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Le métro, ce n'est pas pour les prolos !

19/12/04 Christian Gerondeau
Certaines déclarations sont révélatrices et font frémir. C'est ainsi qu'on a pu lire en leur temps dans la presse les propos suivants de la Directrice Régionale de l'époque des Transports et de l'Equipement de l'Ile-de France à la Préfecture de région, qui ne cachait pas son appartenance au parti écologiste alors au pouvoir : "Il faudra réduire l'espace disponible pour l'automobile et, avec les couloirs pour autobus, les pistes pour vélos et l'élargissement des trottoirs, allonger les temps de trajet en voiture pour que les autres modes de transport deviennent plus intéressants" (Journal du Dimanche, 5 septembre 1999). Ainsi le masque tombe. Rarement les choses auront été dites avec autant de clarté. La traduction est claire : au nom d'un dogme, le but officiel de la politique de la région est de détériorer les conditions de transport, c'est à dire la qualité de vie, de la grande majorité des habitants de la région.

Cette politique a malheureusement cours en bien d'autres lieux en France aujourd'hui. Comme le déclare le président du Syndicat Mixte des Transports de la Communauté Urbaine de Lille : " Il s'agit de porter atteinte à la performance de l'automobile. Par exemple, à Lille, le Boulevard Jean-Baptiste Lebas comprenait 11 voies de circulation. Un important chantier est en cours pour n'en garder que 5 et remplacer les centaines de places de stationnement au centre du Boulevard par un parc urbain... " (Rail et Transports, 19 novembre 2003.)

Le plus étonnant est que ceux qui mettent en oeuvre de telles politiques croient bien faire en rendant plus difficile et plus stressante la vie de la très grande majorité de leurs concitoyens, avec pour objectif qu'elle devienne suffisamment invivable pour qu'ils renoncent à leur voiture.
Sans doute ceux qui prônent de telles orientations pensent ils de bonne foi que les utilisateurs actuels de l'automobile y renonceront pour prendre les transports en commun. Il n'en est rien. Dans la plupart des cas l'expérience prouve qu'ils continueront à prendre leur voiture, parce que celle ci restera quand même beaucoup plus avantageuse pour eux, notamment en termes de temps de parcours. Au lieu de mettre un quart d'heure pour un déplacement, il leur faudra une demi heure, mais l'automobile restera néanmoins plus rapide de porte à porte et plus confortable que les transports en commun. Mais ils perdront inutilement plus de temps, seront plus stressés, et verront leur qualité de vie se dégrader. A Lille, il y a dix fois plus d'usagers de l'automobile que des transports en commun, et toutes les mesures contraignantes prises pour compliquer la vie des premiers ne changeront pas grand chose à cette proportion.

On demeure d'autant plus stupéfait qu'une telle manière de faire, qui inspire très officiellement le Plan de Déplacement Urbain (PDU) de l'Ile de-France comme ceux de la plupart des villes de France, est anti sociale. Les privilégiés qui résident au coeur de Paris souffriront peu, car ils ont à leur disposition, avec le métro, le meilleur réseau de transport en commun du monde. Ce sont les ouvriers et les employés qui habitent en moyenne ou en grande couronne et qui ne peuvent se passer de leur voiture car leurs destinations sont le plus souvent dispersées qui supporteront les conséquences néfastes des politiques qui sont mises en oeuvre aujourd'hui un peu partout et notamment de l'arrêt des grands investissements routiers. Leurs temps de parcours seront allongés sans cesse, au fur et à mesure que les autorités responsables des différents réseaux routiers réduiront leur capacité pour tenter sans succès de les dissuader de prendre leur voiture comme leur demande le PDU. C'est l'ouvrier de banlieue qui est pénalisé par la politique officielle, et non le cadre parisien.

Un métro pour les cadres

Une enquête conduite en Ile de France en 1999 pour le compte de la société de publicité Métrobus a ainsi révélé que les cadres étaient sur représentés dans la population qui utilise le métro et le RER, qu'il s'agisse d'eux mêmes ou de leur famille. Ils constituent plus d'un tiers des voyageurs ! C'est même chez les cadres supérieurs que le taux d'usage est le plus fort : 30 % les utilisent régulièrement et 75 % occasionnellement. Il se confirme également que la clientèle du RER et du métro comporte une très forte proportion de jeunes. En définitive, le poids des catégories sociales défavorisées y est très limité, ce qui s'explique notamment par le fait que le réseau du métro dessert surtout le territoire de Paris et de la proche banlieue où le prix d'acquisition ou de location des logements est rédhibitoire pour les moins fortunés. Dans ces conditions, l'aide aux transports en commun y est très largement une aide aux riches.

La même enquête, conduite dans le métro de Marseille, a donné des résultats qui vont dans le même sens. 3 7 % des voyageurs y sont des cadres; 49 % de ceux ci ont moins de 34 ans, 73 % d'entre eux sont des adeptes du cinéma; 80 % fréquentent les grands magasins, etc. Au total, les usagers du métro y émanent en majorité de classes sociales qui ne sont en rien défavorisées (La Vie du Rail, 17 novembre 1999).

Christian Gerondeau
(Extrait de " Les danseuses de la République ", de Christian Gerondeau, Editions L'Harmattan).

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