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30/10/12 Charles Gave
       Ces vérités premières que nous réapprenons
                              dans la douleur !  

La plupart des commentateurs expliquent à qui veut l’entendre que nous vivons dans un monde très compliqué. Je ne suis pas du tout d’accord. A mon avis, il n’a jamais été aussi simple, tant nous sommes en train de réapprendre dans la douleur un certain nombre de vérités premières.

Tout le monde sait aujourd’hui, sauf M. Hollande bien sûr, que la taille excessive de l’Etat est le vrai problème de nos sociétés et que le défaut de paiement guette un certain nombre de grands pays. Que plus de 50 % des citoyens reçoivent des subventions diverses et variées, et que réformer ces Etats de façon démocratique sera donc très difficile, ne change rien au fait que les citoyens ne peuvent se voter des augmentations de leur niveau de vie. L’augmentation du niveau de vie, il faut la gagner et non pas la voler.

Tout le monde, sauf bien sûr Krugman et Stiglitz (prix Nobel d’économie tous les deux), a compris que la hausse du poids de l’Etat dans l’économie déclenchait une hausse du chômage, une baisse de la croissance, un appauvrissement généralisé à terme, un creusement de l’écart des salaires entre les riches et les pauvres et que, comme le disait Hayek, la recherche de la prétendue « justice sociale » par le système politique avait causé au XXe siècle plus de morts que toutes les guerres de religion additionnées depuis le début des temps.

La plupart des gens, sauf bien sûr les syndicats de fonctionnaires, se rendent bien compte que quand l’Etat se charge de produire quelque chose, en général la qualité est abominable, la pénurie fréquente, tandis que les listes d’attente s’allongent.

Par exemple, l’enseignement en France est devenu une « fabrique de crétins ». (cf. « La fabrique du crétin : la mort programmée de l’école », de Jean-Paul Brighelli et Bernard Lecherbonnier). L’école doit être obligatoire et son coût doit bien sûr être supporté par la collectivité au travers des impôts, mais rien ne dit que la fourniture du service éducatif doive être assurée par des fonctionnaires syndiqués dont les résultats sont abominables. Il faut passer de l’Etat producteur à l’Etat prescripteur (voir la Suède).

Tout le monde a compris, sauf bien sûr les principaux banquiers centraux (Bernanke, Draghi ou King), qui ont tous fait leurs études ensemble, que manipuler les taux d’intérêts et les taux de change entraînait une destruction massive de richesse, le capital ayant perdu tous ses repères sur les directions à prendre et allant s’égarer dans l’or, l’immobilier, les œuvres d’art ou que sais je encore… Il faut avoir fait de très longues études et à un niveau très élevé (PHD au MIT ou à Cambridge) pour pouvoir penser que le capitalisme pourrait fonctionner sans coût du capital …et l’on voit aujourd’hui que cette croyance est fausse.

Tout le monde comprend, sauf les socialistes français bien sûr, qu’augmenter les impôts va accroître le déficit budgétaire en créant une récession. La hausse des impôts est cependant si violente dans notre pays qu’il est très probable que nous allons rentrer dans ce qu’il est convenu d’appeler une « dépression secondaire », qui va faire vraiment exploser le déficit budgétaire dès 2013, ce qui rendra la situation ingérable très rapidement.

Tout le monde comprend - même et surtout les Chinois, enfin, mais hélas pas M. Montebourg - que le mercantilisme et le protectionnisme, ça ne marche pas et que cela appauvrit surtout ceux qui le pratiquent.

Tout le monde comprend, sauf bien sûr MM. Trichet, Barnier ou Barroso, ainsi que tous les autres membres moins connus de notre chère (oh combien!) et non élue eurocratie, que maintenir des taux de change fixes entre pays ayant des productivités différentes était impossible et que donc l’euro ne pourra survivre, sauf à organiser de gigantesques transferts fiscaux entre le Nord et le Sud de l’Europe, ce qui n’est ni possible, ni souhaitable, tant cela créerait dans le Sud une culture de dépendance (voir l’exemple de l’Italie du Nord et du Sud).

Tout le monde comprend (sauf les membres de leurs conseils d’administration) qu’il est urgent de casser en plusieurs morceaux ces monstres que sont devenus nos banques, devenues tellement gigantesques que leur taille met en danger nos démocraties. Quand telle ou telle banque française a une taille de bilan supérieure au PNB de notre pays, tout le monde sait au profit de qui la politique monétaire va être exercée, et ce ne sera certainement pas au profit des entrepreneurs.

Parallèlement, si une banque a fait de mauvaises affaires et doit déposer le bilan, il faut la nationaliser (pas une si grosse affaire que ça, puisque les banques sont de fait en association avec le gouvernement dans la gestion de la monnaie), garantir tous les déposants, racheter tous les actionnaires à zéro, tous les obligataires à zéro, mettre les dirigeants en prison si nécessaire (toujours une idée très populaire) et réintroduire la banque en bourse trois ou quatre ans plus tard avec un énorme profit. C’est ce qu’a fait la Suède en1992 avec les succès que l’on sait. C’est ce qu’a refusé de faire le Japon, qui suit depuis 1992 une politique visant à protéger les banquiers au détriment de la population, politique dont l’échec est patent. Toute l’Europe, sauf la Grande-Bretagne, suit avec beaucoup de constance la politique japonaise et avec les mêmes résultats.

