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19/7/11 Philippe Nemo
   France : une société aveugle qui va dans le mur !

L’esprit public, en France, par l'effet du monopole d'un camp idéologique sur l'école et les grands médias, complété par les lois de censure, a été complètement transformé depuis trois ou quatre dizaines d'années. Les hommes de ma génération peuvent le dire : ils ont vu cette transformation s'opérer sous leurs yeux. Une nouvelle idéologie a été créée, du moins sur l'espace public où elle domine sans partage et - jusqu'à présent, du moins - sans graves lézardes.

Car les lois de censure, en somme, ont eu les effets escomptés par leurs promoteurs. Elles ont réellement contribué à dissuader les gens non seulement de soutenir certaines thèses, mais de parler ou d'écrire sur certains sujets. Le risque de sanctions pénales ruineuses et infamantes fait que les responsables de médias et de maisons d'édition, et aussi les professeurs et toute personne ayant à parler sur des espaces où des inconnus écoutent, veillent soigneusement à éviter tout « dérapage ». Ils censurent les textes dangereux. Plus efficacement, ils dissuadent à l'avance les auteurs d'en écrire ou de leur en proposer.

Même ceux qui sont les adversaires les plus déterminés de cet asservissement de la France sont bien obligés de parler à voix basse. Les gens se taisent - même les députés, même les ministres - pour ne pas attirer sur eux la dangereuse attention de Big Brother, sans compter qu'on sait bien que toute éventuelle condamnation judiciaire, dans le cas des hommes politiques, sera surmultipliée par le lynchage médiatique, épreuve déjà insupportable pour n'importe quel citoyen, mais qui sonne la fin instantanée des carrières politiques. Quant aux analyses rationnelles, elles sont écartées de l'agora et reléguées vers des cercles de réflexion privés sans prise sur la conscience collective.

La conséquence de tout ceci est claire : le débat public, en France, ces dernières années, a été de plus en plus gravement appauvri et faussé.

Or les problèmes, en tous domaines, ne peuvent être réglés s'ils ne sont pas d'abord posés. Si donc la généralisation des tabous et des interdits en France empêche que les plus importants des problèmes de société y soient posés, il ne faut pas espérer qu'ils soient dûment traités et, en définitive, réglés. La gouvernance du pays subit, de ce fait, un grave déficit.

Il existe des solutions aux problèmes graves qui se posent à notre pays. Toute société peut sortir de tout mauvais pas, il n'y a pas, pour les sociétés, de décadence irréversible comme pour les individus. Mais quelques unes de ces solutions impliqueraient qu'on puisse remettre en cause certains préjugés, qu'on puisse rompre avec certaines routines instaurées un beau jour et trop longtemps reproduites sans nouvelle réflexion.

Cette démarche ordinaire de correction de trajectoire peut être mise en œuvre si les préjugés et les routines en question ont le statut de simples opinions, comme c'est le cas dans les pays démocratiques normaux. Mais s'ils ont été rigidifiés en mythes et en tabous, ils ne peuvent plus être changés. Ils continueront à orienter les mentalités et les comportements dans le même sens, si faux et utopique soit-il. Alors la société, aveuglée, ira dans le mur.

Philippe Nemo

Extrait de « La régression intellectuelle de la France » (Texquis).



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