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1/12/08 Marc Mennessier

     AZF et les « carnets secrets » de l’ex-patron des RG :
Le Point a tout faux

Si l’on en croit Le Point de cette semaine, la piste islamiste ne serait qu’"une théorie fumeuse" concoctée par Yves Bertrand, l’ancien directeur des Renseignements généraux (RG), dont le magazine publie pour la deuxième fois en un mois quelques extraits de ses "carnets secrets" saisis par la justice dans la cadre de l’instruction de l’affaire Clearstream (voir https://www.lepoint.fr/actualites-politique/null/917/0/294885).

La preuve ? A l’époque, nous aurions rencontré, Anne-Marie Casteret et moi, l’"infréquentable" Yves Bertrand qui aurait pris soin de noter nos noms et numéros de téléphone dans ses fameux carnets. Comme nous n’étions que de pauvres journalistes scientifiques, naïfs et inexpérimentés, nous aurions avalé tout cru le tuyau crevé que nous aurait refilé ce spécialiste des intrigues et des coups tordus. Et voilà comment, selon Le Point, la rumeur du "prétendu kamikaze qui se serait protégé les parties génitales"avec ses "5 slips" dans le but de "monter "entier" au paradis" serait née. Voilà "comment le doute sur l’origine de l’explosion va planer sur toute l’instruction, bien que l’enquête policière ait confirmé l’hypothèse d’un accident provoqué par une erreur humaine."

Désolé de contredire Jean-Michel Decugis, Christophe Labbé, Armel Méhani et Olivia Recasens, qui se sont mis à quatre pour écrire cette fable : il ne suffit pas de recopier au propre les "carnets" d’un ancien patron des RG (que ce dernier qualifie de "brouillons") pour prétendre faire du journalisme. Ce n’est en tout cas pas comme cela que nous avons travaillé sur le dossier AZF, Anne-Marie Casteret et moi, pendant plus de trois ans.

En effet s’ils avaient lu mon livre AZF, un silence d’Etat (Le Seuil, www.azfsilencedetat.com), qu’ils ont pourtant reçu en service de presse, ils auraient appris que la thèse accidentelle mise en avant par la justice est dénuée de tout fondement scientifique et sera rapidement balayée lors du procès en février prochain. Un simple coup de fil leur aurait également évité de raconter d’autres sottises.

D’abord, la piste islamiste n’a pas été "orchestrée" par Bertrand. Elle émane, du reste en partie, d’une équipe de policiers des RG de Toulouse à qui le SRPJ de la même ville a demandé de faire une enquête dès le 21 septembre 2001, jour de l’explosion. "Nous avons pu travailler parce que personne ne s’intéressait nous", m’a confié, deux ans plus tard, l’un de ces enquêteurs dont j’ai rapporté les propos dans mon livre. "Personne" : c’est-à-dire leur hiérarchie (dont faisait partie Yves Bertrand) qui leur demandera d'ailleurs de cesser leurs investigations sur le champ lorsqu’ils remettront leur fameuse note blanche du 3 octobre 2001 accréditant la piste islamiste.

Je peux également affirmer que Bertrand n’est pour rien dans la fuite de ce document vers la presse et, en tout cas, vers Le Figaro, journal auquel je collabore, qui se l’est procuré par un tout autre canal. La vérité est que Bertrand a été surpris, comme tous les responsables policiers de l’époque, par le contenu explosif (sans mauvais jeu de mots) de ladite note. Et comme le font tous les RG, il a dû chercher par la suite à contacter les journalistes qui étaient au parfum, non pas tant pour les « informer » que pour s’enquérir de ce qu’ils savaient sur le dossier. Et pouvoir ainsi être averti d’éventuelles publications.

En y réfléchissant un peu, mes confrères auraient pu aussi se demander comment l’ombre de l’ex-patron des RG aurait pu planer à la fois sur la morgue de l’hôpital Purpan de Toulouse, où une médecin légiste (forcément sous son influence) a découvert la curieuse tenue de Hassan J, et autour du hangar 221 où des chauffeurs de camion (eux aussi sous influence) ont été témoins du comportement agressif et des menaces proférées par J. le matin de l’explosion. Sans oublier François, le courageux policier du SRPJ de Toulouse, qui a vainement essayé avec son « équipe du 1% » d’enquêter sur cette piste criminelle. Vraiment trop fort, ce Bertrand !

Surtout comment l’ex-patron des RG, qu’ils accusent d’avoir appartenu à un "cabinet noir" entièrement dévoué à Jacques Chirac, aurait-il pu intriguer pour faire émerger une thèse islamiste allant à l’encontre des déclarations de l’ancien président qui a immédiatement et publiquement privilégié la thèse accidentelle ?

Mais il y a plus grave : en mettant l’hypothèse terroriste d’AZF sur le même plan que toutes "les intoxications orchestrées" selon eux par Bertrand, comme le "non-suicide de Pierre Bérégovoy" ou "la fausse prise d’otages de la maternelle de Neuilly", Le Point fait ni plus ni moins un amalgame facile et dévastateur. Comment faire de l’investigation journalistique aujourd’hui quand toute tentative de démasquer les mensonges officiels, à partir de faits précis dûment recoupés, vous expose à être soupçonné, par vos confrères eux-mêmes, de faire de la "complotite"?

D’ailleurs se sont-ils eux-mêmes posé la question : puisqu’à les lire tout n’est que rumeurs et complots ourdis par d’obscurs cabinets noirs, par qui sont-ils manipulés dans cette affaire de "carnets secrets" ?

Marc Mennessier

www.azfsilencedetat.com


 

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