www.claudereichman.com


Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme

A la une

24/3/09 François Lenglet
 La barrique vermoulue des banques américaines

Le roi Danaos eut cinquante filles, les Danaïdes, qui furent condamnées à remplir un tonneau percé pour l'éternité, pour avoir commis des atrocités - elles avaient tué leurs maris le soir même de leurs noces. Ce que la mythologie grecque ne dit pas, c'est que les Danaïdes avaient un frère : Tim Geithner, le secrétaire au Trésor de l'administration Obama.

Ce financier remplit, lui, le bilan des banques, avec l'argent des contribuables qui file entre les lames disjointes d'une barrique vermoulue. Geithner présentait hier un nouveau plan de sauvetage des établissements financiers, après les deux qu'avait mis en œuvre son prédécesseur, Henry Paulson. A terme, 500 à 1.000 milliards de dollars devraient être mobilisés pour racheter les créances douteuses de l'immobilier. Qui s'ajoutent aux centaines de milliards déjà investis dans AIG, Citigroup et autres établissements déconfits.

La litanie des milliards engloutis est évidemment un peu désespérante. Les seules pertes de l'assureur AIG - 100 milliards de dollars en 2008 - représentent ainsi 3.200 ans, si l'on compte une seconde pour un dollar… Mesuré à la même toise, le plan Geithner compte pour 15.000 à 30.000 ans. Soit, si nous remontons le temps, la distance qui nous sépare de la disparition de l'homme de Neandertal. Bigre.

Cette fois-ci, pourtant, il ne s'agira pas seulement d'argent fédéral. Le nouveau financier de Washington veut associer les investisseurs privés, en leur permettant d'acheter ces actifs à prix cassés, avec un soutien public. En clair, Geithner veut déclencher une spéculation à la hausse sur ces titres et soigner Wall Street par là où elle a péché. Le moment est particulièrement bien choisi pour initier une telle cure, car le marché immobilier montre de timides signes de stabilisation, ce qui n'était pas le cas à l'époque de Paulson. En février, le nombre de reventes de logement a légèrement progressé, tout comme les mises en chantier.

Les investisseurs, dont la "cupidité" est stigmatisée sans relâche, pourraient donc trouver là une belle occasion de réconcilier leur intérêt personnel avec celui de la collectivité. Dès lors que les prix de ces créances seraient tirés à la hausse par la demande privée, c'est toute la mécanique de dépréciation qui se trouverait inversée, déclenchant une réévaluation des bilans bancaires et des reprises de provisions considérables, avec des profits tout aussi théoriques que les pertes d'aujourd'hui. Ce serait évidemment très immoral. Mais aussi fort efficace.

François Lenglet
Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme