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8/6/11 Ivan Rioufol
      Monsieur Debbouze, n’inversez pas les rôles !

J'écrivais lundi dernier, qu'il était urgent d'écouter la société civile, ce spectateur impartial décrit par Adam Smith, afin de redonner un contenu à la nation, à la nationalité, au citoyen, etc. Je n'avais pas encore lu, dans Le Monde de l'après-midi même et, sur une pleine page, l'interview de Jamel Debbouze.

L'humoriste s'est installé dans le rôle attendu de donneur de leçons, avec rond de serviette dans tous les médias. Il illustre le discours convenu sur l'Homme nouveau, universel et interchangeable, quand il déclare : "On est nés ici, on a grandi ici, on est des « icissiens » (...) Pourquoi est-ce si important d'être « céfran » ?" Or cette vision asséchée, utilitaire, géographique de la nationalité, que des minorités se revendiquant comme telles cherchent à imposer, mériterait au minimum d'être confrontée aux vœux de la France silencieuse.

La nationalité requiert aussi un supplément d'âme, un sentiment d'appartenance, l'adhésion à une communauté disparate mais légataire d'une histoire acceptée. Elle n'a pas vocation à se diluer, sauf à disparaître dans un monde plat et indifférencié.

Il reste à expliquer à Debbouze, qui ne cesse de rappeler ses origines marocaines, qu'il n'est ni un icissien ni un céfran, ni même un hexagonal ou un francien, mais un citoyen français qui a toute sa place, à condition de désirer la prendre aux conditions d'intégration et d'assimilation posées depuis toujours par la république une et indivisible.

Car, plus généralement, il est plus que temps de rappeler ceci : la France est un vieux pays de plus de mille ans d'âge, dont le peuple a conservé une mémoire collective en dépit des amnésies transmises notamment par l'Ecole. Or il est imprudent, pour un pouvoir ou des groupes de pression, de jouer trop longtemps avec l'identité ou la culpabilité d'une nation, sous prétexte de répondre aux exigences de minorités et du politiquement correct qu'elles ont su habilement imposer. Debbouze est le produit de cette inversion des rôles, qui lui permet d'afficher ses "colères" face à une société qui ne se plie pas à ses attentes. Acceptable ?

C'est dans ce contexte d'une analyse approfondie de ce que devrait être une pleine nationalité que devrait être abordée la question de la double-nationalité, sur laquelle Jean-François Copé vient de déclarer aujourd’hui qu'il "était hors de question de revenir". Je crois nécessaire, au contraire, de poursuivre la réflexion ouverte à l'UMP sur son éventuelle suppression ou, en tout cas, sa limitation (la France compterait près de cinq millions de binationaux).

La nouvelle multi-appartenance, quand elle s'ajoute à l'interchangeabilité, ne peut plus consolider, à l'évidence, la solidarité aujourd'hui recherchée par une société civile qui redoute avec raison la perspective de séparatismes ethniques, religieux, culturels au cœur même de la communauté nationale.

Ivan Rioufol


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