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23/2/10 Bernard Martoïa

La Grèce sur la pente de la faillite, comme l’Argentine en 1999 !

« L’expérience est un bon maître mais l’addition qu’elle vous présente est toujours salée », avertit en 1902 l’Américaine Minna Thomas Antrim dans un manuel destiné à l’éducation des jeunes filles de son temps qui s’intitulait Don’t for girls : a manual of mistakes. Dans ce manuel, l’auteur énumérait des fautes à ne pas commettre en société. Si la belle Hélène avait suivi les conseils de Minna, elle ne serait pas condamnée, aujourd’hui, par la société européenne.

Une monnaie forte non contrôlée

La Grèce avait une monnaie faible comme l’Argentine. Du jour au lendemain, ces deux nations se sont dotées d’une monnaie trop forte pour leur économie. Pour l’Argentine, il s’agissait de tuer l’hydre de l’hyperinflation, pour la Grèce d’entrer dans le sésame européen. En 1991, Domingo Cavallo, le ministre argentin des finances, arrima le peso au dollar américain. En 2001, le gouvernement grec abandonna la drachme pour l’euro. Le dogmatisme de la banque centrale d’Argentine se traduisit par un déficit abyssal de la balance des paiements. Ce dogme dura neuf ans… Neuf ans plus tard (une constante), la Grèce se trouve en défaut de paiement.

Les effets pervers d’une monnaie forte pour une économie qui ne l’est pas

Dès son indépendance, l’Argentine s’est distinguée par la faiblesse de son administration fiscale. La situation de la Grèce est identique. Alors que ce pays est au bord du gouffre, ses inspecteurs des impôts ont décidé de faire grève.

Comme l’Argentine, la Grèce a bénéficié d’une période de grâce. Cela s’est traduit par un afflux de capitaux étrangers. Les gouvernements ont alors dépensé beaucoup d’argent pour des programmes sociaux et aussi par clientélisme électoral. La hausse généralisée des prix a progressivement asphyxié ces deux économies. Quand les clignotants virèrent, l’un après l’autre, au rouge, la confiance s’étiola. Les flux de capitaux s’inversèrent et les problèmes budgétaires s’aggravèrent brutalement.

Le dilemme intenable : déflation ou abandon de la monnaie forte

Avec le maintien d’une monnaie forte, la seule solution pour regagner la compétitivité perdue est une politique monétaire déflationniste. C’est la potion amère infligée aux citoyens américains par Paul Volcker, le président de la Fed de 1979 à 1987. Le taux d’intérêt fut porté à 21,5 % en juin 1981. La banque centrale de l’Argentine était trop faible pour lutter contre la spéculation du marché contre sa monnaie surévaluée. Comme la Grèce a abandonné sa politique monétaire à la B.C.E, elle ne peut pas restaurer sa compétitivité.

Le sauvetage par les Européens ne fera qu’aggraver la crise grecque.

Entre 1999 et 2001, l’Argentine entra dans une série d’accords avec le F.M.I et la Banque Mondiale. Mais chaque accord fut rompu en raison de l’incapacité de l’Argentine à honorer ses engagements. Le Trésor américain intervint à son tour en lui fournissant une aide bilatérale massive en échange d’une réduction drastique du déficit budgétaire. Même résultat : contraction de l’économie argentine, évasion massive des capitaux et grève généralisée dans le secteur public.

Comme les Argentins, les Grecs ne sont pas prêts à l’inévitable cure d’austérité qui les attend. C’est la faute des gouvernements démagogues (péronistes ou socialistes) qui ont entretenu l’opinion publique dans un intenable mensonge. Personne ne peut vivre éternellement au-dessus de ses moyens. Le budget grec doit être réduit de 30 % et celui de la France de 22 %. Cette dernière arrive à placer ses emprunts auprès des investisseurs étrangers. Pour combien de temps ?

La crise argentine se termina très mal.

Le gouvernement fit défaut sur sa dette s’élevant à 132 milliards de dollars. Quelques manifestants furent tués lors d’échauffourées avec la police. Le palais de la présidence fut cerné et le président De la Rua put s’échapper de la Casa Rosada par hélicoptère le 21 décembre 2001. S’ensuivit une vacance du pouvoir. Finalement, l’Assemblée législative désigna le péroniste Eduardo Duhalde pour remplacer le fugitif. Très rapidement, Duhalde dut se résoudre à abandonner la parité du peso avec le dollar. En quelques jours, il perdit 40 % de sa valeur. C’est ce qui arrivera à la Grèce, au plus tard en 2012, lorsqu’elle retournera à la drachme.

Le retour d’un gouvernement péroniste aggrava la crise. Il mit fin à la convertibilité du peso. Plus grave, le ministre de l’Économie s’attaqua aux dépôts des particuliers. Tous les dollars furent convertis de force en pesos. Les péronistes reprenaient ainsi les méthodes éprouvées des révolutionnaires français. Même si le peso était inconvertible, il se dévalua de 400 %, sur le marché noir, au cours de l’année 2002. L’inflation fit rage à nouveau. Elle grimpa à 80 %. Des milliers de citadins subsistèrent en faisant les poubelles. Certains moururent de faim. En 2003, environ 40 000 Argentins ne s’en tirèrent qu’en recyclant des déchets et des cartons. Le chômage atteignit 25 % de la population. L’économie argentine enregistra quatre années de contraction. Son PNB recula de 3 % en 1999, de 1% en 2000, de 4 % en 2001 et de 11% en 2002 !

Duhalde demanda la tenue d’élections présidentielles en 2003. Le 25 mai 2003, Nestor Kichner fut élu président. Il garda Roberto Lavagna à son poste de ministre de l’économie. La Chine importa beaucoup de soja et l’Argentine enregistra un énorme surplus de sa balance commerciale. Cela obligea la banque centrale à intervenir pour éviter une appréciation trop rapide du peso par rapport au dollar. Sa parité revint à 1 pour 3 alors qu’elle était tombée à 1 pour 4 l’année précédente. Le PNB rebondit de 8 % en 2003 et de 9 % en 2004. L’Argentine renaissait de ses cendres encore chaudes.

Le sort de l’Euro est lié à la Grèce

La Grèce a un endettement trois fois plus élevé que l’Argentine. Le plan de sauvetage qui se trame à Luxembourg ne sera qu’un tonneau des Danaïdes. Les agences de notation vont inévitablement tracer la provenance de ce renflouement. La signature des prêteurs en pâtira.

Il faut s'attendre à de fortes turbulences en Mer Egée. En refusant l’aléa moral par l’éviction de la Grèce qui a bafoué toutes les règles de comptabilité publique, la zone euro se condamne. Lors de mon conseil du 19 décembre 2009 (1) de vendre à découvert l’euro, la monnaie unique s’échangeait contre 1,45 $. Elle ne vaut plus que 1,35 $ aujourd’hui. Cela représente une perte de 7 % de la devise européenne mais un gain plus élevé pour les spéculateurs gagnants avec l’effet de levier.

Bernard Martoïa

(1) Archive du 19 décembre 2009 : « Le mythe du temps différent »

 

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