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Quand Chirac cautionne le nettoyage ethnique

13/7/05 Florin Aftalion
Le 3 juillet dernier, le président Chirac est allé en compagnie de ses amis Schröder et Poutine célébrer le 750ème anniversaire de la fondation de la ville de Kaliningrad. C'est au cours de ce voyage que notre président a émis, en parlant de l'Angleterre, son fameux verdict gastronomique : " On ne peut pas faire confiance à des gens qui font une cuisine aussi mauvaise ", suivi de " Après la Finlande, c'est le pays où l'on mange le plus mal ". L'occasion méritait cependant l'évocation d'événements historiques d'une portée autrement importante.

Que l'on en juge : le traité de Versailles avait accordé à la Pologne le corridor de Danzig qui séparait la Prusse orientale du reste de l'Allemagne. Hitler voulait l'annexer au Reich. C'est l'une des raisons pour lesquelles ses troupes attaquèrent la Pologne, ce qui déclencha la seconde guerre mondiale. En juin 1941, elles se tournèrent contre son allié de la veille et envahirent l'Union soviétique. Au début de l'année 1945, la fortune des armes ayant tourné, les forces anglo-américaines à l'ouest et celles de Staline à l'est s'apprêtaient à envahir le Reich millénaire. Ainsi, les deux groupes d'armées des maréchaux Tchernyakhovsky et Rokossovsky s'apprêtaient à pénétrer en Prusse orientale et à encercler sa capitale Königsberg. Le Gauleiter de la province interdit à la population civile de fuir vers l'ouest lorsqu'il en était encore temps. Avec les troupes allemandes (le groupe d'armées Centre), auxquelles Hitler avait ordonné de résister sur place, quelques millions de civils furent pris au piège. Il s'agissait d'Allemands qui étaient là depuis des générations ou étaient venus, incités par les nazis, coloniser les terres de l'est, ou encore de réfugiés de toutes origines fuyant l'avance de l'armée rouge.

Un sadisme systématique

D'après l'historien britannique Max Hastings, les troupes soviétiques traitèrent ces civils avec un sadisme systématique valant celui des nazis. Après avoir été violées, les femmes, des plus jeunes aux plus vieilles, étaient crucifiées sur les portes des maisons et leurs bébés tués, le crâne écrasé. En reprenant provisoirement, lors d'une contre-attaque, quelques villages, les Allemands filmèrent ces scènes d'horreur. Ce fut l'un des seuls documents prouvant la bestialité des soldats soviétiques (que l'histoire officielle de l'armée rouge dut partiellement reconnaître).

Le siège de Königsberg dura plusieurs semaines. Peu de civils réussirent à en réchapper. La plupart de ceux qui réussirent à se faire évacuer sur des bateaux venus à leurs secours périrent noyés dans les eaux glacées de la Baltique. Le Wilhelm Gusthoff, un ancien navire de plaisance, fut torpillé par un sous-marin soviétique (l'action était légitime car le navire transportait plusieurs centaines de militaires blessés). Sur un total de quelque 8.000 passagers, seuls 949 survécurent. Ce fut le plus grand désastre maritime de tous les temps. Mais ce ne fut pas le seul. D'autres navires furent également coulés, avec des pertes humaines tout aussi dramatiques. Et les malheureux qui cherchèrent sans succès à fuir à travers les lignes soviétiques ne connurent pas, pour la plupart, un sort plus enviable.

L'attaqua de la Prusse orientale avait été voulue par Staline. Elle divertit de l'assaut contre Berlin les armées du maréchal Rokossovsky ce qui dégarnit le flanc droit du maréchal Joukov. Celui-ci dut attendre plusieurs semaines avant de reprendre l'offensive sur la capitale du Reich. Mais l'action contre Königsberg ne coûta pas que du temps. L'armée rouge y perdit plus d'un demi-million d'hommes qui auraient été épargnés si Staline s'était contenté d'attendre que Königsberg encerclé tombe, une fois Berlin capturé. Staline aurait également pu laisser les civils fuir en paix la Prusse Orientale. Au moment du siège, Roosevelt et Churchill avaient déjà accepté qu'après la guerre les Soviétiques s'approprient la Prusse orientale et procèdent à un gigantesque nettoyage ethnique consistant à remplacer 1,5 millions d'habitants allemands par des colons russes.
L'attaque de Königsberg n'avait donc d'utilité ni dans une optique militaire ni dans celle de l'expansion territoriale soviétique. C'était un pur acte de cruauté de la part de Staline, qui avait choisi de se venger sur la Prusse orientale des horreurs que les nazis avaient fait subir à son pays.

Ajoutons qu'une fois intégrée à l'Union soviétique, Königsberg devint Kaliningrad en hommage à un vieux bolchevique, Mikhaïl Kalinine, membre du politburo jusqu'à la fin de ses jours en 1946, connu surtout pour avoir ordonné le massacre de Katyn.

Etait-il nécessaire que le Président de la République française associât son nom à celui d'une ville qui évoque massacre de civils, nettoyage ethnique, annexion territoriale et terreur stalinienne ?

Florin Aftalion

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