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Le triomphe de la liberté sur la dictature sociale

15/5/05 Claude Reichman
Le décret du 19 avril 2005 rétablit la médecine française et l'ensemble de la société dans la liberté qu'elles avaient perdue par le décret du 12 mai 1960. Cette formidable victoire est le résultat de l'action conjointe du Mouvement pour la liberté de la protection sociale (MLPS), que j'ai l'honneur de présider, et de la Commission européenne. C'est assurément une date historique non seulement pour toutes les professions de santé françaises mais aussi et surtout pour tous les citoyens. Ceux-ci n'ont en général pas compris que l'asservissement de la médecine signifiait le leur propre. De personnes indépendantes qu'ils étaient, ils sont devenus des assujettis et, très souvent, des assistés.

La liberté est indivisible. Toute atteinte qui lui est portée retentit sur l'ensemble de la société. Singulièrement quand les victimes font partie d'un corps chargé d'une importante mission d'intérêt général et que de leur liberté dépend celle de tous les autres. Alors que les Français sont encore capables de se mobiliser pour défendre leur droit à l'information et par conséquent la liberté de la presse, ils se sont habitués à la suppression de la liberté médicale. Il est vrai que les médecins ne l'ont pas défendue, obnubilés qu'ils étaient par le bénéfice attendu du remboursement automatique de leurs honoraires par la Sécurité sociale et, finalement, aussi peu attachés aux grands principes de liberté et de dignité que la masse des Français.

La 5e République avait pour ambition de soumettre les Français à la toute puissance du pouvoir exécutif et de l'administration. Il lui fallait pour cela émasculer le pouvoir législatif (cela fut fait par la Constitution), ainsi que l'ensemble des corps intermédiaires susceptibles de se dresser en obstacles ou en contre-pouvoirs. Au premier rang de ceux-ci figurait la médecine. Le prestige qui s'attachait à cette profession, et les grands services qu'elle rendait aux Français dans leur vie quotidienne, avaient permis aux médecins d'accéder tout naturellement aux responsabilités politiques. La 3e et la 4e République furent celles des avocats et des médecins, autrement dit des notables issus des provinces, connus de tous et appréciés, et sur qui l'électeur avait à la fois contrôle et influence. Si ces deux Républiques se sont finalement effondrées, ce n'est pas en raison de la mauvaise qualité de leur personnel dirigeant, mais de l'inadaptation des structures constitutionnelles aux drames mondiaux du 20e siècle.

La 5e République se voit privée de son principal pilier

De ce point de vue, la réforme apportée par la 5e République était sans doute nécessaire. Par malheur, elle s'accompagna d'un contresens historique que la France n'a pas fini de payer. Car le général de Gaulle l'institua au moment même où le monde changeait. Aux structures centralisées et autoritaires se substituaient des formes plus légères d'organisation, notamment au plan économique. Et seules les structures politiques capables de faire preuve de souplesse et d'esprit d'adaptation allaient permettre aux nations qu'elles régissaient d'affronter avec succès les nouvelles conditions économiques et sociales.

La France s'inscrivit solennellement à contre-courant de ce mouvement mondial. Telle est la raison de nos graves difficultés actuelles. La 5e République fait périr la France d'inanition et les Français n'ont plus d'autre solution que de s'en débarrasser s'ils veulent survivre individuellement et collectivement. C'est d'ailleurs ce qui est en train de se passer. Que le oui ou le non l'emporte au référendum, celui-ci aura démontré qu'il y a un fossé entre les prétendues élites et le peuple. Et il n'y a pas d'exemple dans les pays démocratiques du maintien en vie durable d'un régime aussi gravement déséquilibré.

Quel est le sens, dans cette perspective historique, et quelles vont être les conséquences du décret du 19 avril 2005 ? En 1960, le régime nouvellement installé avait voulu faire de la Sécurité sociale son principal pilier et de l'asservissement de la médecine le moyen de mettre en oeuvre cette politique, tout en débarrassant la technocratie naissante de rivaux particulièrement dangereux. La méthode choisie fut des plus simples et des plus efficaces. Il fallait imposer, par convention signée avec leurs syndicats et rendue obligatoire par décision gouvernementale, des tarifs aux médecins (et donc leur enlever leur liberté économique, gage de leur indépendance professionnelle et politique) et, pour ce faire, priver de leur remboursement de sécurité sociale les patients faisant appel à des praticiens non conventionnés. Le piège fonctionna à merveille. Les médecins, alléchés au début par des tarifs opportunément fixés à un niveau relativement élevé, se ruèrent en direction de la soupe et leurs syndicats les suivirent, avant de devenir, plus tard, d'acharnés partisans d'un système qui leur apportait à la fois représentativité et subventions.

Tout cet édifice, et toute la 5e République, reposent sur le remboursement discriminatoire des patients. Sans ce dernier, les praticiens auraient depuis longtemps repris leur liberté et les Français retrouvé celle d'être des citoyens et non des assujettis et des assistés. Et les technocrates auraient été chassés du pouvoir dans le même temps. En s'appuyant sur la jurisprudence née de la construction européenne, et notamment sur le principe de la liberté de circulation, le MLPS et la Commission européenne ont contraint le gouvernement français à accepter qu'un citoyen de notre pays puisse faire appel à n'importe quel praticien de santé de l'Union européenne, et donc évidemment à un praticien français, et être remboursé de façon non discriminatoire par la Sécurité sociale. C'est la fin du système des conventions médicales en France. D'autant que celles-ci sont en outre des ententes tarifaires qui contreviennent aux règles de concurrence communautaires.

Qu'on permette à celui qui a dirigé ce combat d'exprimer non seulement sa fierté, mais aussi ses remerciements et ses félicitations à ceux qui y ont vaillamment participé, et sa considération aux autorités européennes qui ont, dans un affaire aussi importante, su être fidèles à leur mission et faire passer les impératifs d'opportunité politique derrière le respect des grands principes. C'est à ce prix que les civilisations se créent et se maintiennent en vie.

Claude Reichman

 

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