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21/12/11 Ivan Rioufol
     Génocide : la France n'a pas de leçon à donner
                                 à la Turquie !

C'est pour un mauvais prétexte que la France semble vouloir se fâcher avec la Turquie. S'il s'agit de lui refuser l'entrée en Europe, autant le lui dire clairement et tout de suite. Mais le contentieux qui risque de s'ouvrir à l'occasion de l'examen, demain à l'Assemblée nationale, d'une proposition de loi visant à réprimer pénalement (un an de prison, 45.000 euros d'amende) la négation des génocides reconnus, dont le génocide arménien commis par les Turcs en 1915, manque d'arguments sérieux.

Il est certes détestable de voir la Turquie refuser ne serait-ce que d'admettre la réalité de l'épuration ethnique et religieuse qu'elle a menée contre plus d'un million d'Arméniens : ce déni devrait être un argument suffisant pour lui refuser de rejoindre l'Union européenne. Cependant, ce n'est pas au parlement de faire l'histoire. Mon opposition constante à la loi Gayssot sanctionnant le négationnisme dans la contestation de la Shoah est identique pour cette autre loi mémorielle qui revient, une fois de plus, à limiter la liberté d'expression et à pénaliser un délit d'opinion.

Mais il y a surtout, dans l'attitude morale de la France, une énorme hypocrisie. Car l'Etat français se comporte en fait comme l'Etat turc, en refusant de reconnaître et en contestant même la réalité du génocide vendéen de 1793. La proposition de loi du député des Alpes maritimes, Lionnel Luca, invitant la République "à reconnaître le génocide vendéen de 1793-1794", déposée en 2007, n'a jamais été examinée. Or, comme le rappelle l'historien Reynald Secher, qui a trouvé aux Archives nationales les éléments établissant le génocide (1) : "La France est le premier pays à avoir conçu, organisé et planifié l'anéantissement et l'extermination d'une partie d'elle-même au nom l'idéologie de l'homme nouveau. Elle est aussi le premier pays à avoir conçu et mis en place un mémoricide dans le but d'occulter ce crime contre l'humanité. En ce sens, la France est un double laboratoire et un modèle pour les régimes génocidaires (...)".

Non, la France n'a pas de leçon à donner aux Turcs. Si Michelet, père de l'histoire officielle de la Révolution française, a beaucoup contribué à nier le génocide vendéen, les travaux de Secher apportent les preuves écrites et incontestables d'une "extermination partielle ou totale d'un groupe humain de type ethnique, ou racial, ou politique, ou religieux", pour reprendre la définition du génocide.

La Révolution s'était donné pour objectif, après la guerre civile de mars à août 1793, de rayer de la carte la Vendée et ses plus de 800.000 habitants, en répondant aux ordres de la Convention et plus particulièrement du Comité de salut public où siégeaient Robespierre, Carnot, Barère. C'est d'une manière scientifique, centralisée, planifiée que furent menés par l'armée les incendies de villages et les massacres de masse n'épargnant ni les femmes ni les enfants. A Nantes, les victimes liées entre elles étaient noyées dans la Loire. Or, non seulement la République n'a jamais reconnu ces crimes, mais elle a réussi à faire passer les victimes pour des coupables. S'il y a une injustice à réparer, c'est bien celle des ces milliers de Vendéens assassinés par la Terreur.

Ivan Rioufol

(1) Reynald Secher, « Vendée du génocide au mémoricide »,(préface de Gilles-William Goldnadel, postfaces de Hélène Piralian et de Stéphane Courtois) , Editions Cerf.


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