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9/7/15 Charles Gave
     
             La France, un grand pays détruit par
                         une classe de parasites !
 
Nous sommes des nains sur les épaules de géants (Bernard de Chartres).

Monsieur Attali, un nain sur les épaules de pygmées, explique à qui veut l’entendre que l’économie mondiale est devenue incompréhensible et que donc nous avons besoin d’un gouvernement mondial. Monsieur Attali est un spécialiste de ce qu’il est convenu d’appeler en logique pure un non sequitur, c’est-à-dire une absence de relations directes entre la première et la seconde partie de la phrase. L’une de ses phrases sans connexion aucune fut : « L’euro créera plus de croissance en Europe parce que ce sera une monnaie unique », dont chacun peut constater le côté prémonitoire aujourd’hui.

A mon humble avis, monsieur Attali n’a jamais rien compris à l’économie et donc la première partie de la phrase ne fournit aucune information nouvelle sur le personnage, tandis que la liaison logique entre la première et la deuxième moitié revient à dire : « Nous n’y comprenons rien, mais il faut nous donner plus de pouvoir », ce qui revient à donner les clefs de sa cave à un sommelier alcoolique, définition même du socialisme.

Mais pourquoi tirer sur une telle ambulance, me dira le lecteur ? La raison se trouve dans la première partie de la phrase, « l’économie est devenue incompréhensible », ce qui est d’un manque de culture foudroyant.

Depuis 250 ans au moins, la réflexion sur l’économie s’est détachée de la logique, et de très grands esprits (mes géants) expliquent de façon fort claire ce qui est en train de se passer dans nos économies aujourd’hui.

Dans cet article, je vais vous parler de quatre d’entre eux, dont on pourrait presque croire qu’ils écrivent pour notre époque tant leurs propos sont actuels.

Je vais résumer autant que faire se peut leur pensée et donc en affaiblir la portée, mais j’espère ne pas les trahir.

Commençons par le Suédois Wicksell, le plus méconnu, qui a vécu à la fin du XIXème et dont la thèse centrale était simple. La croissance économique s’explique par la différence entre deux taux, le taux de marché (celui auquel les entreprises peuvent emprunter) et ce qu’il appelle le « taux naturel », c’est-à-dire le taux de croissance « marginal » des profits de ces sociétés. La question pour tout entrepreneur est : « Si j’emprunte un euro de plus, est-ce que mes profits vont augmenter de plus d’un euro, d’un euro exactement ou de moins d’un euro ? » Et ce que dit Wicksell, et qui est extraordinairement important, est simple. Si les autorités maintiennent le taux de marché trop bas (comme à l’heure actuelle), alors les entrepreneurs emprunteront massivement pour acheter des actifs existants et non pas pour créer de nouveaux actifs. Les prix des actifs existants monteront massivement, mais la quantité d’actifs ne montera pas puisqu’il est moins dangereux d’acheter ce qui est certain (des actifs existants) que de créer à partir de rien de nouveaux actifs (prise de risque). Nous aurons donc à tous les coups une hausse des marchés financiers et de l’immobilier, accompagnée par une hausse considérable de l’endettement, mais à terme nous constaterons une baisse de la productivité puisque personne n’investit plus en prenant des risques et que donc les salaires stagnent ou baissent.

Les riches (ceux qui ont des actifs) deviendront plus riches, les pauvres (ceux qui n’ont à vendre que leur travail) deviendront plus pauvres, l’atmosphère sociale deviendra irrespirable, et un jour le ralentissement de l’économie sera tel que la dette ne pourra plus être servie et que nous aurons un krach (voir l’analyse de Minski un peu plus bas).
Pour qu’il y ait croissance, il faut donc que les taux d’intérêts de marchés soient sur les taux naturels et y restent.

Mettre des taux d’intérêts trop bas ne favorise pas donc la croissance mais l’empêche.

Cette analyse décrit parfaitement les résultats de la politique de la Fed depuis 1998. Nous avons déjà eu deux krachs, et j’attends sans trop d’impatience le troisième, qui ne saurait tarder.

Pour résumer en une phrase l’analyse de Wicksell, des taux trop bas sont à peu prés aussi dangereux que des taux trop hauts, puisque les uns et les autres entraînent une allocation du capital désastreuse.

Passons à Schumpeter, le plus grand de tous.

D’abord, c’est lui qui est à l’origine de la notion essentielle de destruction créatrice. Sans destruction, pas de création et donc pas de croissance. Des taux trop bas, nous dit Schumpeter, maintiennent en vie des sociétés inefficaces et favorisent l’endettement de l’Etat, et donc la destruction s’arrête et la création avec elle. Schumpeter a ici beaucoup utilisé les notions mises à jour par Wicksell, en les développant.

