

Les succès de l'Internet et de la blogosphère, ces lieux où la libre parole s'exprime, répondent à une déficience de la démocratie. Elle affecte particulièrement la France qui, depuis trente ans, subit dans l'indifférence un couvre-feu intellectuel. Il est la conséquence d'une série de lois nouvelles ayant dénaturé celle de 1881 sur la presse, qui consacrait la totale liberté d'expression, sous réserve de protéger l'ordre public et la vie privée.

Or rares sont les défenseurs de la démocratie qui dénoncent la préoccupante situation d'insécurité juridique permanente dans laquelle se retrouvent désormais ceux qui interviennent dans le débat public et qui n'entendent pas se conformer à un code de conduite en réalité très imprécis et laissé aux foucades de justiciers. Reste qu'aujourd'hui, dans ce qui fut un grand pays intellectuel, on peut se faire poursuivre, voire condamner, pour des délits d'opinion ou des propos.

Cette situation devrait alerter le monde politique, qui a avalisé une législation de censure avec les lois Pleven, Gayssot, Taubira, etc. C'est pourquoi il est heureux qu'un philosophe dénonce enfin cette situation comparable à l'Inquisition: ce que fait Philippe Némo, dans un petit livre qui vient de paraître : "La régression intellectuelle de la France", Editions Texquis.

Némo rappelle que c'est à Pierre Abélard que revient, au XIIe siècle, d'avoir fait la distinction entre le crime et le péché, ce dernier devant rester hors du ressort des tribunaux humains. Or, constate-t-il, les lois de censure ont opéré un détournement du droit. Elles ont installé une sorte de dimension théologique ou superstitieuse qui fait régresser le pénal en deçà d'Abélard, dans un retour au péché délictueux.

En effet, la justice n'est plus amenée à se prononcer sur un acte et sur son lien de causalité avec un dommage, mais sur un propos, sans qu'une victime soit nécessaire puisque la loi Pleven permet à toute association s'estimant concernée de porter plainte. Il suffit qu'une déclaration paraisse fausse ou choquante à quelqu'un, qui n'a pas besoin d'être identifié, pour que la justice puisse être saisie. Comme l'écrit Némo : "Ce que les nouvelles lois françaises de censure demandent aux juges, c'est de sanctionner des pensées en tant que telles (...) On leur demande donc quelque chose de très proche de ce que l'Eglise demandait jadis aux Inquisiteurs".

"Notre société n'est plus libre", assure le philosophe qui s'inquiète "que l'on soit revenu si facilement en France à l'idée d'un contrôle étatique des esprits après deux cents ans de démocratie libérale". Il écrit même : "On est fondé à dire que cet usage de la force d'Etat contre la liberté d'expression et le pluralisme relève du fascisme : la détestation du libre débat, la haine de la pensée qui suintent des nouvelles lois de censure s'apparentent à l'obscurantisme et à la misologie des sociétés fascistes historiques qui ont toujours brûlé les livres, persécuté les intellectuels et prétendu fonder le consensus social sur l'élimination violente de toute critique".

Philippe Némo propose évidemment l'abrogation des lois ayant conduit, depuis 1972 et la loi Pleven, à cette détestable police de la pensée qui reste une ombre permanente pour celui qui veut s'exprimer sur des thèmes mis sous-surveillance par le politiquement correct, seul bénéficiaire de cette législation.

Il va sans dire que j'applaudis Némo des deux mains.

Ivan Rioufol


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