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Chirac et les autres : haute trahison

 

27/3/05 Claude Reichman
Dix années de mensonges, de tricheries et de faux semblants sont en train de s'abattre sur la classe politique française. Pendant dix ans elle a voulu croire et faire croire qu'on pouvait faire l'Europe à Bruxelles et la refuser à Paris. Elle a livré le pays à la concurrence internationale et prétendu que cela ne changeait rien en France. Il en est résulté une fuite des entreprises et des emplois, un appauvrissement généralisé, une crise économique dont le pays ne parvient plus à sortir, un climat social qui ne cesse de se dégrader et, maintenant une grave crise politique dont l'issue ne peut être que la chute du régime. Tel est le sens qu'il faut donner à la montée du non dans les sondages. Les politiciens sont frappés de stupeur. Quoi ? Il ne leur suffit plus de dire au peuple ce qui est bon pour lui pour qu'il vote docilement et continue d'obéir aux ordres de ceux qui savent ? Mais c'est la fin de tout ! Eh oui, c'est la fin. Non pas de tout mais d'une période lamentable de l'histoire de France, pendant laquelle des dirigeants irresponsables et sans scrupules ont massacré les chances de notre pays pour maintenir leur pouvoir et celui des coteries syndicales et administratives qui ont pris les Français en otages et les détroussent consciencieusement d'un bout à l'autre de l'année.

L'Acte unique de 1986 avait décidé qu'au 1er janvier 1993 les hommes, les produits et les services circuleraient librement sur tout le territoire de l'Europe. Cette décision historique, prise, rappelons-le, par les gouvernements et non par la Commission européenne qui n'a qu'un rôle de proposition et d'exécution, obligeait les pouvoirs publics de tous les pays membres à faire de profondes réformes pour adapter leur économie et leur système social aux bouleversements qui allaient résulter de la concurrence généralisée qui était devenue la règle de base de l'Union. En France, le secteur privé s'est mis en ordre de bataille, mais seules les grandes entreprises ont pu tirer leur épingle du jeu. Disposant d'importantes capacités financières et de ressources humaines très qualifiées, donc d'un grand savoir faire, elles ont transformé leur outil de production en l'allégeant sévèrement et en le transportant dans des pays moins spoliateurs que la France.

Une conduite criminelle

Les petites et moyennes entreprises, principales pourvoyeuses d'emplois dans notre pays, sont presque toutes restées prisonnières du système national, et celui-ci, loin d'alléger les charges qui pesaient sur elles, n'a pas cessé de les alourdir pour continuer à nourrir la masse immense et toujours croissante des assistés. Et il est arrivé ce qui devait arriver : l'économie française s'est effondrée. On peut même dater l'évènement : janvier 2003. M. Raffarin, dans un bref éclair de lucidité, avait diagnostiqué " une brutale rupture de croissance ". Depuis, l'économie n'est plus repartie et le bref sursaut de 2004 n'est qu'une illusion due pour l'essentiel aux dépenses publiques qui, chacun le sait, représentent 54 % de la production nationale. Et l'on peut affirmer sans risque d'erreur que l'économie française ne repartira plus jamais si les conditions fiscales et sociales actuelles ne sont pas radicalement transformées. Autrement dit, à moins d'une authentique révolution de la liberté, la France va tout droit vers un drame majeur, qui à vrai dire a déjà commencé.

Le plus extraordinaire de cette affaire est que la voie était toute tracée et que nos gouvernements n'avaient qu'à la suivre. Les directives européennes sur l'assurance, qui suppriment tout monopole en ce domaine, ont été prises en 1992 et étaient applicables au plus tard le 1er juillet 1994. Ces deux dates encadrent de très près celle de l'ouverture générale des frontières intérieures de l'Union et ce n'est évidemment pas par hasard. Qui dit concurrence et libre circulation dit obligatoirement abolition de tous les monopoles économiques et sociaux. Il fallait être d'une mauvaise foi confondante ou carrément fou pour penser que la Sécurité sociale échapperait à cette règle d'airain. Les gouvernants français depuis cette date méritent tous ces qualificatifs infamants. Et l'on peut même aggraver encore l'accusation. Car ce dont ils se sont rendus coupables, c'est de haute trahison. En faisant voter, sous notre pression certes mais en conformité avec leurs engagements communautaires, les lois transposant les directives de 1992 dans le droit national tout en refusant de les appliquer, ils se mettaient pour un temps à l'abri des sanctions européennes mais ils condamnaient à mort des centaines de milliers d'entreprise françaises prises en étau entre la concurrence des produits étrangers et les charges insensées du système national de protection sociale. Le résultat de cette conduite criminelle a été la destruction du tissu économique du pays ainsi que le maintien et l'aggravation d'un chômage de masse. Aujourd'hui, le pays n'en peut plus et il dit non à ceux qui l'ont plongé dans le malheur.

La démocratie exige la loyauté. En France, dans la sphère publique, elle n'existe pas. Les politiciens, l'administration et la justice rivalisent de partialité et de mauvaise foi. Et la presse leur apporte le concours empressé de ses silences et de sa désinformation. C'est à cause de tout cela et c'est à tout cela que le pays dit non. Dans un pays normal, le citoyen serait largement informé des nouveaux droits sociaux qu'il tient des dispositions européennes acceptées par les autorités de la République et guidé dans ses démarches par les services officiels. Les errements de l'administration seraient sanctionnés par la justice et dénoncés par les médias. Au lieu de cela, nous n'avons que le mensonge impudent, la négation permanente du droit et, dans l'opinion, un sentiment où se mêlent le mépris pour les maîtres du pays et un désir de révolte. En politique comme en chimie, cela s'appelle un mélange explosif.

Claude Reichman

 

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