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19/7/09 Bernard Martoïa

Bidouilles à Wall Street

« L’homme le plus honnête est aussi le plus malchanceux dans la vie.» John Ray

L’indice Dow Jones a clôturé vendredi 17 juillet à 8743 points. Il a rebondi de 597 points ou 7,3% ! Il a effacé quatre semaines de baisse consécutive. Ce rebond porte le nom de configuration en drapeau. En revenant se placer au-dessus de sa moyenne mobile à 200 jours, comme les autres indices majeurs du marché américain que sont le Nasdaq et le S&P 500, l’indice vedette est sorti miraculeusement d’un scénario bearish.

La publication des résultats du second trimestre 2009 a galvanisé le marché. Rien que dans la seule séance de mercredi, l’excellent résultat d’Intel, le fabriquant de cerveaux d’ordinateurs, a entraîné une hausse globale de 3 % du marché.

Alors verrait-on le bout du tunnel ? Pour les ravis, cela ne fait aucun doute. Peut-on encore les croire alors qu’ils n’ont cessé de marteler depuis le début de la crise que ce n’était qu’une dépression passagère et que la reprise était pour demain ?

Pour résumer cette folle semaine, une partie des acteurs est séduite par ce scénario rose, les sceptiques, qui sont encore majoritaires (les faibles volumes échangés l’attestent) préfèrent attendre d’autres indicateurs macroéconomiques avant de se jeter à l’eau. Le combat entre bears et bulls fait rage à Wall Street.

Y a-t-il eu une nouvelle intervention secrète du gouvernement américain pour doper les indices ?

Dans son édition du 18 mai 2009, le magazine New Yorker a publié l’enquête menée par Nick Paumgarten : « Annals of Finance - The Death of Kings ». Parmi les nombreux personnages qu’il a interviewés au sujet de la débâcle financière, un seul s’est interrogé sur le miraculeux redressement du marché au début du mois de mars. Il s’agit de Colin Negrych qui se présente de la façon suivante : « I’m a macroeconomic and geopolitical strategist disguised as a bond salesman » (Je suis un macroéconomiste et un stratège géopolitique déguisé en vendeur de bons). Negrych fait gagner beaucoup d’argent à ses clients qui lui demandent un conseil. Atteint d’un lymphome il y a onze ans, il vit reclus dans un appartement près de Washington Square à Manhattan. Ne sortant jamais de sa tanière, il suit à longueur de journée le marché sur des écrans d’ordinateur et sur la chaîne de télévision Bloomberg. Il suspecte que le gouvernement américain aurait établi des programmes secrets d’achat d’actions pour regonfler les indices. A l’appui de sa théorie de la conspiration, il a noté un achat massif de titres à chaque fois en fin de séance. « Nous allons trouver rapidement quelle arme ils possèdent, brique ou bazooka. » Deux mois après sa sensationnelle déclaration, nous serions curieux de connaître le résultat de son enquête.

Un politicien s’interroge, pour sa part, sur le rôle toujours trouble joué par la Fed. Il s’agit de Ron Paul qui demande, depuis vingt-cinq ans, la transparence de la Fed. Pour sa part, cela ne fait que dix-sept ans que Claude Reichman réclame la fin du monopole de la sécurité sociale en France en application du traité de Maastricht que la France a ratifié. Encore un peu de patience mon cher Claude… Tout vient à point à qui sait attendre !

Ce trouble-fête de l’école autrichienne commence à inquiéter sérieusement l’establishment. Figurez-vous que le public américain est en train de se rallier à son projet de loi jumelle (S604) qu’il a déposé auprès des deux chambres du Congrès américain (1)Interrogé par les chaînes de télévision qui se le disputent, Ron Paul n’est pas le monstre ultralibéral et caricatural que les Français s’imaginent. Affable, souriant et ne manquant pas d’humour, Ron répète à l’envie aux téléspectateurs américains : « Pourquoi le gouvernement fédéral refuse-t-il la transparence de la Fed ? S’il le fait, c’est qu’il veut nous masquer quelque chose d’inavouable.» Il demande, en conséquence, la publication de toutes les communications, qu’elles soient téléphoniques ou écrites, entre le gouvernement fédéral et la Fed.

Comme il ne cesse de le répéter, le Congrès américain est souverain. C’est son rôle à lui de contrôler toutes les branches de l’exécutif. Le président Obama est pris à son propre piège. N’est-ce point lui qui a demandé que la Central Intelligence Agency (C.I.A.) coopère avec le Congrès pour établir la vérité concernant les actes de torture perpétrés en Irak et à la prison de Guantanamo?

Depuis que Ben Bernanke a pris les rênes de la Fed, le 1er février 2006, l’agrégat monétaire M3 n’est plus publié. Et pour cause ! La publication de cet agrégat permettrait de connaître plus précisément les interventions de la Fed sur le marché. Un ravi français ne cesse de glorifier sur son blog son action en le comparant au bombardier furtif B2. C’est une curieuse conception de la démocratie... Comme je l’ai écrit en février (2) la Fed s’approche dangereusement du seuil d’insolvabilité à travers ses rachats massifs de déchets toxiques. Ron Paul a raison de demander des comptes à la Fed et il est heureux que le public américain lui emboîte le pas.

