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11/3/10 Bernard Martoïa
                   Les Ides de Mars

« Certains signes précédent certains événements » disait Cicéron. A l’instar de la pièce de William Shakespeare, où Jules César est prévenu, faut-il se méfier des Ides de Mars ?

Deux dates donnent matière à réfléchir

Le 10 mars 2000 correspond au zénith de la bulle Internet. Ce jour-là, l’indice vedette Nasdaq des valeurs de technologie clôtura à 5048 points. Il est aujourd’hui à 2359 points. Cela représente une dégringolade de 54 % en une décennie.

D’aucuns trouveront un réconfort dans son impressionnant rebond depuis l’abysse du 9 mars 2009, qui est la deuxième date marquante des marchés. Ce jour-là, le Nasdaq clôtura à 1284 points. Il avait perdu 75 % de sa valeur en neuf ans.

Au zénith de la bulle Internet, la société Cisco qui fabrique les routeurs de la toile, était, avec une capitalisation boursière de 500 milliards de dollars, la plus riche de la planète. Le marché lui attribuait généreusement une capitalisation deux fois supérieure à celle de General Electric. (Pour information, GE est l’ancêtre de l’indice Dow & Jones inventé en 1896 par Charles Dow, les vingt-neuf autres sociétés ont disparu)

A la recherche d’hyperboles, les journalistes financiers de Wall Street opposaient la « vieille économie » à la « nouvelle économie » qui avait le vent en poupe. On ne donnait pas cher de la vieille économie. L’action de Cisco cotait 139 $, elle n’en vaut plus que 25$ aujourd’hui.

Quelle stratégie pour les investisseurs ?

S’il vous reste de l’argent après la tondeuse du fisc, les conseillers financiers vous diront que les actions sont le meilleur placement sur le long terme. Mais la décennie passée a rendu obsolète la stratégie « buy and hold ». Il n’y a plus de visibilité.

On nous a joué si longtemps la pièce « En attendant Godot » que plus personne ne croit vraiment à la reprise d’une croissance durable. C’est la faute des néo-keynésiens avec leur incessant bricolage des taux d’intérêt et de la masse monétaire en circulation. Il nous faut vivre, ou plutôt survivre, à travers les crises qu’ils déclenchent. Après la bulle Internet, nous avons été gratifiés de la bulle immobilière. La bulle obligataire est arrivée plus vite que je ne l’avais envisagé. Mon horizon était 2012. Son éclatement sonnera la fin de l’euro. Après l’effondrement de plusieurs États-providence, on reviendra à plus de sagesse en marquant dans le marbre que les déficits budgétaires sont bannis.

Les apprentis sorciers ne désarment pas

Ils envisagent d’instiller le poison de l’inflation pour soulager les États surendettés. C’est la proposition d’Olivier Blanchard, un économiste français du FMI, qui envisage une inflation de 4 % au lieu de 2 % par an. Elle a séduit le journal Le Monde. (1) Spolier les épargnants qui ont placé leur argent dans des obligations d’État serait une bonne chose !

En dehors de l’immoralité de ces gens qui sont toujours prêts à donner des leçons, il faut s’attarder sur l’aspect purement économique de cette proposition. Comme le disait notre maître à penser Frédéric Bastiat, les néo-keynésiens n’envisagent qu’une partie de l’équation (réduire la charge de la dette). Ils ignorent la partie cachée. On peut laisser filer l’inflation mais on ne peut pas la contrôler ! Fixer une inflation de 4 % par an est une proposition aussi absurde que celle faite par le président de la République à Marignane, le 4 mars 2010, d’augmenter la production industrielle de 25 % en cinq ans. L’économie ne se décrète pas !

Ces apprentis sorciers ignorent les réactions en chaîne. L’inflation obscurcit considérablement l’horizon des chefs d’entreprise. Elle favorise l’endettement au détriment de l’autofinancement des entreprises et de l’épargne des ménages. Elle suscite des revendications salariales à n’en plus finir. C’est une boîte de Pandore.

Ils ignorent aussi le sort tragique de la jeune république de Weimar qui fut emportée par l’hyperinflation. Lors de la conférence de la paix, en 1919, au château de Versailles, le jeune John Maynard Keynes faisait partie de la délégation économique anglaise. Il mit en garde ses collègues français sur le fait que l’Allemagne ne pourrait jamais rembourser la dette de guerre énorme qu’ils exigeaient d’elle. Il ne fut pas écouté. Écœuré par l’inflexibilité de Clemenceau, Keynes claqua la porte et se vengea en écrivant le livre « The Economic Consequences of the Peace ». (2)

Les socialistes ignorent volontiers cet ouvrage où l’auteur avait vu juste et lui attribuent des hommages indus sur la sortie de la Grande Dépression. La réécriture de l’histoire est une obsession des socialistes !

Bernard Martoïa

(1) « L’économie mondiale a-t-elle besoin de plus d’inflation ? », Le Monde du 24 février 2010.
(2) « The Economic Consequences of the Peace », de John Maynard Keynes, est disponible chez Amazon.


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