www.claudereichman.com


Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme

Référendum : Pour nous, c'est non !

29/1/05 Claude Reichman
A quatre mois de la date probable du référendum sur la Constitution européenne, tous les arguments ont déjà été produits. Les partisans du oui mettent en avant la poursuite de la construction européenne et ses bienfaits et conjurent les Français de ne pas mêler à la question posée d'autres considérations, comme l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne ou le mécontentement à l'égard du gouvernement. Les partisans du non veulent mettre un terme à l'extension indéfinie de l'Union et à celle de ses pouvoirs, s'opposer à l'entrée de la Turquie et sanctionner des décennies de mauvaise gouvernance française.Bien que le camp du non soit par nature composite, puisqu'il comporte aussi bien des souverainistes que des proeuropéens convaincus, des gauchistes que des libéraux conservateurs, son argumentaire est beaucoup plus cohérent que celui des partisans du oui.

Tout d'abord il utilise à l'encontre de ceux qui veulent à toute force écarter le problème turc du débat, un argument déterminant. En effet l'une des principales novations de la Constitution consiste dans la prise en compte de la population des Etats dans le processus décisionnel de l'Union. Or l'entrée de la Turquie et de ses 80 millions d'habitants au moment où elle aura lieu (sans compter la centaine de millions de turcophones considérés comme des nationaux turcs par ce pays) fera d'elle la maîtresse incontestée de la politique européenne. C'est bien pourquoi il est irresponsable de la part des partisans du oui de prétendre ignorer le problème posé par la Turquie. Tout l'équilibre de l'Union sera remis en cause par l'adhésion de ce pays et si l'on est un Européen sincère, on ne peut l'ignorer. Ensuite, ceux qui vont voter non mettent en avant le fait que l'objectif initial de la construction européenne était d'unir les Etats européens et eux seuls et que jusqu'à ce que se pose le problème turc, il n'avait jamais été remis en cause, les adhésions successives à l'Union ayant toujours concerné des pays incontestablement européens. L'entrée de la Turquie priverait l'Union d'arguments pour s'opposer à l'adhésion de pays n'appartenant pas à l'Europe et de plus en plus excentrés par rapport à elle.

Restons Européens !

Sur ce dernier point, souverainistes et proeuropéens convaincus sont en complet accord pour prédire que l'entrée de la Turquie puis, inévitablement, celle d'autres Etats non européens, va forcément détruire l'Union. Les proeuropéens s'en désolent et les souverainistes, qui pourraient s'en réjouir, ne le font pas parce qu'ils comprennent eux aussi que la liberté de circulation et d'installation de populations exogènes dans l'espace communautaire ne détruira pas que l'Union mais aussi tout ce qui fait le passé immémorial de l'Europe et qui est ancré dans le cœur et l'esprit de ses habitants. Autrement dit, l'Europe risque de subir un traumatisme qui la coupera de ses racines, la déstabilisera gravement et introduira les divisions ethniques et religieuses dans une union qui avait été précisément construite dans le but d'en faire un espace de concorde et de paix.

Enfin, un référendum sur un sujet important est toujours l'occasion d'exprimer un sentiment politique et il est extravagant, de la part des partisans du oui, de prétendre faire de cette consultation un épisode isolé de la vie nationale. Il est normal et légitime qu'à cette occasion, le peuple dise ce qu'il pense de ses dirigeants. Et voyez comme cela tombe bien : ils sont tous pour le oui ! L'UMP, l'UDF et le PS, tous ceux qui, sous des noms divers, ont gouverné la France depuis des décennies, sont à nouveau unis pour nous conduire là où nous ne voulons pas aller, comme ils l'ont toujours fait jusqu'à présent en confisquant notre liberté par le strict contrôle des partis politiques, de l'administration, de la justice et des médias. Eh bien qu'ils ne s'attendent pas à ce que nous leur disions amen! C'est au contraire un non sans appel qu'il faut leur adresser, afin qu'ils comprennent que leur temps est révolu et qu'il leur faut laisser place à un nouveau pouvoir issu du peuple et le représentant vraiment.

Le non français sera bénéfique pour l'Europe. Il obligera tous les pays de l'Union à se poser les questions que beaucoup occultent, soit parce que leur classe dirigeante y voit son intérêt, soit parce que certains Etats à qui l'Europe rapporte beaucoup dans le moment ne veulent pas voir les dangers à terme que son extension indéfinie fait courir à tous ses membres. Les dirigeants de l'Union, qu'ils soient chefs d'Etat ou de gouvernement, commissaires bruxellois ou membres du parlement européen, ont tous ensemble oublié de se poser une simple question : Qu'est-ce que l'Europe ? La réponse qu'on y apporte constitue un enjeu vital pour le Vieux Continent. S'il ne s'agit que d'un vaste espace commercial, une sorte de gigantesque supermarché, alors faisons-y entrer les Persans et les Mongols. Cela fera des consommateurs en plus et les affaires marcheront bien. Sauf bien sûr si les troubles ethniques et religieux rendent de plus en plus difficile l'exercice serein du business. Mais de cela on ne veut pas se soucier, tant les montagnes de fric qu'on se voit sur le point de ramasser obscurcissent le jugement. Ou bien alors s'il s'agit de faire prévaloir et de développer, entre nous d'abord et - pourquoi pas - par la vertu de l'exemple ensuite, chez des populations engagées par de mauvais choix culturels dans une impasse, les principes moraux, politiques et scientifiques qui ont fait de la civilisation occidentale la première du monde, il convient de nous concentrer sur notre espace intérieur, qui est bien assez vaste et peuplé pour qu'il ne soit pas nécessaire de l'étendre beaucoup plus, et d'en augmenter le rayonnement et la force. " Restons Européens ! " Tel est le cri qu'il faut lancer. Et pour cela, sans hésiter, votons non !

Claude Reichman

 

Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme