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27/11/15 Charles Gave
     

        Les taux d’intérêts négatifs nous conduisent
                                   à la faillite !
 
Dans ma jeunesse, il y a bien, bien longtemps j’ai fait des études d’économie à Toulouse.
L’une des premières questions qui fut soumise à notre sagacité (extrêmement restreinte à l’époque) fut : « Mais pourquoi devons-nous payer des intérêts quand nous empruntons de l’argent, et pourquoi exigeons-nous de toucher des intérêts quand nous en prêtons ? ».

Ce que j’ai retenu jusqu’à ce jour de cette question est que, dans le fond, je reçois des intérêts sur mon épargne pour me compenser d’un futur incertain. Après tout, je pourrais consommer toute mon épargne aujourd’hui et ne plus souffrir d’aucune incertitude sur la façon de le dépenser dans le futur, et donc compenser la souffrance considérable causée par cette incertitude me semblait raisonnable.

Je dois avouer qu’à l’époque cela ne m’était pas apparu comme extraordinairement important, tant je n’avais pas d’épargne et tant il me semblait improbable que quiconque d’un peu sensé me prête le moindre argent.

Mais enfin, ayant toujours été attiré par les propositions intellectuelles pour peu qu’elles soient spéculatives, j’avais trouve l’idée intéressante au moins sur le plan de la réflexion théorique.

En ce début d’article, je vais donc retenir l’hypothèse que mes chers professeurs de l’époque (Cluseau, Lettinier… le premier ne jurait que par Schumpeter, et le second était un élève de Sauvy) savaient de quoi ils parlaient, ce qui est certainement exact. De fait, ils étaient infiniment plus compétents que les professeurs d’aujourd’hui puisqu’ils étaient professeurs d’économie politique et non de «sciences économiques».

En fait, après 50 ans passés à essayer de comprendre pourquoi les taux d’intérêts existent et pourquoi ils montent ou baissent, je suis arrivé à la conclusion qu’en effet ils sont là pour nous compenser contre l’incertitude du futur et que cette incertitude est loin d’être une constante.

Et donc leur explication, quoique imprécise, était la bonne, ce qui m’a appris aussi qu’il valait mieux ne pas rechercher une trop grande précision dans les définitions. Obscures et courtes aurait dit Napoléon…

Ce qui m’amène au désastre qui plombe toutes nos économies, la prépondérance des keynésiens dans les cénacles de banquiers centraux.

Pour eux, plus les taux d’intérêts sont bas, plus je dois consommer aujourd’hui, et moins je dois épargner.

Faire « baisser les taux » m’amènerait logiquement donc à «avancer» ma consommation dans le temps, et si tout le monde faisait la même chose en même temps que moi, voilà qui amènerait à une «reprise» de la consommation et donc de la croissance économique, reprise qui pourrait n’être que temporaire cependant, ce qui n’a aucune importance puisque sur le long terme nous serons tous morts…(Keynes). A ce propos, j’aimerais faire remarquer que Keynes est mort et que nous sommes dans le long terme.

Le Seigneur nous a chassé du Paradis en nous disant « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front », ce qui en termes clairs signifie, si tu bosses, tu auras (peut-être) de quoi manger.

Heureusement Keynes est arrivé et a renversé les termes de la malédiction, nous ramenant ainsi au Paradis terrestre. Si tu consommes toutes tes réserves, tout ira mieux immédiatement.

Le petit paragraphe ci-dessus résume assez bien (et sans aucune mauvaise foi bien sûr) la « doxa » keynésienne, totalement dominante à notre époque, bien qu’elle n’ait jamais marché nulle part, qui recommande de baisser les taux dès que l’économie ralentit, ce qui en soi n’est pas totalement stupide et arriverait naturellement de toutes façons, mais nous amène inexorablement à l’étape suivante, consistant à garder des taux perpétuellement bas pour ne jamais favoriser l’épargne, cette mère de toutes les dépressions.

Et donc suivre une politique de taux bas perpétuellement est bien entendu la recommandation de tous les keynésiens, et chacun a pu constater le succès de cette politique au Japon depuis vingt ans, ou en France avec nos chers énarques.

Fort bien, mais j’aimerais faire ici une petite remarque de nature sociale : les «riches» ont des actifs (immobilier, valeurs boursières etc.) qui montent quand les taux baissent. Les «pauvres « ont une épargne liquide (en cash), et donc des taux bas favorisent les riches et pénalisent les pauvres.

Maintenir des taux bas artificiellement est donc une politique profondément antisociale, et j’ai toujours été surpris que les keynésiens, qui se flattent haut et fort de se situer à gauche de l’échiquier politique, soient en faveur d’une telle mesure violemment anti-pauvres. Mais la raison en est simple : les keynésiens ne sont pas «pour aider les pauvres», mais pour favoriser la croissance du poids de l’Etat dans l’économie et s’emparer des postes de commandement, ce qui n’est pas la même chose. Et des taux bas favorisent cette croissance de l’Etat…Nos keynésiens, de gauche, ne recherchent dans le fond que leurs intérêts personnels, ce qui ne surprendra que ceux qui ne les connaissent pas.

Continuons à dérouler la logique de nos amis les faux prophètes keynésiens.

Si on met les taux à zéro, je n’ai plus aucune raison d’épargner et je dois consommer séance tenante toute mon épargne. Encore une fois, voilà qui est complètement idiot. Dans la réalité, je vais sans doute me mettre à épargner plus, tant la baisse de rentabilité de mon épargne risque de me terrifier. Ce que je décris ici n’est pas la réalité, mais le monde « magique », c’est-à-dire non scientifique, qui préside aux analyses keynésiennes.
Mais il y a pire, bien pire : la BCE, et d’autres banques centrales ont décidé maintenant de passer en taux d’intérêts négatifs, ce qui veut dire que je dois payer pour placer mon argent. Et de ce fait, nous nous trouvons dans un monde complètement différent, à la limite surréaliste.

