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26/10/10 Michel de Poncins
              Le naufrage du Charles de Gaulle !

Les malheurs du Charles de Gaulle doivent distraire le monde entier depuis longtemps et malheureusement les Français n'ont aucune raison d'en rire. Ce que la presse appelle ses déboires ne sont que le miroir du perpétuel désastre imposé dans tous les domaines à la France par les politiques au pouvoir depuis des décennies.

Il avait donc appareillé le mercredi 13 octobre de cette année pour une mission opérationnelle de quatre mois, la toute première depuis son indisponibilité périodique pour entretien et réparations. Il a dû revenir d'urgence à Toulon pour le dysfonctionnement d'une soupape de sécurité et un arrêt de plusieurs semaines est annoncé.

Une triste histoire

C'est l’occasion de rappeler la triste histoire de ce magnifique navire qui aurait coûté 20 milliards de francs à l’époque selon les chiffres officiels mais bien plus en fait comme nous allons le voir.

Il était entendu lors de son lancement que l'on ne construisait qu'un demi-porte-avions puisque la nécessité d'un entretien périodique devait l'immobiliser régulièrement pendant de longues périodes. Son parcours montre qu'en fait la France ne dispose seulement que d'un quart de porte-avions.

Il devait être livré en 1990. La livraison fut reportée en 1995 puis en 2000, et cela à cause du désordre permanent au sommet de l'État, avec le rôle habituel de bouche-trou du budget de la défense. L’immensité de la perte financière d'une telle dérive dans les délais est incalculable.

Autre perte : conçu vingt ans avant sa livraison, il n’a pas bénéficié des dernières innovations de la technologie qui progresse sans s'arrêter. Le porte-avions était-il battu d’avance ?

Il devait pour être efficace avoir un frère jumeau. Personne ne peut dire clairement aujourd'hui si ce frère jumeau arrivera un jour ni quand.

En outre il fut fabriqué à Brest, cela pour l’intérêt personnel de quelques politiciens qui s’intéressaient à cette ville. A Lorient, il aurait pu être plus grand. Le résultat est qu’il est mal dimensionné par rapport aux porte- avions américains. Enfin, toujours dans le domaine des dimensions, on s’est aperçu un peu tard que la piste était trop courte de 4 mètres pour recevoir les avions les plus modernes. Il a fallu d’urgence remédier à ce défaut malencontreux.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, le Charles de Gaulle est tombé en panne dès sa première sortie, et la panne récente n’est pas du tout la première. Il avait été envoyé aux îles pour montrer au monde entier qu’il existait. Une des deux hélices s’est coupée en deux ! La cassure s’est produite dans la nuit du 9 au 10 novembre 2000. Une vibration très forte s'est produite sur le bâtiment et il a fallu réagir très vite.

On l’a renvoyé à Toulon à petite allure sur une seule hélice. Que se serait-il passé, à l’époque, si la dernière hélice avait rendu l’âme ? Il aurait fallu appeler les Américains ou les Soviétiques pour le remorquer.

Les quatre hélices (deux en fonctionnement et deux de rechange) devaient coûter 8 millions. Elles ont été payées 24 millions à l’entreprise pour la sauver de la faillite, qui a tout de même eu lieu. On savait que ces hélices étaient mauvaises, mais il fallait tenir le calendrier déjà dépassé d’une façon dramatique.

De ce fait, il n’est devenu opérationnel qu’au cours de l’été 2001. Il était nécessaire pour cela que les hélices des vieux porte-avions qui furent réutilisées aient la gentillesse d’être adaptables sur l’appareil. Elles furent adaptées mais c’était de vieilles hélices et les performances ne sont pas les mêmes. Les journaux ont écrit à l'époque : « Cela gênera les mouvements dans une mer difficile » ! Nous ne savons pas si lors de la dernière révision cette anomalie a été corrigée.

Sur ces entrefaites il y eut un fric-frac à Nantes chez le fabricant de l’hélice avec pour objectif de détruire les éléments informatiques permettant de la fabriquer. On apprit aussi que ce n’était pas le premier cambriolage chez ce fabricant. Dans la multiplicité des désastres français y-a-t-il des services secrets étrangers à la manœuvre ?

Les conséquences de ces faits sont immenses.

Fallait-il lancer le Charles de Gaulle ?

La majoration fabuleuse des coûts doit tenir compte soit des délais inacceptables par la lenteur institutionnelle, soit de combines politiques, soit, peut-être, du jeu éventuel de la corruption à divers niveaux. Elle a conduit à la ruine sur des décennies, la défense servant de variable d’ajustement.

L'inefficacité est garantie : que signifie un quart de porte-avions navigant à éclipses sur la ruine de la nation ? Or normalement ce bel objet a dû bénéficier de la plus grande attention. L'inefficacité se répète-t-elle dans tous les détails du fonctionnement des armées ? Nous ne le saurons jamais. Plus encore, que penser de l'inefficacité dans une foule d'autres tâches étatiques de première importance ?

Fallait-il lancer le Charles de Gaulle ? La question mérite d'être posée. Dans l'ignorance absolue de la science militaire, un économiste se doit en la matière de s'appuyer sur les principes de l'économie, sur l'histoire et sur la sagesse des nations.

L'argent est le nerf de la guerre, ce qui s'exprime par l'adage « pas d'argent, pas de Suisses ». Il en est ainsi depuis des millénaires. Le coût du quart de porte-avions est absolument impossible à connaître. S'il était connu il faudrait le multiplier par quatre pour approcher le coût d'un porte-avions opérationnel en tout temps.

Qu'aurait-il été possible de faire pour la défense de la nation avec cette immensité d'argent qui aurait pu être disponible au lieu d'être perdue dans un bâtiment inutile ? Pendant tout ce temps, et régulièrement, la presse nous a décrit avec exemples à l'appui la vraie misère des armées : matériels périmés et mal entretenus, manque de moyens pour l'entraînement, nécessité de faire appel à l'étranger dans certaines opérations. Personne ne sait ce que l'on aurait pu faire pour assurer la défense si son budget ne s'était pas épuisé sur le porte-avions.

Un principe de l'histoire est d'adapter et de proportionner ses forces compte tenu des adversaires. Aujourd'hui la France comme toute l'Europe subit l'offensive de l'islam, parti à la conquête du monde. Ses tentacules poussent jusqu'en Amérique du Nord et même en Amérique du Sud. Un autre problème est la nécessité de rétablir la souveraineté nationale sur les 500 villes ou plus que la légèreté des politiques ou leur complicité ont livré à des bandes organisées qui y font régner la terreur. Le Charles de Gaulle est-il adapté à la gestion de si redoutables problèmes ? Il est permis d'en douter.

Vendre les biens publics inutiles

Si un gouvernement de salut public, apte à réfléchir et à décider sur le long terme, survenait en France, il devrait reconstituer la richesse de la nation mise à mal par des décennies de gaspillages publics. Beaucoup de mesures sont à prendre dans ce sens. Parmi elles se trouvent la vente d'un grand nombre de biens publics parfaitement inutiles et donc éventuellement de ce navire. L'ensemble permettrait de rembourser les dettes et de dégager les surplus budgétaires absolument indispensables pour créer des masses de manœuvre. Alors les affaires étrangères et la défense pourraient bénéficier de ces moyens afin d'assurer l'indépendance du pays.

Les pannes plutôt pénibles du navire conduisent ainsi à des réflexions essentielles.

Michel de Poncins


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