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27/11/10 George Reisman
             Crise : c’est l’histoire de gens qui se
                             croyaient riches !

Les caractéristiques essentielles du cycle économique d’expansion-récession peuvent être comprises par analogie : prenons l’exemple de la situation financière d’un seul individu.

Ainsi, imaginons qu’une personne ordinaire mène sa vie ni au-dessus ni en-dessous de ses moyens. Un jour, il reçoit un courrier recommandé d’une grande banque, l’informant qu’il est l’unique héritier d’une grande fortune, et qu’il est invité à se rendre aux bureaux de la banque pour signer les autorisations nécessaires pour disposer de cet héritage. Naturellement, il se rend auprès de sa banque pour s’approprier cette fortune.

Qu’il s’agisse d’une fortune de 10 ou 100 millions d’euros, elle aura certainement un impact non négligeable sur la vie de cette personne. Elle ouvre en effet la possibilité à cet individu d’obtenir des biens dont il n’aurait pu que rêver auparavant. Il peut maintenant s’offrir une maison, même une villa. Il peut refaire sa garde-robe, faire le tour du monde, démissionner de son travail qui ne l’intéresse plus vraiment. S’il est entrepreneur, il peut agrandir ses investissements. S’il ne l’est pas, il peut envisager de créer une entreprise. Il peut aussi investir et spéculer sur les marchés financiers, dans la mesure où cette nouvelle fortune lui permet de ne pas trop se soucier des éventuelles pertes de quelques milliers d’euros ; en effet, il pourrait perdre un million et être encore riche.

C’est la période du « boom » pour cet individu. La vie semble facile. Ses perspectives d’avenir sont sans limite. Tout le reste de sa vie, il se souviendra avec nostalgie de cet « âge d’or ». C’est le « bon temps ».

La crise

Une seconde lettre vient mettre un terme à cette vie idyllique. Il s’avère que la fortune dont il a hérité avait été obtenu de façon criminelle par son aïeul. De ce fait, la fortune ne pouvait lui appartenir en droit et ne pouvait donc être transmise à aucune personne.
La banque en conclut que notre individu doit rendre la fortune qui lui avait été remise. Tous ses comptes sont gelés et il ne lui est plus autorisé de dépenser un sou de plus de la fortune qu’il pensait sienne. Il doit même reverser ce qui en reste.

Notre individu se retrouve écrasé par une montagne de dettes qu’il ne peut rembourser. Il doit vendre sa maison, ou sa villa, sans doute pour un prix inférieur à celui auquel il l’avait obtenu. (Cela peut s’expliquer par les frais de courtage et l’urgence de la situation qui l’empêchent de négocier un meilleur prix.) La vente des ses nouveaux vêtements et de ses autres biens ne lui rapporteront qu’une petite misère. Rien de ce qu’il a dépensé lors de ses voyages ne pourra être récupéré, et il en sera de même pour tous les biens de consommations de luxe dont il avait profité. Quant à ses investissements, ils pourront être rentables ou non. Cela dit, s’il n’avait pas su faire fortune avant, ses investissements ont sans doute été faits sans trop de discernement et il est probable qu’ils ne soient pas profitables.

En tout et pour tout, recevoir cet « héritage » a été une catastrophe pour les finances personnelles de notre individu. En l’incitant à investir beaucoup sur le fondement de l’idée fausse qu’il était en possession d’une grande fortune, notre individu a vécu largement au dessus de ses moyens et il a dilapidé la plupart des économies qu’il avait accumulées avant de recevoir son « héritage ».

Le cycle de crise économique à plus grande échelle

Le modèle d’un cycle de crise économique est essentiellement similaire à celui qu’illustre le cas de notre individu. Dans les deux cas, le « boom » se caractérise par l’apparition d’une nouvelle somme importante de richesses qui n’existe pas en réalité. La crise est seulement la suite du comportement économique encouragé par cette fortune illusoire.
Dans le cycle de crise macroéconomique, la richesse illusoire ne prend pas la forme d’un faux héritage mais plutôt celle de l’argent nouvellement créé par les banques qui vient se confondre avec le capital épargné qui représente une véritable richesse matérielle. A l’instigation de la Federal Reserve Bank (la Banque centrale des États-Unis d’Amérique), durant la dernière crise économique, les banques ont créé par voie de prêt plusieurs milliards de dollars de monnaie. A la base de ce capital fictif, le système économique a été poussé à agir comme si une somme correspondante de richesses nouvelles et bien réelles s’était ajoutée aux richesses déjà existantes. Le résultat aux États-Unis fut la construction de ce qui pourrait se chiffrer à 3 million de nouvelles maisons que les consommateurs n’étaient pas en mesure d’acheter.

En fait, le capital réellement disponible lors du « boom » ne suffit pas à supporter les projets entrepris à l’instigation de l’expansion du crédit. Au lieu de créer des nouveaux capitaux qui viendraient s’ajouter au capital existant, l’expansion du crédit alimente l’augmentation des salaires et la flambée des prix. Cela réduit le pouvoir d’achat des fonds d’épargne. A terme, cela crée une situation où ceux qui auraient normalement été prêteurs se trouvent dans l’impossibilité de prêter, ou de prêter autant qu’ils l’auraient souhaité. Ils ont en effet eux-mêmes besoin de capitaux supplémentaires pour financer leurs opérations internes qui doivent à présent être réalisées à des salaires et des prix plus élevés. Dans le même temps, et pour les mêmes raisons, les emprunteurs s’aperçoivent que les sommes qu’ils ont empruntées sont insuffisantes. Alors que les emprunteurs ont besoin de plus d’argent, les prêteurs peuvent seulement en offrir moins. Le résultat est un resserrement du crédit (« credit crunch ») qui aboutit à la faillite des entreprises par manque de fonds.

Pendant la période de « boom », des dettes énormes ont été accumulées. Alors que ces dettes deviennent insolvables, le capital des entreprises qui ont prêté ces fonds sont réduits d’autant. Au cours de ce processus, le capital des banques qui ont créé les nouveaux crédits additionnels peut être effacé, créant ainsi un risque réel de faillite et une baisse de la masse monétaire dans le système économique. Le simple soupçon d’un tel scénario crée une augmentation considérable de la demande d’argent papier à épargner, avec pour résultat une réduction générale des dépenses dans le système économique avant même une réduction de la masse monétaire.

La conclusion à tirer de cela est que pour éviter les krachs, il faut éviter les booms, donc les politiques inflationnistes de crédit qui en sont responsables. Les « booms » ne sont pas des périodes de prospérité mais plutôt de dilapidation des richesses. Plus ils durent, plus le désastre qui s’ensuit est terrible.

George Reisman


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