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23/6/12 Charles Gave
      Euro : il va falloir trancher le nœud gordien !

L’euro ne peut pas survivre si les taux longs sont substantiellement au dessus du taux de croissance des économies sous jacentes (trappe à dettes) et si la structure institutionnelle actuelle, c’est-à-dire l’interdiction par les traités d’une mutualisation de la dette et l’interdiction similaire d’un achat direct d’obligations par la BCE, se maintient.

De ce fait, il ne peut y avoir survie de l’euro que si la dette est mutualisée (et à mon avis cela ne suffira pas) ou si la BCE est autorisée à acheter massivement des obligations de ces Etats de façon à ramener les taux d’intérêts « manu militari » en dessous du taux de croissance, à des niveaux comparables à ceux que l’on voit sur la dette allemande, anglaise ou américaine.

Si cela pouvait être fait, il est probable que cela donnerait du temps pour effectuer les réformes.

Cette solution devrait être accompagnée d’une mise sous tutelle par la BCE des banques européennes et par une garantie européenne donnée à tous les déposants où qu’ils soient, avec le risque de hasard moral que cela comporte. Cela veut dire passer dans un système financier où la concurrence entre banquiers n’existera plus… et où l’intervention politique dans le système financier ne cessera de croître.

Il ne faut pas se cacher cependant que cette solution a été expressément interdite par les traités et qu’elle se heurterait peut-être à un veto de la Cour constitutionnelle allemande.
Qui plus est, cela reviendrait pour chacun des Etats à abandonner à peu prés complètement sa souveraineté dans le domaine budgétaire, qui serait exercée par une espèce de commission qui serait de fait et de droit sous contrôle allemand, ce qui ne manquerait pas de créer des problèmes politiques partout en Europe.

Au cas où l’Allemagne refuserait cette solution, certains pensent que les pays du Sud pourraient essayer, au travers d’un vote au conseil de la BCE, de forcer celle-ci à acheter ces obligations, les Allemands n’ayant que trois voix se trouvant mis en minorité. Il leur faudrait donc soit se soumettre soit se démettre. La démission reviendrait à ce que l’Allemagne sorte purement et simplement de l’euro, et dans ce cas on peut penser que l’euro croupion verrait son cours s’effondrer contre toutes les monnaies. Un tel effondrement rendrait à nouveau des pays comme l’Italie la France et l’Espagne compétitifs, ce qui leur permettrait de procéder aux réformes de structure dont ils ont besoin. Cependant si l’Italie (par exemple) procédait à ces réformes et pas la France, nous nous retrouverions très rapidement ramenés au problème précédent…

Nous avons donc deux « solutions » pour que l’euro survive : la solution fédérale, couplée à une monétisation de la dette et à une garantie des dépôts par la BCE, ou la sortie de l’Allemagne de l’euro.

De loin la plus probable et la moins dangereuse politiquement des deux me semble être la sortie de l’Allemagne.

Mais l’euro survivrait et de toutes les solutions c’est certainement celle qui coûterait le moins. Elle implique cependant une nationalisation et une recapitalisation des banques allemandes ainsi que de la Bundesbank, qui n’ont pas les fonds propres pour accepter une perte de plus de 30 % sur leurs actifs étrangers.

En ce qui concerne le coût de la rupture, certains le comparent à la faillite de Lehmann et calculent les pertes gigantesques qui s’en suivraient. L’autre point de vue est que les pertes actuelles sont déjà inimaginables (chômage, faillite des systèmes bancaires, faillite de 5 Etats souverains en Europe) et que la plupart des institutions ont déjà pris leurs précautions. Qui plus est, je n’ai jamais vu que dans l’histoire, si l’on mettait à mort un système qui ne marche pas, comme l’URSS ou l’étalon or, cela ait jamais été une mauvaise nouvelle.

En ce qui concerne les réformes structurelles qui doivent être faites, je n’en connais pas qui aient réussi sans qu’au préalable nous n’ayons eu une immense dévaluation qui permet de remplacer la demande interne, détruite par les réformes, par une demande externe. Il s’agit en effet de transférer des sommes gigantesques du rentier vers l’entrepreneur, et cela peut se faire sans trop de douleur et sans faillite obligataire si le taux de change s’écroule et recrée les conditions de la croissance. Laval et Rueff avaient essayé dans le cadre de l’étalon or en 1934 et avaient aussi piteusement échoué que la Grèce l’Espagne ou l’Italie sont en train de le faire en ce moment. Une sortie de l’Allemagne de l’euro serait la bonne solution dans ce cadre-là. Il est à peu près certain que dans ce cas la Finlande et le Danemark sortiraient immédiatement de l’euro pour se rapprocher de l’Allemagne, et que la Hollande, l’Autriche, la Slovénie et la Slovaquie ne seraient pas loin derrière. Nous aurions créé un euro du Nord et un euro du Sud… ce qui après tout serait peut être une solution.
 

Nous arrivons au moment où il va falloir trancher le nœud gordien. Je préférerais, et de loin, que cela se passe de façon rationnelle plutôt que dans le désordre le plus total, dans la mesure où une solution raisonnée, sinon raisonnable, permettrait de conserver intact le Marché commun, ce qui est l’essentiel.

Charles Gave


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