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1/6/08 Bernard Martoïa

Au pays du Minotaure

Dans le classement annuel des enfers fiscaux établi par le magazine Forbes ne sont pris en compte que cinq types d’impôts : société, revenu des personnes physiques, fortune, sécurité sociale (employeur et assuré) et TVA. Sur les 66 nations qui sont en compétition pour ce titre peu enviable, la France remporte la palme avec un index de 166.8 %. Elle distance largement son second, les Pays-Bas, dont le score est de 157%. Pour fixer les idées, cela donne un taux marginal de 33% pour l’ensemble des cinq impôts en France. Pour un pays comme l’Azerbaïdjan qui se situe à la croisée des enfers fiscaux et des paradis fiscaux, cela donne un taux marginal de 20%. Abaisser de 13 % le rendement de chaque impôt nous ramènerait donc à ce seuil d’imposition jugé raisonnable. L’enquête de Jack Anderson est intéressante car il y a pratiquement autant de pays au-dessus qu’en dessous de ce seuil de référence de 100 %. Avec un index de 101,6% l’Etat de l’Illinois fait partie des mauvais élèves et avec un index de 97.2% la Corée du Sud peut être considérée comme le dernier des bons élèves de la classe 2008.

N’en déplaise aux énarques, ces statistiques étrangères sont un excellent aiguillon pour réformer un pays aussi taxé que le nôtre. L’énarque de service à l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) s’est empressé d’exercer son droit de réponse au magazine américain afin de minorer l’impact qu’une telle enquête peut produire sur des investisseurs étrangers qui auraient l’idée saugrenue d’investir dans notre enfer fiscal. Jack Anderson nous rend un excellent service. La preuve est apportée par l’index qui a chuté de 26.3% par rapport à l’année dernière : de 193.1% à 166.8%.

Les coureurs du 100 m savent bien que les dixièmes en dessous de la barre des dix secondes sont les plus durs à gratter. Mais la France n’est pas encore parvenue à ce stade de la compétition internationale. Elle fait plutôt figure de marathonien où les marges de manœuvre sont considérables. Pour ne point tuer le malade par une thérapie de choc à laquelle il n’est nullement préparé, donnons rendez-vous en 2009 aux énarques de Bercy avec un index de 150 % qui nous ramènerait à la sixième place des enfers fiscaux, juste derrière la Chine qui a un index de 152%.

L’index de misère du magazine Forbes ne donne qu’un aperçu de l’iceberg fiscal français. A quoi cela sert-il d’abaisser d’un côté les cinq impôts de référence de la compétition internationale si l’on continue à en créer d’autres ailleurs ? Sept nouvelles taxes ont été créées depuis 2007. Les énarques sont les champions du monde de la créativité fiscale. En revanche, les statistiques sont une matière fort rare dans notre pays. Et pour cause ! Rien n’est plus dangereux pour un régime totalitaire que les citoyens prennent connaissance de leur malheur. Vive l’INSEE ! Ce n’est pas sur son site que vous trouverez le nombre de taxes dans notre pays mais sur celui de Wikipedia en langue française. Certes le nombre d’articles sur le portail français est encore faible - à peine 665 386 articles publiés – mais l’on y trouve une pépite. Tapez « liste des impôts et taxes françaises » et vous obtiendrez le chiffre astronomique de 200 ! Comme les auteurs de l’article l’indiquent, il ne s’agit que d’une ébauche tant la matière est riche. Le recensement effectué par ces bénévoles est un travail de romain. A la rubrique de l’immobilier, on trouve sept taxes. La dernière en date est une taxe sur les logements vacants. S’il suffisait de cette taxe pour détendre le marché locatif des grandes villes …

Notre pays est non seulement riche de taxes mais aussi de sémantique. Aux Etats-Unis, il n’existe qu’un seul gros mot – TAX – et qui englobe tout. En France, on fait une distinction subtile entre impôts et taxes, entre taxes fiscales et taxes parafiscales, entre taxes directes et taxes indirectes, entre taxes prélevées au niveau national et taxes prélevées au niveau local, entre taxes nationales et taxes européennes, etc. La manœuvre est de créer un maquis juridique pour que le contribuable, le consommateur et le citoyen - trois entités de la même poupée gigogne - ne trouvent jamais la sortie du labyrinthe où est embusqué le Minotaure. Le monstre se contente de dévorer un bras au contribuable (impôt sur le revenu), une jambe au consommateur (TVA) une main au téléspectateur (redevance audiovisuelle) mais il prend carrément la tête du riche avec l’impôt sur la fortune. Pour toutes ces raisons évoquées, la France a de fortes chances de rester l’enfer fiscal de la planète.

Il fut un temps où la France avait de grands économistes comme Turgot, Quesnay ou Bastiat, maintenant elle a des énarques. On se distingue comme on peut…

Bernard Martoïa

 

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