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Lettres de cachet et exécutions publiques

 


7/5/03 François Xavier de Fournas
" Quiconque est plus sévère que les lois est un tyran. " Vauvenargues

Nous autres, Français, sommes gens curieux. Nous n'aimons tant les grands principes que pour mieux les violer. Le pays de la révolution, des libertés, des droits de l'homme, est aussi celui des lettres de cachet et des exécutions publiques. L'histoire que je vais vous conter pourrait aussi bien vous arriver. Nul besoin que vous soyez un homme public. Nul besoin que vous ayez commis des faits délictueux ou que vous les ayez seulement connus, les juges y pourvoiront et utiliseront les médias pour prouver votre culpabilité. Un jour, sans préavis, brutalement vous apprendrez que vous êtes accusé d'un crime, que vous appartenez à une bande organisée, que vous encourez la prison et des amendes considérables. Ce jour là, vaquant à vos occupations l'âme tranquille, vous verrez subitement des policiers débarquer, vous saisir au corps, perquisitionner devant vos collègues, ou vos enfants, vous passer à leur gré les menottes, vous dépouiller de vos affaires personnelles, vous interroger interminablement sur des sujets qu'ils ne maîtrisent guère, sur la base d'une enquête dont vous ignorerez tout, de témoignages, d'affirmations et de certitudes qui vous seront étrangères. On vous malmènera, on vous méprisera, on vous tirera à la longe, vous ne serez sûr de rien, on vous enverra au trou pour une nuit ou deux, des semaines ou des mois et vous ne cesserez de vous demander ce que vous avez fait pour que l'on vous traite ainsi. On vous sortira de là, sale et dépenaillé, pour vous présenter à un juge, ou plutôt à un accusateur qui se dira juge, celui là même qui, fort de ses fantasmes et de l'impunité qui lui permettront de forcer les lois à son gré, vous traitera de truand sans même vous interroger et prononcera la sentence. Il aura tout pouvoir, à commencer par celui de vous accuser d'ignominies sans présenter la moindre preuve, sans prendre la peine de vous dire pourquoi et de quoi il vous accuse, comment il vous mêle à des faits et à des individus que vous n'avez connus ni comme acteur, ni comme complice. Sans jugement, il pourra tout sur vous : vous mettre au chômage, ruiner votre carrière ou votre entreprise, enlever votre passeport et même vous mettre arbitrairement en prison, si tel est son bon plaisir. Et si, par malheur, vous êtes connu ou si l'affaire est alléchante pour le bon peuple, vous serez livré aux journalistes, parfois convoqués pour mieux saisir votre arrivée au palais de justice. Les feux de l'actualité vous consumeront aux yeux de vos relations, de vos amis, de vos parents. Vous réagirez, mal, aux diffamations et aux calomnies, aux récits fantaisistes et aux présentations truquées, diffusées dans les journaux sans excès de rigueur professionnelle, et qui seront annoncés de " source judiciaire " ou " proche du dossier ". Vous aurez beau crier votre vérité, elle ne sera pas entendue. De quel poids pourront peser vos dénégations de présumé coupable face aux éclatantes vérités judiciaires, à la confirmation de culpabilité que constituent à n'en pas douter les mesures violentes prises contre vous par quelqu'un qui se pare du titre de juge, et à la rumeur publique ? Or tout cela se passe en France, et si vous ne me croyez pas, lisez.

Extrait de " Le banquier, la juge et le truand ", de François Xavier de Fournas (JC Lattès).

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