On assiste au même sursaut salutaire de ce côté de l’Atlantique. La Cour des comptes a contrôlé ceux de la présidence de la République. Pour cette première, elle s’est contentée de morigéner l’actuel locataire de l’Elysée pour sa gestion laxiste de nos deniers. Bon prince, il a reversé 14 000 euros de sa poche (une peccadille) au Trésor public. Peu suspect de sympathie envers ce fief technocratique (ce rôle de contrôle appartient au parlement dans une république qui se respecte), je pense que son président actuel, Philippe Seguin, a eu raison de s’attaquer en priorité au faîte de l’Etat. Si celui-ci ne convient pas qu’il doit se serrer la ceinture afin de donner l’exemple, comment peut-on demander les nécessaires sacrifices à la nation ?

Il ne faut nullement demander des sacrifices aux contribuables français qui sont les plus taxés de la planète mais en priorité aux politiques et aux administrations publiques. Il y a l’embarras du choix dans les dépenses inutiles. Commençons d’abord par la suppression du ministère de l’éducation nationale qui est le plus gros poste de dépenses de l’Etat. Ce ministère et ses syndicats épigones s’enorgueillissent du taux de réussite de 88 % au baccalauréat pour le cru 2009. Il reste encore un petit effort à fournir pour parvenir au taux de 100 % ! En grattant 1% par an, le ministère de l’autosatisfaction devrait y parvenir en 2021.

Il est grand temps d’arrêter cette fabrique à crétins en offrant un chèque éducation à chaque famille française. Faut-il rappeler que les trois-quarts des bacheliers du cru 2009 rateraient le certificat de fin d’études primaires qui était délivré avant 1968 ? Nos jeunes bacheliers ne savent ni écrire ni faire une opération de calcul mental mais ils savent envoyer des textos à partir de leurs portables. Quel prodige !

A quoi tiennent les résultats extraordinaires de Goldman Sachs ?

Puisqu’il est question de calcul et de décerner la palme au meilleur de la classe, une maison se distingue à Wall Street. Il s’agit, comme vous l’avez sans doute deviné, de Goldman Sachs qui a engrangé un bénéfice de 3,4 milliards de dollars au second trimestre de cette année.

En dépit de son reclassement en banque commerciale pendant la tourmente de l’automne, lui assurant ainsi l’aide automatique du F.D.I.C (Federal Deposit Insurance Corporation), Goldman Sachs est une pure banque d’investissement qui tire tous ses bénéfices de ses activités de trading. Avant la crise, Goldman Sachs pouvait se sucrer grâce à ses commissions pour l’introduction en Bourse d’une société ou lors de la fusion de deux sociétés. Comme cette manne s’est vaporisée, la firme aurait mis au point une martingale pour compenser ces pertes.

On en a découvert l’existence tout récemment avec l’arrestation de Sergey Aleynikov par la Fed. Ce Russe naturalisé Américain a travaillé pour Goldman Sachs. Ce génial mathématicien aurait mis au point un programme assurant la suprématie de Goldman Sachs sur le marché. Baptisé « haute fréquence », son programme détecterait des opportunités d’achat ou de vente d’actions à une vitesse sidérante et sur un très grand volume de titres. Exactement le type de martingale industrielle que recherche la firme au veau d’or.

Très recherché, l’intéressé aurait accepté une proposition alléchante d’un concurrent pour l’aider à découvrir des «pousses vertes» qui, comme vous le savez, sont très en vogue dans l’administration écologiste du président Obama.

Distrait, Sergey aurait emporté avec lui les codes du programme « high frequency ». La Fed et le gouvernement ont de solides liens d’amitié avec la firme vedette de Wall Street. Avant de devenir Secrétaire du Trésor, Henry Paulson, était le patron de Goldman Sachs. Avec son compère Ben Bernanke, Henry assura le sauvetage de sa firme mais pas celle de sa rivale Lehman Brothers qu’il laissa choir.

Informée de la fuite, la Fed a arrêté le prodigieux programmeur qui s’apprêtait à livrer les codes à l’ennemi. Accusé de vol, l’intéressé a versé une caution de 750 000 $ en attendant son procès. L’éditorialiste du Barron’s Magazine, Alan Abelson, a commenté avec ironie cet avant-procès dans son dernier papier du 13 juillet 2009 intitulé «What has Sergey Wrought ?» (Qu’est ce que Sergey a bidouillé ?) Lors de l’audience au palais, un avocat de la défense qui préférait que Sergey aille moisir en prison en attendant son procès, a déclaré que si le code de Goldman Sachs passe entre de mauvaises mains, cela occasionnerait des « manipulations malhonnêtes » du marché. Nous en déduisons donc que tant que Goldman Sachs possède le code en question, le marché sera sain et sauf. Autrement dit, le marché restera entre de bonnes mains tant que Goldman Sachs génèrera des profits énormes. CQFD Voilà une plaidoirie qui va certainement entrer dans l’histoire de Wall Street.

Le socialiste Paul Krugman, dans son papier du 17 juillet 2009 publié par le New York Times, a conclu ainsi : « Le remarquable trimestre de Goldman est bon pour les superstars de la finance en général dont les salaires regrimpent rapidement au niveau d’avant la crise. Mais c’est une mauvaise nouvelle pour presque tout le monde en dehors d’eux. »

Bernard Martoïa

(1) Archive du 16 mai 2009 : David contre Goliath.

(2) Archive du 6 février 2009 : La Fed bientôt insolvable

 

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