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18/6/12 Charles Gave
    Le pouvoir socialiste est condamné à se renier !

Apparemment notre nouveau président a trouvé la solution à la crise européenne, solution qui jusque là avait échappé à tout le monde et surtout aux Allemands. Il nous faut emprunter plus par l’intermédiaire d’organisations qui pour l’instant ont encore des bilans relativement sains, du style de la Banque européenne d’investissements, et se lancer avec cet argent dans des investissements massifs, du type routes qui ne mènent nulle part ou ponts qui ne servent à rien.

Notre président veut réinventer les ateliers nationaux qui avaient piteusement échoué en…1848, ce qui donne une idée de la modernité de sa pensée et cela à l’époque de l’économie de la connaissance.

On est émerveillés…

C’est bien entendu ce que font les Japonais depuis vingt ans et les Américains depuis l’arrivée de M. Obama, avec les succès que chacun peut constater. Nos élites ne se rendent pas compte que la crise actuelle n’est pas une crise de sous consommation comme ils le pensent, mais une crise de la surconsommation étatique financée par un excès de dette. Nous souffrons d’avoir un Etat dont le poids est trop lourd et qui pour se financer emprunte de l’argent que nos enfants devront rembourser.

Chacun sait que la dette n’est que de l’impôt différé et que la marque d’une démocratie est que l’impôt est voté par ceux qui vont devoir le payer. Nous collons cependant des impôts énormes (par l’intermédiaire de la dette que nous allons leur laisser) sur nos enfants ou nos petits enfants sans qu’ils aient pu les voter, ce qui est la marque non pas d’une démocratie, mais d’une démagogie dont le seul but est que la génération actuelle, celle qui vote, ne souffre en aucun cas de ses incontinences.

Voilà qui est déjà insupportable.

Mais il y a pire : nos dirigeants font cela en prétendant qu’ils sont compétents et qu’ils savent ce qu’ils font parce qu’ils ont été dans des écoles où on leur a enseigné le keynésianisme, merveilleuse doctrine économique qui soutient que pour faire de bonnes récoltes, il est nécessaire de bouffer les semences avant même de les avoir mises en terre, et qu’il suffit ensuite d’emprunter à son voisin, qui lui a semé en temps et en heure, de quoi se nourrir et que ce faisant ils font le bonheur du voisin qui sans cela n’aurait eu personne à qui vendre sa récolte. Ici je suis injuste (ce qui est le crime suprême d’après notre président) : on peut aussi non pas lui emprunter de l’argent, mais simplement le lui voler en le taxant à mort, ce qui est une solution qui permet à la justice fiscale de s’exercer pleinement.

On voit la profondeur de l’analyse et à quel point la fourmi avait tort et la cigale raison.
Mais enfin, voilà ce que l’on enseigne dans nos grandes écoles, ce qui suffit sans doute à expliquer le marasme invraisemblable dans lequel se trouve notre pays, qui a à peu prés tout pour réussir, sauf bien entendu des gens compétents et courageux à sa tête.

Mais pour rétablir la vérité historique, il faut rappeler ici un point important : cette théorie développée par Lord Keynes dans les années trente avait déjà été mise en lumière par le Sapeur Camember, célèbre économiste français de la fin du XIXe siècle, à qui Keynes a beaucoup emprunté sans jamais cependant reconnaître sa dette intellectuelle.

Ce grand homme, fort modeste, avait été chargé par son caporal de creuser un trou pour y enfouir des ordures. Ayant creusé son trou et y ayant mis les déchets, notre économiste déjà socialiste (sans le savoir) se retrouva devant un nouveau problème : que faire du tas de terre, conséquence logique du trou maintenant comblé ? Comme son caporal passait par là, la question fut posée. La réponse, fort simple fut bien sûr de creuser un autre trou pour y déposer la terre et d’aller passer quatre jours au poste de police pour avoir importuné son caporal avec des questions stupides.

La solution au problème de la dette, nous dit le caporal Moscovici, est de creuser un autre trou. Il fallait y penser !

Chacun peut donc voir que les nouvelles équipes qui viennent d’arriver au pouvoir ont parfaitement intégré les théories économiques du sapeur Camember, revues et améliorées par Keynes, ce qui j’en suis sûr va pleinement rassurer le lecteur…

Le même lecteur sera d’autant plus confiant si je lui dis que je n’ai jamais pu trouver la moindre trace d’une politique keynésienne qui ait marché dans la réalité, jamais, nulle part, et ce pour toutes les raisons que j’ai longuement expliquées dans « l’Etat est mort ,vive l’état… »

Je ne doute pas que notre président ne soit aussi un homme modeste, mais comme l’avait lancé Churchill à qui quelqu’un qui lui disait qu’Attlee (son rival en politique) était un homme modeste : « Il a d’excellentes raisons de l’être ».

Bref, compte tenu du niveau camembérien de ce qui passe pour un raisonnement économique en France, il va me falloir essayer d’expliquer en termes suffisamment simples ce dont nous souffrons pour que même nos élites puissent comprendre, au cas fort improbable où elles se poseraient des questions sur leur compétences et chercheraient des avis à l’extérieur (on peut toujours rêver), ou tomberaient par hasard sur ces lignes (on peut toujours rêver bis).

Je vais devoir procéder tout doucement pour ne pas les perdre en route, que le lecteur normal m’en excuse.

1. Le poids de l’Etat français dans l’économie ne cesse de monter depuis 1970, au point de représenter aujourd’hui 56 % du PNB.

2. Toute hausse du poids de l’Etat dans l’économie déclenche un ralentissement du taux de croissance structurel de cette économie, ce qui fait baisser les recettes fiscales.

3. Hausse des dépenses + baisse des recettes = déficit budgétaire en hausse perpétuelle, lequel ne peut donc être financé que par l’émission de dettes.

4. Quand la dette atteint à peu prés 100% du PNB, si les taux d’intérêts sont à 3 %, cela veut dire que le service de la dette consomme à peu prés l’accroissement de richesse attendu (3 % par an, si on est socialiste, 1.5 % par an dans la réalité).

5. A ce point du processus, (là je dois demander au lecteur de se concentrer car c’est le moment où nos élites cessent de comprendre), il se passe un phénomène curieux : toute la croissance du PNB va au service de la dette passée, et si cette dette passée est détenue par des étrangers, cela veut dire que le pouvoir d’achat du travailleur français de base ne peut que stagner ou baisser.

6. Si par hasard et par malheur nos élites continuent à distribuer des prébendes non gagnées, du style réduction de l’âge de la retraite, alors nos taux d’intérêts peuvent monter brutalement, comme l’ont montré les exemples grec, espagnol ou italien, et nous rentrons alors dans une trappe à dettes. Si ces taux doublent en raison de la défiance qui s’installe, cela veut dire que le pouvoir d’achat du Français moyen devra baisser d’environ 3 % par an jusqu’ à ce que la dette soit remboursée ou à tout le moins stabilisée.

7. L’économie rentre alors en dépression.

8. C’est en général à ce moment-là que le FMI prend ses billets pour le pays en question et loue des bureaux sur place.

Nous sommes en train d’arriver au point numéro 6, en route vers le 7 où l’Espagne et l’Italie nous ont déjà précédés …

Pour nous sortir du guêpier dans lequel nous nous sommes fourrés tous seuls, il y a en général deux stratégies et deux seulement.

• Celle du FMI, basée sur une vision comptable des choses, qui a toujours et partout échoué.

• Celle de l’économie de l’offre, qui a toujours et partout réussi.

Commençons par le FMI. Les recommandations sont toujours les mêmes : il faut augmenter les impôts sur le secteur privé et mettre des fonctionnaires à la porte tout en diminuant le salaire de ceux qui restent, en maintenant des taux d’intérêts élevés pour tenir le taux de change. Ce « policy mix » de politiques budgétaires et monétaires restrictives accompagnées par un taux de change surévalué a été essayé souvent dans l’histoire et a toujours conduit à une dépression (voir la Grèce, l’Espagne ou l’Italie en ce moment, ou la France et l’Allemagne en 1934 ).

Continuons avec la politique de l’offre. Comme la croissance ne vient que de l’action des entrepreneurs, il faut leur redonner des espaces de liberté pour renouer avec cette croissance qui avait disparu. Cela se fait d’habitude en laissant les taux de change et d’intérêts trouver leur niveau d’équilibre (ce qui rend nos entrepreneurs compétitifs vis-à-vis du reste du monde), tout en déréglementant les secteurs où l’Etat est et n’a pas grand-chose à y faire.

L’exemple type d’une politique de l’offre qui a réussi est celui de la Suède (pays représentatif de l’ultralibéralisme comme chacun le sait) après sa faillite en 1992, qui a déréglementé et privatisé son système éducatif, l’hôtellerie dans les hôpitaux, ses systèmes de retraite et tous ses transports en commun. Moyennant quoi la Suède, vingt ans après, est en excédent des comptes courants, a des excédents budgétaires et a réduit sa dette en 20 ans de 90 % a 30 % du PNB tout en connaissant un quasi plein emploi et en empruntant à des taux inférieurs à ceux de l’Allemagne.

Comme l’euro nous interdit de trouver notre niveau d’équilibre sur le taux de change, il nous sera à l’évidence impossible d’avoir des taux d’intérêts bas, qui ne sont que la conséquence d’une monnaie sous évaluée, ce qui ne peut arriver avec une monnaie surévaluée.

Cela veut dire que notre pays va rentrer dans une trappe à dettes et de là en dépression, à moins bien sûr que le Frankenstein qu’est l’euro ne disparaisse dans les mois qui viennent et que le marché ne triomphe à nouveau, ce qui finira bien par arriver.

Mon message pour nos chères élites est donc tout simple :

1. Nous sommes dans le long terme et Keynes est mort il y a bien longtemps.
2. Ce que vous avez appris à l’école n’a jamais marché.
3. Embaucher des fonctionnaires ne crée aucune croissance.

La seule chance pour notre pays est que vous réduisiez les coûts de fonctionnement de notre Etat, tout en laissant ceux qui savent créer de la valeur (les entrepreneurs) agir.
Ce qui veut dire qu’il faudrait songer à faire rentrer tous les entrepreneurs qui ont fui à l’étranger pour exercer leurs talents, par exemple en supprimant l’impôt sur la fortune tout en taxant lourdement ceux qui ne prennent pas de risques (les fonctionnaires) et en détaxant massivement ceux qui en prennent (les entrepreneurs).

C’est là que je mesure mon optimisme permanent.

Pas une seule personne raisonnable ne pense que ce scénario ait la moindre chance de se produire et pourtant il est inévitable.

Les trimestres qui viennent vont être passionnants et je souhaite beaucoup de réussite au parti qui va être directement et totalement responsable de ce qui va se passer en France dans les années qui viennent, c’est-à-dire au Parti socialiste. Il va devoir faire exactement le contraire de ce que pour quoi il a été élu.

Voilà qui va être passionnant à observer.

Charles Gave

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