Si les taux d’intérêts positifs sont là pour me compenser de « l’incertitude du futur », alors des taux négatifs veulent dire en termes philosophiques que le futur est plus certain que le présent, ce qui, à mon humble avis, est totalement idiot.

Le futur ne peut pas être plus certain que le présent, voila une proposition logique qui me paraît incontestable.

Et donc toute la politique monétaire de la zone euro me laisse complètement pantois.
Non seulement elle s’appuie sur une pensée «magique» et non pas scientifique, mais en plus elle pousse le bouchon jusqu’à un point où non contente d’être magique, elle devient complètement stupide et contre le sens commun.

Et je dois dire que j’ai du mal à comprendre comment une politique à la fois non scientifique, magique et idiote va amener à des résultats favorables.

Mais j’ai dû avoir de mauvais professeurs à Toulouse il y a bien longtemps…

En dépit de ces remarques «de détail», continuons de dérouler le raisonnement apparemment logique des fous qui nous gouvernent.

La chose logique dans un monde de taux d’intérêts négatifs serait bien sûr d’emprunter plutôt que d’épargner, puisque l’on est pénalisé si l’on épargne et subventionné si l’on emprunte.

Emprunter certes, mais à qui ?

Dans nos systèmes, heureusement, il existe des stocks d’épargne à long terme (caisses de retraite, assurance vie etc.) que l’on va pouvoir tranquillement vider de toute substance. Oh certes cela prendra du temps, mais comme ces institutions ont des obligations d’Etat en face de leurs dépenses à venir, on peut penser que d’ici cinq ans, elles seront à sec puisque maintenant il faut payer pour détenir des obligations d’Etat, ce qui n’est ni plus ni moins qu’un nouvel impôt mis sur l’épargne.

L’épargne est donc ponctionnée au profit de l’Etat, voilà qui va sans aucun doute accélérer la croissance économique tant chacun sait que seul l’Etat est compétent pour dépenser mon argent mieux que moi.

Je rentre des Pays-Bas où j’ai été rendre visite à mes clients, les fonds de pension hollandais. Ils étaient tous absolument terrifiés et se demandaient comment ils allaient pouvoir faire face à leurs échéances (c’est-à-dire payer les retraites), avec des taux négatifs. Je leur ai répondu qu’ils ne pourraient pas et qu’ils devaient se préparer à faire faillite. Ils me payent pour leur dire la vérité et non pas pour leur raconter des calembredaines. Le niveau de vie des retraités va donc absolument s’écrouler puisque l’Etat s’est lancé dans une politique absolument centrale dans le keynésianisme, celle de l’euthanasie du rentier.

Et donc non seulement mon épargne mais celle de toutes institutions à long terme passera à zéro. Et comme sur le long terme, l’épargne est égale à l’investissement (I=S), l’investissement va s’écrouler et avec lui notre niveau de vie.

Et nous redécouvrirons que Dieu avait raison, que bouffer son blé en herbe n’est pas très intelligent, et que Keynes avait tort.

Mais Dieu n’a pas fait d’études économiques, ce qui explique pourquoi le monde va aussi mal, sauf bien sûr quand il est géré par ceux qui en ont fait, comme on le voit en ce moment.

On peut se demander pourquoi des hommes soi-disant aussi éminents suivent des politiques aussi ridicules? A cette question une seule réponse : ne jamais sous estimer le rôle de la bêtise dans l’Histoire ainsi que l’habitude des classes dirigeantes à mépriser le bon sens.

Abraham Lincoln avait coutume de dire que l’on ne pouvait enrichir les pauvres en appauvrissant les riches. Nous avons fait des progrès depuis ces temps reculés. Nos banquiers centraux suivent depuis des années une politique visant à appauvrir les pauvres pour enrichir les riches (et j’ai appelé cela le capitalisme de connivence). Ils vont découvrir qu’appauvrir les pauvres pour enrichir les riches ne marche pas non plus, et que les pauvres ont une fâcheuse tendance à se révolter lorsque les laquais des riches les ont par trop pressurés. Nous y sommes en Grèce, au Portugal, en Finlande….

En réalité les taux d’intérêts négatifs sont contraires à tous les principes juridiques et moraux qui sous-tendent nos sociétés.

Ils attaquent le droit de propriété.

Ils favorisent la croissance de l’Etat.

Il s’agit d’impôts déguisés, qui n’ont été votés par personne et qui frappent les pauvres plus que les riches.

La BCE n’a aucun droit à prélever des impôts. C’est pourtant ce qu’elle fait, ce qui est profondément illégitime et illégal.

Prélever un impôt sans vérification du Parlement, payer les frais de l’Etat par la création monétaire sont des atteintes pures et simples à la démocratie, et sont des pratiques contraires aux traités européens.

Ils vont amener à terme à un écroulement économique inéluctable, à la résurgence des dissensions européennes et à la domination de l’Allemagne sur le reste de l’Europe, ce qui se terminera mal comme cela s’est passé chaque fois qu’un Etat européen a été dominant.

Et tout ça pour préserver la vanité de quelques grands incompétents et jamais élus par quiconque, tels Delors ou Trichet qui nous ont collés dans cette aventure démente qu’est l’euro.

« Errare humanum est, perseverare diabolicum ».

Charles Gave

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