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15/5/09 François Lenglet
Le modèle français nous protège surtout contre la                  croissance et le plein emploi !

Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console. Tel est, ces jours-ci, le refrain des autorités françaises. La France va en effet afficher une croissance fortement négative pour le début 2009 - l'Insee en a donné la mesure exacte ce matin - mais l'année devrait être moins désastreuse qu'en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Espagne, pour ne rien dire de l'Irlande et des pays baltes, qui s'effondrent.

La différence, pour modeste qu'elle est, incite l'hebdomadaire The Economist à célébrer les vertus protectrices du "modèle français". Le journal britannique ne nous avait pas habitués à de tels hommages, en brocardant systématiquement notre antilibéralisme. Il y a peu, c'était le Financial Times qui jetait par-delà la Manche une brassée de compliments sur la robustesse française. De quoi faire prendre à la carnation de Marianne une teinte aussi rosée que les pages du quotidien de la City.

Autre paire de joues rougissantes, celle de Christine Lagarde, la ministre française de l'Economie, couronnée par le "Time" comme l'une des personnalités les plus influentes au monde, dans la mystérieuse catégorie des "dirigeants et révolutionnaires" - les éminents analystes du magazine américain ne précisent pas laquelle des deux épithètes convient le mieux à notre "Bercywoman" de choc. A quoi attribuer cette aménité soudaine des Anglo-Saxons, qui avaient fait du "french bashing" un art ? Avec la crise, le monde a changé, ainsi que l'idéologie dominante.

La France, elle, ne change pas. Elle reste corsetée de règles, socialisée à outrance, peu connectée à l'économie-monde et adepte du culte de l'Etat. Aujourd'hui, ces particularités nous protègent en partie des vents glacés de la récession. Mais n'oublions pas qu'ils nous ont protégés du plein emploi et de la croissance pendant quinze ans. Et que notre fameux "modèle" ne révèle ses avantages qu'une ou deux fois par siècle. La dernière fois, c'était dans l'entre-deux-guerres. Le correspondant allemand du Frankfurter Zeitung a publié à l'automne 1930 un livre intitulé "Dieu est-il français ?", dans lequel il s'interrogeait sur les causes de la résistance du "pays de la juste mesure".

A l'époque, l'Union soviétique résistait aussi plutôt bien. Si l'URSS existait encore, Brejnev ou Andropov seraient peut-être sacrés hommes de l'année par "Time". Et cette fois-ci, le qualificatif de révolutionnaire serait pleinement justifié.

François Lenglet

 

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