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19/4/09 Bernard Martoïa

Le spectre de la Kreditanstalt Bank

L’index Dow Jones affiche sa sixième semaine consécutive de hausse. Il a clôturé à 8131 points. Mais un examen du graphe indique un tassement. L'indice n’a gagné que 48 points dans la semaine, à peine 0,5 % de hausse... C’est un signal plutôt rassurant. Après quatre semaines de forte hausse, l’index a besoin de consolider ses gains qui ne reposent sur rien de tangible.

Chassez le naturel, il revient au galop à Wall Street

La deuxième semaine de publication des résultats du premier trimestre 2009 des entreprises cotées à Wall Street a apporté son lot de satisfaction à ceux qui feignent de croire, pour des raisons électorales, que la reprise serait pour l’automne. Parmi le flot de “bonnes nouvelles”, on retiendra surtout la performance tronquée de quelques grandes banques américaines.

Goldman Sachs a enregistré un profit de 1,8 milliards de dollars. C’est le résultat d’un artifice comptable. Sommée de choisir un statut pendant la débâcle financière, la banque d’investissement a opté pour celui de banque commerciale (qu’elle n’est pas) mais qui lui garantit l’aide de l’Etat... Cela lui a permis de décaler d’un mois la publication de son résultat trimestriel qui ne prend pas en compte le mois de décembre au cours duquel elle s’est délestée de 780 millions de dollars de déchets toxiques.

Soucieuse de retrouver son indépendance, la banque a annoncé son intention de rembourser, par anticipation, la moitié des dix milliards de dollars que lui a prêtés son ancien patron. C’est en effet l’ancien secrétaire au Trésor, Henry Paulson, qui a fabriqué en grande hâte avec son compère Bernanke, la première grande échelle de pompier baptisée TARP (trouble asset relief programm) après l’explosion nucléaire du 15 septembre 2008.

La banque n’a pas cet argent mais elle va faire comme tout Etat impécunieux en empruntant, à son niveau, sur le marché secondaire. Les investisseurs privés sont attirés par sa profitabilité légendaire de trading et de spéculation… Goldman Sachs avait misé sur l’explosion de la bulle immobilière en vendant à découvert.

En voulant rembourser au plus vite ses dettes, Goldman Sachs veut s’affranchir de la tutelle pesante de l’Etat, et notamment de la limitation des salaires à 500.000 dollars par mois imposée par le président socialiste Obama. On ne peut pas, d’un côté, reprocher aux banquiers de mener un grand train de vie sur le dos des contribuables américains et, de l’autre, se plaindre de moindres rentrées fiscales. C’est pourtant ce qui s’est passé. Le gouverneur Paterson s’est lamenté de ce que la seule suppression des bonus de fin d’année de la firme Goldman Sachs se soit traduite par une perte sèche de 178 millions de dollars de recettes fiscales pour son Etat de New York. (1)

Une autre explication du rebond technique

La vente à découvert serait à l’origine du rebond fantastique de l’indice vedette. Selon l’analyste financier David Rosenberg de Bank of America (un ex employé de Merrill Lynch) il y avait environ 2,7 trillions de titres à découvert sur le seul secteur bancaire. Excusez du peu ! Ce retournement aurait provoqué le rachat massif de ces titres par les spéculateurs voulant solder leur position.

Mais pour paraphraser le fondateur de l’école autrichienne Carl Menger, il ne faut pas confondre une cause et son effet. Le rachat des actions est l’effet et non point la cause du rebond. Une explication de ce mystérieux rebond a été donnée par un blog américain portant le nom de Zero Hedge. Elle a été reprise, cette semaine, par l’éditorialiste Alan Abelson du Barron’s Magazine sous le titre « Don’t Bank on It. » L’assureur A.I.G désespérait de parvenir à pomper l’argent du Trésor (le contribuable américain) pour couvrir ses positions sur le marché des produits dérivés dont il est toujours l’un des principaux acteurs. Pour l’obliger à lui venir en aide, il a décidé de se débarrasser d’un gros paquet de credit default swaps. Cela a fait le bonheur de ses contreparties, en l’occurrence les seize grandes banques internationales, appelées primary dealers, qui se financent directement auprès de la Fed. C’est pourquoi avant l’ouverture du marché, le mardi 10 mars, le président de Citigroup, Vikram Pandit, a déclaré que sa banque a fait des profits extraordinaires en janvier et en février. Sa déclaration a été le détonateur du rebond du marché. Le penny stock (l’action ne valait qu’un dollar le vendredi 6 mars) a rebondi fortement après cette annonce. L’action a quadruplé depuis.

Le blues des néo-keynésiens

Après avoir tancé le gourou des néo-keynésiens qui a prôné inlassablement un plan de relance gigantesque, je loue sa lucidité du moment. Dans son papier du 16 avril, Paul Krugman se montre circonspect sur une possible reprise en V de la croissance. Il se distingue du président Obama qui est revenu sur sa déclaration de la semaine dernière dans laquelle il a évoqué une reprise à l’automne. « Même pendant la Grande Dépression, les choses n’allaient pas si mal que cela. Il y eut, en particulier, une pause dans le plongeon après une année et demie – c’est grosso modo la position où nous sommes maintenant. Puis vint une série de faillites de banques des deux côtés de l’Atlantique, combinée avec des politiques monétaires désastreuses pour sauver le Gold Standard, et le marché tomba dans l’abysse. »

C’est une référence implicite à la faillite retentissante de la banque autrichienne Kreditanstalt Bank le 11 mai 1931. Elle provoqua la Grande Dépression sur le Vieux Continent. La production industrielle allemande baissa de 40 % ! Vingt mois plus tard, le chancelier Adolf Hitler était élu triomphalement. Ludwig Von Mises (1881-1973) fut l'un des rares économistes de l’époque à prédire ce qui allait se passer. "Un grand krach va se produire et je ne veux pas que mon nom y soit associé." Il avait décliné un poste important au sein de la Kreditanstalt Bank au début de l'année 1929 (2).

Bernard Martoïa

(1) Archives : « D’une bulle à l’autre », du 21 décembre 2008.
(2) Archives : « La Grande Dépression », du 20 novembre 2008.

 

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