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Nous sommes gouvernés et informés par des simplets

6/3/04 Claude Reichman
En retardant sans cesse l'annonce officielle de la fin du monopole de la Sécurité sociale, Jacques Chirac condamne chaque jour des dizaines d'entreprises au dépôt de bilan et des milliers de salariés au chômage, tandis que se poursuivent et s'amplifient les délocalisations et que les jeunes diplômés quittent notre pays en nombre sans cesse croissant et vont rejoindre les deux millions de Français qui résident déjà à l'étranger. Or cette situation catastrophique pourrait s'améliorer très rapidement si, au lieu de dissimuler les faits à nos concitoyens, le président de la République leur disait enfin la vérité.
Celle-ci est fort simple. Les lois n° 94-5 du 4 janvier 1994, n° 94-678 du 8 août 1994 et n° 2001-624 du 17 juillet 2001 ont transposé dans le droit national les directives européennes 92/49/CEE et 92/96/CEE .
En vertu de ces textes, tout Français peut s'assurer librement pour la maladie, la vieillesse, les accidents du travail et le chômage auprès d'une société d'assurance, une mutuelle ou une institution de prévoyance.

La concurrence ainsi créée va faire baisser considérablement le coût de la protection sociale en France. Les entreprises vont pouvoir recommencer à engager du personnel, la consommation et l'investissement vont connaître un rebond spectaculaire, les comptes publics vont se rétablir et l'on pourra enfin commencer à réduire la dette nationale au lieu de l'augmenter chaque année de 45 à 65 milliards d'euros (300 à 400 milliards de francs). On peut se demander, dans ces conditions, ce qui empêche le chef de l'Etat de lancer avec enthousiasme cette formidable réforme, dont tous les textes sont votés, figurent au code de la sécurité sociale, au code de la mutualité et au code des assurances et n'attendent que d'être appliqués.

La réponse à cette question est terrible pour le président de la République et pour la classe politique tout entière. Ils savent en effet que cette réforme va leur faire perdre le pouvoir. Les politiciens actuels ne règnent sur le pays que parce qu'ils ont réussi à écraser la classe moyenne sous la réglementation, les impôts et les charges. Dès que cette terrible férule sera levée, les Français vont redresser la tête et chasser les mauvais gouvernants qui ont fait tant de mal à notre pays. L'affaire sera vite bouclée. Elle se fera par les urnes ou par la rue et n'épargnera aucun des tenants du système actuel. Il n'est donc pas étonnant que ceux-ci vivent dans la hantise du moment où la vérité sera découverte et que la presse aux ordres fasse barrage à toute information le permettant.

Un tel état de délabrement mental ne se soigne pas

Jamais l'opposition entre l'égoïsme monstrueux de la classe au pouvoir et l'intérêt national n'a été aussi claire et tranchée. Mais du même coup c'est tout le rapport entre la politique et le peuple qui est mis en cause. Car ce dernier n'a désormais plus d'autre choix que de faire une révolution. Celle-ci se déclenchera probablement à l'occasion d'un incident quelconque qui verra les camps se former et se ranger en ordre de bataille. Quand un mélange explosif s'est constitué, on sait qu'une simple étincelle suffit à provoquer une formidable détonation.

Le plus étonnant est quand même l'absence complète de lucidité de la classe politique et médiatique. Elle tient sans aucun doute à son confinement. Ces individus ne sont ni stupides ni congénitalement inconscients. Simplement ils ne vivent qu'entre eux et n'ont connaissance du monde réel que de façon indirecte. Ils ressemblent beaucoup au personnage interprété par l'acteur Peter Sellers dans le film intitulé en français " Bienvenue, Mister Chance ". Ce simplet qui vivait confiné dans une maison n'avait de contact avec l'extérieur que par la télévision. Quittant pour la première fois le lieu de sa réclusion, il tombe sur un groupe d'individus menaçants. Que fait-il pour se protéger ? Braquant sur eux la télécommande qui ne le quitte jamais, il tente de les chasser de sa vue en changeant de chaîne. Voilà donc l'incroyable vérité : nous sommes gouvernés et informés par des simplets, qui nous prennent pour des images de télévision et qui ne nous craignent pas parce qu'ils ont jusqu'à présent réussi à nous faire disparaître de leur vue par une simple pression du doigt sur leur télécommande !

Un tel état de délabrement mental ne se soigne pas. Mais comme privés du pouvoir, ces personnages sont inoffensifs, il ne sera même pas nécessaire de les interner. Qu'ils vieillissent et meurent dans l'oubli, ils n'ont à aucun moment mérité de laisser la moindre trace dans la postérité. Ce n'est pas un hasard si les livres de l'amiral de Gaulle consacrés à son père connaissent un formidable succès. Entre celui qui fut un géant de l'histoire et les nains actuels, le contraste est si saisissant que l'opinion est soudain avide de comparaison, comme pour chercher dans les leçons du passé les solutions à la grave crise actuelle.

C'est une bonne démarche. En la continuant, on finira même peut-être par revenir à un enseignement digne de ce nom de l'histoire, dont on sait qu'il a été banni des écoles par la volonté des politiciens minuscules qui se sont emparés de la France. Mais en attendant qu'on fasse mentir l'adage tocquevillien qui veut qu' "en démocratie chaque génération est un peuple nouveau ", il va falloir que ce peuple qui balbutie son passé ou l'a carrément oublié trouve en lui la ressource nécessaire pour se montrer digne des générations qui lui ont permis d'être en vie, en France, aujourd'hui. Vaste programme, se serait écrié le général de Gaulle. Certes. Mais a-t-on d'autre choix que de l'entreprendre ?

Claude Reichman


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