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20/12/09 Bernard Martoïa
Mais si, les Etats peuvent faire faillite,                 et en voici la preuve !

L’effondrement du marché financier, le 15 septembre 2008, provoqué par la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers, a engendré une réaction stéréotypée des Keynésiens qui nous gouvernent. Pour relancer l’économie, il n’y aurait pas d’autre solution que d’aggraver les déficits budgétaires…La leçon a été bien retenue par le président de la République française. Son plan de relance keynésien, qu’il a dû rebaptiser « plan pour l’avenir de la France », pour ne pas déplaire aux agences de notation soucieuses de l’endettement de ce pays qui vit depuis trente-cinq ans au-dessus de ses moyens, sera finalement d’un montant réduit à 35 milliards d’euros.

Il faudra se contenter de ce moindre mal en dépit de nos avertissements répétés selon lesquels on ne soigne pas le mal par le mal, à savoir par un endettement supplémentaire, alors que la récession est liée à un excès d’endettement des ménages et des banques provoqué par la politique monétaire laxiste des banques centrales.

Avant d’aborder la question principale, il faut décerner la palme de l’incompétence à Olivier Pastré, professeur d’économie à Paris VIII, qui, dans l’émission hebdomadaire «L’économie en question» sur France Culture, a déclaré sur cette antenne qu’il faut nationaliser les agences de notation ! Quand la température ne vous plaît pas, notamment en cette période d’hystérie collective entretenue par le sommet de Copenhague, vous cassez le thermomètre. Cela ne résoudra ni l’imposture du réchauffement climatique, ni le surendettement de la planète, mais cela évitera aux écologistes ou aux Keynésiens d’être contredits de manière aussi flagrante par les faits.

Je martèle que l’indépendance des agences de notation ne peut être réalisée qu’à travers la levée d’une taxe infime de 0,01% sur toutes les transactions boursières. Tant que les agences de notation resteront rémunérées par leurs clients, il est utopique d’attendre des miracles de leur part.

Alors que se pose avec acuité à ses quatorze partenaires de l’Euroland le problème du sauvetage de la Grèce (la monnaie unique s’est dévaluée de 4 % par rapport au dollar en l’espace de deux semaines), les grands argentiers devraient lire, avant d’ouvrir inconsidérément les cordons de la bourse à la cigale grecque, une étude menée par Carmen Reinhart, de l’université du Maryland, et par Kenneth Rogoff, de l’université de Harvard. Le titre de leur rapport ne manque pas d’humour : « This time is different : a panoramic view of eight centuries of financial crisis» (Ce temps est différent : une vue panoramique de huit siècles de crises financières)

Leur thèse est tout le contraire du titre. La crise financière actuelle n’a rien d’extraordinaire. Chaque époque a été marquée par une période d’euphorie où des gourous ont prétendu que les circonstances étaient différentes et qu’il ne fallait pas s’alarmer de la hausse des prix. « La maison que vous achetez en vous endettant lourdement, vous pourrez toujours la revendre demain en faisant une plus-value. » Tout le monde y a cru, du petit ménage jusqu’au président de la Fed… Mais, comme le notent Reinhart et Rogoff, notre bulle immobilière n’est qu’une énième parmi beaucoup d’autres au cours des huit derniers siècles sur lesquels ils ont pu glaner des statistiques. Nul doute qu’il y eut d’autres talentueux Charles Ponzi ou Bernard Madoff avant le XIIIe siècle, mais faute d’archives abondantes, ils ne sont pas remontés au-delà dans le temps.

Le duo a relevé une constante : un endettement excessif conduit immanquablement à la banqueroute des États qui y ont recours. Une idée pernicieuse - qui va faire grincer les dents des énarques de l’agence France Trésor qui se considèrent comme les Mozart de la finance - consiste à croire que l’on peut toujours inventer des produits financiers pour reporter la facture à payer. A l’appui de leur démonstration, les deux auteurs ont établi une corrélation entre la mobilité du capital et les crises financières. Le délai de grâce ne s’étend pas au-delà d’une décennie…

Les deux auteurs ont poussé le bouchon jusqu’à établir des statistiques honteuses des faillites des États. Par faillite, il faut entendre l’incapacité d’un État à honorer ses échéances de remboursement de la dette contractée auprès des étrangers ou des nationaux. Sur le podium, on retrouve l’Espagne avec treize faillites avérées depuis le XIII siècle, suivie de la France avec huit et de la Hongrie avec sept. L’origine hongroise du chef de l’État tendrait à renforcer la présomption d’une faillite prochaine de notre nation.

