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18/4/12 Michel de Poncins
             Comment devenir avocat sans l’être !

L'actualité très brûlante nous conduit à évoquer de nouveau un des aspects de l'exception française, à savoir « l'Enrichissement Personnel Indu » (EPI) du groupe des prédateurs publics. Nous avons antérieurement montré en détail que cet EPI représentait au moins 5 % du PIB. Combien sont ces prédateurs publics agissant comme une véritable caste ?

Les contours sont diffus, et où s'arrête la limite entre les « petits » gratteurs et les grosses pointures ? Le chiffre de 10 000 ne serait pas loin de la vérité pour le sommet de l'échelle. Le prélèvement abusif est parfaitement légal et ne peut donc être critiqué devant la justice, puisque ce sont les mêmes ou leurs amis qui fabriquent la loi.

Quand nous affirmons que cet EPI représente 5 % du PIB, il est des incrédules : ces derniers se bornent à enregistrer les salaires déjà très importants et se combinant souvent avec des cumuls. Ils oublient les avantages indirects multiples et bien plus gratifiants que les salaires. Nous avons dressé une liste certainement incomplète de ces avantages. L'inventivité et la voracité des membres de la caste sont sans limite. Les faits récents ci-après pourront convaincre ces incrédules.

Un décret stupéfiant

Un décret du 3 avril 2012 publié au J.O. du 4 avril est ahurissant, car il bouscule totalement au profit de la caste les règles d'accès à la profession d'avocat.

C'est d'autant plus ahurissant que les divers candidats jurent que leur seule préoccupation est celle des intérêts du peuple français. Il est un autre sujet d'étonnement : la justice est très malade et personne, parmi ces candidats, ne propose de remède efficace à la vraie déroute de cette tâche régalienne par excellence. Or, le décret sur la profession d'avocat est passé en catimini avec l'accord unanime des représentants patentés des deux principaux partis au pouvoir, ce qui est rarissime.

L'avocat est un auxiliaire de justice. Dans le cas général, pour être avocat et en revêtir la robe, chacun d'entre nous doit suivre une formation et passer l'examen du CAPA, ou certificat d'aptitude à la profession d'avocat. Ensuite, il doit s'inscrire à un barreau, étant accepté par ses futurs pairs. Ce résumé du parcours le plus général est le fruit de plusieurs évolutions. L'ensemble du système est bien balisé et connu des spécialistes.
Le somptueux cadeau que les prédateurs se sont fait à eux-mêmes, par le truchement de ce décret, est le droit pour certains d'entre eux de devenir avocat sans passer par la voie normale.

Les ministres, les élus et les assistants parlementaires seront dispensés du passage par le CAPA s'ils justifient de huit ans au moins d'exercice de responsabilités politiques les faisant directement participer à l'élaboration de la loi. Personne ne peut savoir le chiffre exact des personnes ainsi favorisées et dont le nombre doit être considérable bien qu'incertain. Comme toujours l'imprécision des textes annonce de belles bagarres juridiques. Comment justifier les huit ans ? Gageons que des circulaires et des interprétations jurisprudentielles devront intervenir avec les incertitudes habituelles.

Les conséquences

Les conséquences de ce vrai coup de force sont graves.

D'abord le beau service rendu à la société par les avocats perd de son lustre. Ensuite, les personnages qui voudront et pourront profiter de l'aubaine, éventuellement en grand nombre, n'exerceront pas vraiment le métier, étant par définition incapables de le faire. Ces personnages se contenteront sans doute d'utiliser leur carnet d'adresses pour faire du lobbying. Rappelons que le lobbying et sa prospérité incroyable est l'un des effets négatifs de l'intervention abusive des États dans la vie des citoyens. Ces États disposant de pouvoirs intolérables, il n'est pas étonnant que des groupes organisés tentent de tirer la couverture à eux, parfois avec des moyens douteux.

Le prestige de la classe politique, déjà au plus bas, ne va rien y gagner. Selon le droit des gens, il s'agit d'un véritable vol puisque, si ce décret est maintenu et appliqué, l'on privera de leurs droits légitimes les personnes qui suivent la voie normale et l'on dépréciera le résultat de leurs efforts. Ce droit hors du commun peut tout doucement devenir un droit acquis pour les membres de la caste. C'est une forme nouvelle d'« Enrichissement Personnel Indu » (EPI). Il aura une « valeur marchande » considérable bien qu'impossible à évaluer.

La hâte avec laquelle ce décret est sorti en période pré-électorale, dans un accord pour une fois unanime, montre bien qu'il s'agissait de sauver les meubles pour les futurs perdants.

La colère des avocats

La colère des avocats est grande et légitime. Des recours ont été déposés au Conseil d'État, dont celui de l'ordre des avocats de Paris. Ce dernier à précisé que si le recours était rejeté, il refuserait l'inscription au barreau de Paris des bénéficiaires éventuels.

Cette colère aura-t-elle de l'effet ? Méfions nous. Pour résister efficacement, les avocats de tous les barreaux de France auront besoin d'offrir un front sans fissures.

Quel que soit les résultats des élections, l'appareil d'État en France continuera à disposer de moyens gigantesques. Aucun des candidats supposés gagnants ne souhaite faire reculer l'État, ce qui serait pourtant la seule solution évidente et possible aux calamités qui frappent le peuple français.

Dans la situation présente, la caste au pouvoir manipule environ 56% des ressources nationales. Toucher à ses intérêts vitaux s'apparente à un crime de lèse-majesté et tous les moyens, au besoin les plus vils, seront employés pour asseoir le nouveau « droit acquis ».

Le décret pris « à la va vite » est l'illustration du « pas vu-pas pris », un des principes qu'utilise la caste pour agir sans contrôle dans le sens de ses intérêts. En fait, d'ailleurs, ce fameux principe a mal fonctionné. Le Figaro a publié un long texte pour décrire l'imposture. Pour défendre ses amis, un des membres de la caste a dit que ce décret n'était qu'une maladresse, simple avatar parmi d'autres de la vie gouvernementale : circulez, il n'y a rien à voir !

Bonne chance aux vrais avocats s'ils veulent sincèrement défendre et valoriser leur belle mission.

Michel de Poncins


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