www.claudereichman.com


Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme

A la une

28/9/11 Philippe Nemo
       L’insupportable police des idées en France !

Ce qui frappe dans la police des idées qui a été mise en place depuis quelques années en France, c'est son caractère crypto-religieux. Aux personnes qui énoncent des faits et arguments au sujet de l'immigration, des mœurs familiales et sexuelles, de l'école, de la sécurité, de la politique pénale, des politiques sociales, de la fiscalité, etc., n'allant pas dans le sens de l'orthodoxie régnante, on n'oppose pas d'autres faits ou d'autres arguments, mais une fin de non-recevoir. On ne veut pas discuter avec elles, on veut qu'elles disparaissent purement et simplement de l'espace public. On veut que la société soit purifiée de leur présence.

Ces prohibitions absolues rappellent certains traits caractéristiques des mentalités magico-religieuses. D'abord le curieux vocabulaire employé, inconsciemment emprunté aux fanatismes de jadis. Quand une thèse ou un mot non-conforme se profilent à l'horizon, il est de plus en plus fréquent qu'on se récrie sur les «relents» et l'odeur «nauséabonde» qui émaneraient d'eux (ce langage ridicule est couramment parlé aujourd'hui dans les milieux journalistiques). Or les fanatiques de jadis se plaignaient eux aussi des odeurs de soufre que répandaient les hérétiques et qui était censée émaner de l'antre de Satan. C'est un langage d'exorcistes !

On ne peut qu'être frappé, ensuite, par l'imprécision foncière de ce même langage. On dira, par exemple, que les opinions incriminées «rappellent les heures les plus sombres de notre histoire ». C'est une allusion, en général, aux événements de la Seconde Guerre mondiale. Mais les personnes qui tiennent ce langage seraient le plus souvent incapables de citer des faits ou des dates au sujet de ces « heures sombres », ou d'articuler le moindre raisonnement précis montrant qu'un lien quelconque existe entre les opinions en question et les crimes des nazis.

D'une manière générale, la plupart des journalistes français d'aujourd'hui sont devenus aussi incapables qu'indésireux de discuter des problèmes sur le fond en gens instruits et raisonnables. Confrontés à une opinion hétérodoxe, ils ne savent, décidément, que dire des mots et faire des gestes d'exorcisme, comme les bigots de jadis qui, à tout propos sentant le fagot, s'éloignaient précipitamment en se signant à grands gestes.

On dira que le rejet de l'immoralité est jusqu'à un certain point intuitif ou instinctif, et qu'on n'a pas toujours à raisonner par a + b quand il s'agit de prohiber des comportements honteux. Sans doute, mais précisément la morale, au sens ordinaire du mot, n'a rien à voir dans ces affaires.

Dire qu'une immigration massive et ne s'accompagnant pas d'intégration risque de dégrader le tissu social des sociétés européennes et donc de semer le malheur en Europe sans résoudre pour autant les problèmes du tiers-monde est vrai ou faux, mais c'est un propos de nature sociologique et politique qui n'est, de soi, ni moral ni immoral. Vouloir changer l'école pour y former à nouveau les scientifiques et experts dont le pays a besoin est peut-être une vaine espérance, mais ce n'est pas un crime honteux. S'interroger sur le développement psychologique des enfants qui auront été élevés par des couples homosexuels ne relève pas d'une intention perverse. Or, les discours de ce type sont bannis de l'espace public. Ils le sont par l'effet non d'une quelconque argumentation, mais de mouvements violents et irréfléchis.

Ces comportements qui ne sont ni rationnels ni moraux obéissent donc à une autre logique. On peut penser qu'ils relèvent des structures mentales typiques des sociétés préscientifiques et de ce que les anthropologues appellent les phénomènes de tabou, lesquels consistent à ne pas juger et hiérarchiser les idées selon le critère du vrai et du faux, mais selon celui du pur et de l’impur.
 

Par exemple, dans les sociétés musulmanes traditionnelles, on structure idées et comportements (et non pas seulement la nourriture) selon ce qui est halal, c'est-à-dire conforme et autorisé, et ce qui est haram, c'est-à-dire maudit et interdit. Ce partage constitue une norme rigide sanctionnée par de dures pénalités, alors qu'il n'y a rien en lui de rationnel. Nul ne pourrait dire pourquoi ce qui est autorisé est autorisé, pourquoi ce qui est interdit est interdit ; ce qui en décide, c'est l'impénétrable volonté d'Allah telle que rapportée par le Coran et les traditions.

Plus généralement, dans les sociétés où règne ce que Lévy-Bruhl a appelé les mentalités primitives, ce qui décide du licite et de l'illicite est la volonté des dieux et des ancêtres telle que rapportée par le mythe. Par exemple, on trouve dans la Bible des interdits étranges qui sont manifestement des reliquats de vieux mythes d'origine, comme l'interdiction de faire bouillir les chevreaux dans le lait de leur mère ou de manger dans un animal le nerf de la cuisse. Ajoutons que cette irrationalité des structures de tabou s'accompagne de leur non universalité : étant donné que les normes et les tabous d'une société archaïque dépendent du mythe fondateur qui lui est propre, ils sont à la fois illégitimes, incompréhensibles et inapplicables pour les hommes d'une autre société.

Il se pourrait que la France moderne soit retombée dans des mentalités archaïques et irrationnelles relevant de cette logique. Les mythes de la nouvelle religion régnant en France ont en effet forgé des tabous bien spécifiques, liés à certains événements de notre histoire que cette religion considère comme fondateurs et qu'elle a donc mythifiés, processus d'où résulte un certain réseau de valeurs transcendantes et d'interdits incompréhensibles par l'étranger.

Philippe Nemo

(Extrait de La régression intellectuelle de la France, Editions Texquis.)


Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme