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20/7/09 Claude Reichman

A l’Elysée, c’est pas possible, ils fument du hakik !

Que se passe-t-il à l’Elysée ? La petite équipe qui, avec le président de la République, dirige tout en France semble atteinte du mal qui frappe tous les pouvoirs incontrôlés : la perte de contact avec la réalité.

Un exemple caricatural vient d’en être donné par le secrétaire général de la présidence, Claude Guéant, dans la réponse qu’il a faite aux observations de Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne (BCE). « Au sein de la zone euro, notre pays, la France, a, en pourcentage du produit intérieur brut, la plus importante dépense publique », a déclaré M. Trichet sur LCI, le samedi 18 juillet dernier. « Ce qui est sûr, a-t-il poursuivi, c’est que quand vous dépensez plus que les autres, c’est probablement qu’il y a beaucoup de dépenses qu’il faudrait éviter de faire. » Avant d’ajouter : « Il faut emprunter le moins cher possible et dépenser de la manière la plus intelligente possible. Je dis simplement qu’en France on dépense trop. »

Eh bien figurez-vous que ces propos de simple bon sens ont eu l’heur de déplaire souverainement au château, où l’on n’a pas tardé à adresser au président de la BCE la réponse du berger à la bergère. Intervenant le lendemain, dimanche 19 juillet, sur Europe 1, M. Guéant s’est carrément payé la tête du président de la Banque centrale européenne. Arborant un sourire radieux et moqueur, le premier collaborateur de M. Sarkozy a répondu à M. Trichet que « c’est sûr qu’il faut emprunter le moins cher possible et dépenser de la façon la plus intelligente possible. J’irai même le rejoindre jusqu’à dire qu’il faut faire le plus d’économies possibles sur ce qui peut être économisé ». Et d’ajouter que « contrairement à la réputation qui lui est parfois faite, la France n’a pas beaucoup plus de déficit que les autres », citant notamment les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Fermez le ban !

S’agit-il d’une escarmouche sans conséquences ? Nullement. La façon cavalière dont M. Guéant, se faisant évidemment la voix de son maître, a traité non seulement le président de la BCE mais aussi et surtout les problèmes qu’il avait soulevés marque une dérive très préoccupante de l’état d’esprit qui règne à l’Elysée. Tout se passe comme si, grisé de son pouvoir absolu sur les hommes sinon sur les évènements, le président de la République et sa petite équipe estimaient ne plus avoir de comptes à rendre à personne, fût-ce à celui qui est le principal responsable de la monnaie que nous partageons avec quinze autres pays de l’Union.

L’attitude de l’Elysée est d’autant plus choquante et irresponsable que l’inquiétude ne cesse de grandir dans les milieux bien informés sur l’ampleur des déficits et de la dette française, ainsi que sur l’approche du moment où notre pays verra la valeur de sa signature dégradée par les agences de notation, ce qui l’obligera à emprunter à des conditions de moins en moins soutenables. Ajoutons qu’en invoquant les déficits des Etats-Unis et du Royaume-Uni, M. Guéant se réfère à des pays qui n’appartiennent pas à l’Europe pour l’un, ni à la zone euro pour l’autre, et qu’il s’agit d’une incroyable marque d’indifférence à l’égard de nos partenaires et de notre monnaie commune.

En des temps moins perturbés, l’incident diplomatique était garanti ! Mais même si les propos de M. Guéant ne provoquent pas de réactions de la part de ceux qui partagent notre monnaie, ils laisseront des traces. L’arrogance française, que rien ne justifie en la matière, fait ressembler notre pays à l’image caricaturale qu’il donne trop souvent de lui-même, celle d’un coq chantant sur un tas de fumier !

Le plus grave est qu’il n’y a pas à l’Elysée d’homme capable de conseiller le président sur sa politique économique. Le compte est vite fait : l’équipe de M. Sarkozy, c’est Claude Guéant, préfet, Henri Guaino, ancien haut fonctionnaire du Plan, Raymond Soubie, ancien haut fonctionnaire responsable depuis plus de trente ans de tout ce qui a mal marché en matière de protection sociale, et Jean-David Lévitte, diplomate de carrière. D’économiste point. Et d’ailleurs quel besoin en aurait-on, quand on plane sur un petit nuage ? A moins que ce ne soit dans les vapeurs d’un curieux encens. « Monsieur fume du hakik avec les beatniks. Fais attention, Gérard, tu es sur une pente savonneuse ! », disait Coluche dans un de ses sketchs les plus drôles. Dommage – à tous égards – qu’il se soit bêtement tué à moto. Car sinon nous aurions peut-être eu droit à un sketch intitulé « Fais attention Nicolas ! »

Claude Reichman
Porte-parole de la Révolution bleue.

 

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