Autre point délicat auquel devrait réfléchir sérieusement la fourmi Angela Merkel avant de commettre une erreur irréparable, c’est celle de la durée des défauts de paiement des États. Si un État fait plus souvent faillite qu’un autre, il peut s’avérer un moins mauvais élève s’il est capable de reprendre plus tôt ses remboursements. Sur ce point, la Grèce aggrave son cas. Si elle n’est pas parvenue à se hisser sur le podium, c’est à cause de sa jeunesse ! Elle n’a acquis son indépendance qu’en 1830 par le protocole de Londres. En revanche, elle est le cancre en matière de capacité de remboursement. Elle se distingue par la longueur moyenne des périodes où elle s’est trouvée en défaut de paiement (50,6 années), alors que la Hongrie, sa seconde, ne l’a été que pendant 37, 1 années en moyenne.

Concernant les expédients à une crise financière, nos deux auteurs énumèrent les vieilles recettes éprouvées.

La méthode la plus radicale, empruntée aux monarques français, consiste à décapiter les créditeurs. C’était la première forme de « restructuration de la dette », mais elle ne serait plus applicable de nos jours. Joseph Marie Terray (1715-1778), qui fut contrôleur des finances sous le règne de Louis XV, disait : « Un gouvernement doit faire défaut au moins tous les siècles pour restaurer l’équilibre. » Sa formule est éminemment contemporaine avec l’opération de « reset » de la mémoire des ordinateurs que le gouvernement applique, avec un certain succès, sur celle des Français pour mieux les manipuler. Ce n'est pas un hasard si la disparition de l’enseignement de l’histoire figure parmi ses priorités.

La deuxième solution est de rembourser en monnaie de singe le créditeur à travers une « dévaluation compétitive. » C’est l’exercice périlleux auquel se livre actuellement Timothy Geithner, le secrétaire américain au Trésor, avec le gouvernement chinois. Ce n’est pas par hasard que ce technocrate, parlant couramment le mandarin, a été recruté par Obama pour séduire l’Empire du Milieu. Avant l’introduction de la planche à billets, qui a été d’ailleurs inventée par les Chinois, les monarques européens recourraient à un expédient éprouvé. Ils baissaient la part des métaux précieux dans la composition des pièces de monnaie en circulation. Ainsi, on apprend par Reinhart et Rogoff que le pourcentage d’argent, qui était de 8,5 % en 1400 en Europe, tomba à 1 % au milieu du dix-neuvième siècle. En complément d'information, les guerres napoléoniennes furent le plus grand facteur de destruction de richesse en Europe !

La troisième solution est de répudier la dette comme le firent, en 1917, les Soviétiques. L’inconvénient majeur est de se couper de la communauté internationale. L’exemple de la Corée du Nord devrait faire réfléchir ceux qui seraient tentés par l’expérience.

Pour conclure, sauver la Grèce ne sauvera pas pour autant la zone euro. Elle sera un fardeau pendant très longtemps pour les contribuables des pays vertueux. S’il n’y avait que la cigale grecque, la charge resterait supportable. Mais il faudra bientôt ajouter celle des PIGS (Portugal, Italie, Grèce et Espagne) ou, dit de façon plus diplomatique, celle des pays du Club Méditerranée, auxquels la France pourrait adhérer bientôt, pour se rendre compte que la fourmi allemande, malgré toute sa bonne volonté, ne pourra longtemps supporter la charge en question. Edward Burke disait que les gens ruinés le sont à cause de leurs propensions naturelles. Appliqué à l'échelle de l'Europe, cet aphorisme pourrait se décliner ainsi : les cigales sont ruinées à cause de leur penchant naturel, et les fourmis en raison de leur bonté ou de leur stupidité. Aux traders patentés, la vente à découvert de l'euro semble la meilleure option dans ce marché surévalué.

Bernard Martoïa

 

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