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8/1/12 Richard Hanlet
                         Robespierre pas mort !

« On ne naît pas femme, on le devient. » Cette petite graine semée par Simone de Beauvoir sur le terreau du féminisme militant vient de donner un beau fruit avec l'entrée de la théorie du "gender" au programme des lycées. Pas en philosophie, comme il eût été compréhensible, mais en Sciences de la Vie et de la Terre, et donc parée d'une onction scientifique. Bien que plusieurs équipes d'éthologues aient observé que les jeunes singes mâles se dirigeaient spontanément vers les objets "virils" (type bâtons) et les petites guenons plutôt vers les poupées, l'Education nationale a donc préféré une fois de plus appliquer la maxime de son maître J.J. Rousseau : « Commençons donc par écarter tous les faits, car ils ne touchent point à la question. »

Et la médecine est concernée, puisque la première greffe d'utérus vient précisément d'être réalisée en Turquie. Ce qui met un terme à l'odieuse discrimination qui régnait entre les XX qui voulaient une greffe de phallus (remboursée, nous l'avons vu, par la Sécu) et les XY qui voudraient aujourd'hui un utérus pour êtres "enceints"... Mieux encore, si ces derniers ont un regret, ils pourront consulter sur leur iPhone la nouvelle application lancée par la mairie de Paris : "Où avorter près de chez vous" qui, grâce à la géolocalisation, permet de se ruer vers la curette la plus proche. Elle est pas belle, la modernité ?

Un feu d'artifice de démagogie

On a les consolations qu'on peut : cette campagne présidentielle sur fond de crise nous donnera au moins l'occasion de rire devant le feu d'artifice de démagogie qu'elle ne manquera pas d'inspirer. En tête de la course dans le domaine sanitaire, le député Nouveau Centre Philippe Vigier, un confrère paraît-il. Pour compenser les inégalités d'accès aux soins, il propose « davantage de régulation » - un truc très tendance dans tous les domaines - depuis les études de médecine jusqu'à l'installation. Objectif : « Un temps d'accès aux soins qui ne dépasse pas trente minutes ». Sans préciser si c'est à pied, en roller ou en ambulance...

Il est vrai que notre modeste Etat ne régule pour l'instant que le numerus clausus, les ARS, les lits d'hospitalisation, les plateaux techniques, les tarifs médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques, les cotisations d'assurance maladie monopolistique et les remboursements. Avec les succès que chacun peut constater. Mais les idéologues ne reviennent jamais sur leurs certitudes : « Ça ne marche pas ? C'est qu'on n'a pas été assez loin... »

Refaire la même chose en espérant avoir un résultat différent est une des définitions de la folie, mais ça n'empêche pas le député d'extrême-centre d'y aller à fond : les zones sous-dotées seront le lieu obligatoire d'un an de stage, puis de trois ans installation... (C'était bien la peine de supprimer le service militaire !). Et le festival continue : tandis que le député Domergue suggère gentiment de récompenser les médecins qui ne prescrivent pas, la Cour des comptes propose pour sa part de « fixer les prix » (il en reste donc à fixer ?) et « la maîtrise des prescriptions »... Toutes propositions qui pourraient aussi bien émaner de Mélenchon que de Marine. S'il restait encore deux ou trois carabins ayant l'idée baroque de s'installer dans le privé, les voilà définitivement découragés ! Ce qui pourrait bien d'ailleurs, être le but réel de la manœuvre.

On voit ici qu'en tant que députés, M. Vigier et la plupart de ses collègues sont non seulement les héritiers formels des jacobins, mais aussi les héritiers idéologiques de cette période fondatrice de l'interventionnisme d'Etat, que Salvador Dali dénonçait à juste titre comme un moment remarquable de crétinisation universelle. On sait en effet depuis plus de deux siècles que ce type de mesures - dont la fixation de prix maximum - est non seulement inefficace, mais conduit systématiquement à l'inverse du but recherché.

Automne 1793, la Convention met fin à la liberté des prix et les fixe à ceux de 1790 majorés d'un tiers. Rapidement des files d'attente se forment devant les boutiques, bientôt acculées à la fermeture. Alors, sous peine de mort, les marchands en gros ou au détail sont requis de vendre (même à perte...).Tandis qu'on commence à réquisitionner les denrées (comme pour notre permanence des soins...), la loi fixe les bénéfices de chaque intermédiaire. Mais il faut bien vite les adapter à chaque produit, différencier le seigle du blé, les chevaux des cochons, la gaze de la mousseline, décider si le bourgeois dont les terres produisent du blé a droit ou non à une carte de pain, etc... Et de nommer bien sûr des myriades de commissaires-enquêteurs pour surveiller tout ça, avant que l'implosion de l'euro, pardon... de l'assignat, ne balaye tout le système. Ce qui n'empêchera évidemment pas toutes les dictatures révolutionnaires ultérieures de le reprendre.

Vous trouvez que je force le trait ? Alors voici l'argument de Vigier : « Une dizaine d'années d'étude. c'est l'équivalent de 200.000 euros pour la société. C'est un juste retour." » Vous ayez bien lu : pour ce confrère, nous appartenons à l'Etat. Le plus ébouriffant, c'est qu'il croit sans doute sincèrement qu'il est centriste, alors que Saint-Just ou Robespierre auraient probablement rougi qu'une telle pensée les effleurât...

Docteur Richard Hanlet

 

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