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18/12/10 René de Laportalière
          Paris enfoui sous deux mètres de crottin !

Sous le septennat de Mac-Mahon, Prosper Lécaulot, l'arrière-grand-père de notre actuel et sympathique leader écologique, s'était ému des conséquences désastreuses pour la capitale de l'augmentation incessante du nombre de chevaux. Il avait calculé le volume moyen de crottin déversé annuellement par le noble animal sur les pavés parisiens. Compte tenu du nombre de chevaux recensés et du taux de progression constaté depuis 50 ans, une simple multiplication permettait à l'évidence de conclure que si « rien n'était fait », au bout d'un siècle Paris serait enfoui sous deux mètres de crottin !

Soutenu par l'ensemble de la presse, et en particulier par le magazine de référence que représentait alors L'Illustration, Prosper Lécaulot obtint du président de la République la création d'une « taxe crottin» et une « limitation du nombre et des conditions de circulation des voitures à cheval ».

Se disant désespéré des résistances corporatives rencontrées par ces sages mesures et par le non respect de ses engagements par le chef de l'Etat, Lécaulot se retira de la chose publique. En fait, il était sorti humilié et déconsidéré par l'arrivée de la voiture à moteur : avec elle, c'en était fini des chevaux, du crottin et de l'apocalypse annoncée.

Heureusement, pour les Lécaulot, un nouveau danger menaçait l'Europe : en roulant en toutes saisons et en particulier par temps de pluie, les nouvelles Renault, Rosengart et autres De Dion-Bouton transformaient en cloaque nos anciennes et bonnes routes de campagne. Emile Lécaulot, succédant à son père dans le combat pour la plus noble des causes, celle de la défense de la nature, évalua les m3 de boue générés en moyenne annuelle par une voiture standard. Compte tenu de la croissance exponentielle du nombre de véhicules en circulation, l'emploi de la règle à calcul paternelle, religieusement conservée, lui permit de prédire que dans moins de 50 ans « si rien n'était fait », la terre serait, en Europe, recouverte d'un océan de boue.

Appuyé aussi bien par Le Petit Journal que par ses deux principaux concurrents Le Matin et Le Petit Parisien, Emile Lécaulot fut reçu par le président Félix Faure. Il lui arracha le principe d'une taxe « gadoue » et bien entendu la « limitation du nombre et des conditions de circulation des véhicules à moteur ».

Hélas pour sa cause, la mort tragi-comique de Félix Faure fit tomber dans l'oubli le projet de taxe « gadoue ». Simultanément, l'extension à l'ensemble du réseau routier du macadam introduit en 1849 à Paris fit sombrer dans le ridicule le catastrophisme du deuxième des Lécaulot.

En l'absence de toute réglementation, la circulation automobile, facilitée par la généralisation du nouveau revêtement, connut alors dans une inconscience universelle une véritable explosion. Heureusement, le nouvel héritier des Lécaulot, Nicolas, veillait au grain. Grâce à lui, l'opinion publique, les médias et les hommes politiques prirent conscience du danger que représentait pour la planète l'émission de CO2 par ces millions de pots d'échappement. À l'issue d'une « Grand' Messe » environnementale, le lointain successeur de Félix Faure s'engagea à instaurer une « taxe carbone » et, il va de soi à « limiter le nombre et les conditions de circulation des véhicules à essence et à gasoil ».

Les Lécaulot d'hier et d'aujourd'hui connurent la même désillusion : la taxe « carbone » fut, à son tour, abandonnée. Peut-être certains crurent-ils que profitant des leçons du passé, l'actuel président (1) avait compris qu'il lui fallait « laisser faire » et que de l'invention humaine sortirait dans quelques années une technologie nouvelle résolvant le problème.

Hélas, la raison en est tout autre. Nous sommes en mesure de révéler ici que Nicolas Lécaulot, débordé par sa base, allait devoir exiger l'extension aux troupeaux de vaches de la taxe anti-carbone. En effet, les calculs réalisés par les experts environnementaux de la Commission de Bruxelles ont révélé qu'un pet de vache dégageait en carbone l'équivalent de 5 litres de carburant - sans parler de ses rots ! Des études en cours permettront d'affiner cette évaluation en fonction des races et des tailles des animaux, et donc d'émettre une circulaire européenne parfaitement renseignée et ciblée.

L'électorat de Nicolas Lécaulot ayant massivement basculé à gauche lors des dernières élections, le chef de l'Etat, soucieux de conserver les derniers restes agricoles de son électorat, a pris la décision d'enterrer cette taxe. Son premier ministre a été chargé d'expliquer que le problème devait être réglé « à l'échelon européen ».

Manifestement, il pensait sans le dire à la future circulaire de la Commission sur « l'effet de serre et la limitation des rots et pets de vache en Europe» !

N'ayez plus peur, cher Nicolas Lécaulot ! Rassurez vos adeptes ! Prenez vite connaissance de la dernière découverte, bientôt rendue publique, de B. Lomborg, le célèbre paléontologue (2) :

« L'âge de pierre n'a pas pris fin du fait d'un manque de pierres, l'âge du fer du fait d'un manque de fer, ni l'âge du bronze du fait d'un manque de bronze, mais pour la seule raison que « l'ultime ressource », l'homme, a découvert quelque chose de nouveau, quelque chose de mieux ! ».

René de Laportalière

Extrait de Souvenirs à contre-courant (atlantica).

1. En 2010, Nicolas Sarkozy.

2. En vérité, Bjorn Lomborg (né le 6 janvier 1965) est professeur à la Copenhagen Business School et ancien directeur de l’Environmental Assessment Institute à Copenhague. Il a acquis une renommée internationale pour son livre  "L'Environnementaliste sceptique" (publié en danois en 1998, en anglais en août 2001, puis en français en 2004 (Wikipédia).


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