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26/4/07

Jean-François Probst

Sarkozy la menace

Lors du putsch de Charles Pasqua et de Philippe Séguin, en 1990, Nicolas Sarkozy a choisi son camp. Il joue en défense, auprès de Chirac, avec Michel Roussin, Édouard Balladur et Alain Juppé. Celui qui a le culot d'appeler les députés et les militants un par un pour les menacer de représailles s'ils ne soutenaient pas Chirac, c'est Nicolas Sarkozy. Il sait jouer les durs. Brice Hortefeux est toujours dans son camp. Patrick Balkany, lui reste dans le camp Pasqua, avec Didier Schuller. Normal qu'en 1993, quand Édouard Balladur, adoubé par Chirac, entre à Matignon, il offre à Nicolas Sarkozy le secrétariat d'État au Budget. C'est le portefeuille que l'on donne aux «jeunes qui montent». De là se décident les contrôles fiscaux et s'apprend la politique côté finances.

Nicolas Sarkozy avait toutes les raisons de rester dans le sillage de Chirac. Mais la mécanique affective avec Claude s'est grippée. Peu importent les raisons. Et surtout, l'ami des fils Bouygues, Decaux et Lagardère a fait un mauvais calcul. Il a cru lui aussi que Chirac était mort.

Dès juillet 1993, Nicolas Sarkozy a donné sa consigne: « Plus rien pour Chirac, tout pour Balladur. » Ils sont tous devenus balladuriens. À l'époque je travaillais au cabinet de Michèle Alliot-Marie au ministère de la Jeunesse et des Sports. Nous sommes allés présenter notre budget à Bercy. Nicolas Sarkozy nous a fait attendre. Jean-Pierre Elkabbach, alors président de France Télévisions, est sorti de son bureau. Nous sommes entrés avec Michèle Alliot-Marie. Nicolas Sarkozy, entouré de ses hommes en gris de Bercy, nous a exposé le budget de façon magistrale. Il connaissait son dossier sur le bout des doigts, du pur Chirac, vingt ans en arrière. Impressionnant. Un cinoche parfait, avec des questions pointues posées à des membres de son cabinet qui ne savaient pas répondre, et lui finissant par donner la solution. Il découvrait le grand pouvoir : l'hélicoptère, le vaporetto de Bercy pour venir dans le centre de Paris en vedette rapide, l'avion des douanes... Il est devenu autoritaire, intempestif, intransigeant. Dès qu'il est en position de force, c'est le Nicolas Sarkozy arrogant qui ressort. Il devient cassant, et se fait facilement rouler dans la farine par une bande de courtisans qui ne le lâchent plus.

À cette époque, il a perdu le sens des réalités. Édouard Balladur était déjà président, puisque tous les sondages le disaient. Pourquoi voter ? J'ai été viré du cabinet de Michèle Alliot -Marie comme un laquais parce que j'avais osé dire la vérité sur Édouard Balladur et soutenir Chirac dans une interview à L’Express. Brice Hortefeux est venu chez moi et m'a dit: « Si tu bosses pour Chirac t'es mort... Même ton pote Pasqua on le tient par les couilles. Son fils, si on bouge, il est emprisonné en Belgique. » Je me souviens de la phrase dont aujourd'hui encore je ne m'explique pas le sens. Charles Pasqua, de fait, a soutenu Edouard Balladur dans les jours qui ont suivi cet entretien. J'ai dit que je pensais que leur Balladur ne valait pas un clou et on est restés fâchés. Je suis resté fidèle à Chirac. Nous n'étions pas nombreux.

Jean-François Probst

Extrait de « Chirac, mon ami de trente ans », de Jean-François Probst (Denoël)

 

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