Tout le monde comprend (sauf quelques économistes bien sûr) que déréglementer la monnaie, dont le coût marginal de production est de zéro, est une imbécillité économique. La soi-disant révolution financière de la fin des années 90 et de la première décennie de ce siècle n’a servi qu’à nourrir une spéculation débridée qui a bien failli faire sauter tout notre système économique et financier.

Tout le monde comprend donc enfin, sauf bien sûr Goldman Sachs, qu’autoriser la fusion entre un casino (une banque d’affaires) avec un bureau de poste (une banque de dépôts) fut une erreur gigantesque du président Clinton. Il est urgent de les séparer à nouveau et d’interdire que les banques d’affaires soient cotées. Que les banquiers d’affaires jouent avec leur capital et pas avec celui des déposants paraît le début du retour à la sagesse.

Dans le fond, tout cela se résume à quelque chose de fort simple : il faut que les autorités cessent de manipuler taux d’intérêts, taux de change, dépenses de l’Etat, recettes de l’Etat, protectionnisme, subventions, politiques industrielles…toutes ces interventions ne marchent jamais et pour une raison très simple : toutes ces politiques favorisent le rentier, l’initié et le fonctionnaire au détriment de l’entrepreneur, ce qui bien sûr tue toute croissance.

La solution? Laisser l’entrepreneur retrouver son rôle de créateur de richesse en le libérant de tous les carcans que les Etats lui ont collés dessus.

Il faut donc revenir aux marchés pour ce qui concerne la détermination des prix, ramener la taille des Etats à un niveau raisonnable, ramener les banques à une taille humaine pour que les entrepreneurs puissent à nouveau prospérer.

A ce point du raisonnement, tout le monde me dit que c’est impossible parce que ça ne sera pas supporté par la population, ou bien parce que nous sommes trop vieux, ou bien parce qu’il y a des élections la semaine prochaine, parce qu’il y a trop de dettes et que ces réformes déclencheraient sûrement une récession et ensuite une dépression.

La réponse à ces arguments est très simple.

Si nous ne faisons rien, nous entrerons sûrement dans une dépression, donc autant essayer.

Par contre, si nous retournons à des politiques rationnelles, peut-être aurons-nous une dépression, mais l’histoire semble montrer que lorsqu’on libère le système économique, ce qui suit est plus souvent la croissance que la dépression.

Si par bonheur la croissance revient (comme en Suède après 1992), servir la dette existante et la réduire dans le temps devient très facile, surtout si l’on réduit le poids de l’Etat par ailleurs. Si la croissance ne revient pas, et comme les taux d’intérêts sont au-dessus du taux de croissance, de toute façon nous sommes foutus et nous aurons une faillite des rentiers...

Le problème n’est pas la dette mais l’absence de croissance. Il faut donc agir sur la croissance et non pas sur la dette

Beaucoup de pays l’ont compris, d’autres sont en train de le réapprendre et d’autres enfin sont sans espoir. Je peux donc me risquer à faire une petite classification des pays en fonction de leur niveau de compréhension économique.

D’abord on trouve les bons élèves, c’est-à-dire qui sont restés « bien gérés »: Canada, Suède, Norvège, Danemark, Suisse, Singapour, Corée, Australie, Nouvelle Zélande…

Viennent ensuite ceux qui recommencent à comprendre et qui vont, au moins partiellement, dans la bonne direction: mentionnons la Grande-Bretagne et la Chine. Nous saurons d’ici quelques jours si dans ce groupe je dois mettre les Etats-Unis (Romney) ou pas (Obama). Si les Etats-Unis partent à nouveau dans le bon sens (Romney), comme à l’époque de Reagan et Volker, voilà qui va totalement transformer les équilibres mondiaux et rendre la vie impossible à ceux qui voudront rester sur un système de manipulation.

Viennent en troisième lieu ceux qui aimeraient bien changer de système mais ne le peuvent pas à cause de leurs taux de change fixes: Irlande, Espagne, Portugal, Italie. Leur salut viendra de la disparition de l’euro

Enfin viennent ceux qui sont toujours à l’avant-garde des combats d’arrière- garde, je veux parler en particulier de la France qui, au lieu d’alléger et de réduire toutes les manipulations, les a alourdies massivement depuis quelques mois. Si M. Romney est élu, comme je le pense et que je l’espère, le choc sur la France va être immense.

La conclusion est simple : toute une série de gouvernements ont voulu faire croire aux populations que le père Noël existait (politiques keynésiennes, taux réels négatifs). Or le père Noel n’existe pas et nous arrivons en janvier où les fournisseurs présentent les factures pour les fêtes de fin d’année. Et le compte bancaire familial est déjà à découvert…

Il va donc falloir gérer les Etats et les monnaies non plus en fonction des rêves mais de la réalité.

Voila qui me rend très optimiste

Charles Gave

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