Ensuite c’est lui qui a fait l’analyse que le capitalisme permet un développement foudroyant de la richesse, et que cette richesse allait entraîner des investissements énormes dans l’Education. De nouvelles classes de « faux lettrés » créés par ce développement ne trouveraient pas d’emplois conformes à la valeur que ces faux lettrés se donnent, et ils se lanceraient en politique pour « améliorer le système», c’est-à-dire pour empêcher la partie qu’ils haïssent par dessus tout, la destruction. Comme disait Raymond Boudon, « les intellectuels français n’aiment pas le libéralisme parce que, dans un système libéral, ils seraient payés à leur vraie valeur ». On imagine le drame : BHL, Minc, Attali payés à leur vraie valeur ! Bien entendu, le parti socialiste français et monsieur Hollande en sont d’autres parfaits exemples. Et, se demandait du coup Schumpeter : le capitalisme est il compatible avec la démocratie (voir son grand livre « Capitalisme Socialisme et Démocratie » ? Il en doutait, étant issu d’une société (l’Autriche-Hongrie) qui s’était effondrée sous le poids de cette contradiction. En ce qui me concerne, je n’ai guère de doutes pour les sociétés anglo-saxonnes, mais je suis beaucoup moins certain d’une sortie heureuse pour les autres. En fait, Schumpeter décrit parfaitement ce qui est en train d’arriver en Espagne, en Italie et surtout en France, et qui avait été déjà décrit par les Evangiles, dans la Parabole du Maître et de la Vigne, il y a plus de 2000 ans. Une majorité qui s’agrège pour rendre le vol légal en le transformant en impôts ne transforme pas le fait qu’un vol reste un vol.

Le troisième de mes « géants », mort en 1996, s’appelle Hyman Minsky, et était américain. En fait, ce n’était pas un vrai «géant» (à mon avis), mais il a parfaitement compris le rôle de la dette dans l’évolution de l’économie, ce qui pourrait être assez utile dans la période à venir. Cette évolution, d’après Minski, se déroule toujours en trois phases.

D’abord les emprunteurs s’endettent pour développer des actifs productifs, la rentabilité de ces investissements permettant et le service de la dette et son remboursement in fine. Le système est stable.

Puis vient la deuxième étape, où les gens s’endettent pour bâtir de nouveaux actifs ou en acheter des anciens, en empruntant autant qu’ils le peuvent tant que la rentabilité de l’actif permet le service de la dette, plus personne ne se préoccupant du remboursement du capital in fine. Le système devient instable et ne peut supporter la moindre hausse des taux d’intérêts.

Vient enfin la période dite « de Ponzi », où tout le monde emprunte pour payer les intérêts sur la dette existante, plus personne ne songeant même à rembourser le capital.

Et là, bien sûr, le système devient explosif.

Tout le monde voit bien que le secteur privé est sans doute en période 2 un peu partout dans le monde, tandis que les Etats français, italien ou espagnol sont en plein « Ponzi ». Et, nous dit Minsky, lorsque le système bascule ( the Minsky moment, en anglais ), la chute économique est vertigineusement rapide. L’analyse est très semblable à celle d’Irving Fisher dans « The debt deflation theory of great depressions », publié en 1934, et la comparaison avec la période actuelle particulièrement pertinente.

Enfin le quatrième de mes héros est un vrai géant, sans doute beaucoup plus un philosophe qu’un économiste, et je veux parler de Hayek, qui a mis au jour le concept de la « présomption fatale » (fatal conceit, en anglais). Comme toutes les grandes idées, celle-ci est fort simple. L’évolution harmonieuse d’une société, que celle-ci évolue lentement ou rapidement, suppose qu’elle le fasse à un rythme qui vient de ses profondeurs. Malheureusement, de temps en temps, arrivent des législateurs qui ont des idées bien arrêtées sur la façon dont la société devrait être organisée, par rapport à la façon dont elle l’est vraiment. Et ces grands esprits, tous nourris au lait de Jean-Jacques Rousseau, de Marx ou de monsieur Bourdieu, de faire passer des lois pour non seulement imposer leur nouvel ordre, mais pour détruire l’ordre existant, ce qui inéluctablement produit désastre sur désastre. Et, nous précise Hayek, cette « présomption fatale» couplée au constructivisme est particulièrement présente dans notre beau pays de France, chez nos intellectuels. On se demande ce qui a pu donner une telle idée à Hayek…

Prenons ces quatre grands penseurs pour analyser la situation actuelle sur le vieux continent.

De Wicksell, je tire la conviction que des taux bas ne favorisent en rien la croissance, bien au contraire, et que la fameuse «euthanasie du rentier», chère à Keynes, n’est rien d’autre qu’une incommensurable foutaise qui ne profite qu’à la dépense étatique. Je déduis aussi de cette analyse que la hausse actuelle des marchés financiers en Europe et aux USA est totalement spéculative et se terminera dans un désastre d’autant plus probable que la hausse aura été plus durable.

De Schumpeter, je tire la conclusion que des démagogues demi-éduqués ont pris le pouvoir un peu partout et manœuvrent comme des fous pour se propulser au sommet et y rester, leurs manigances amenant à une disparition de la croissance et donc à une demande encore plus forte d’interventions de la part du reste de la population… et ainsi de suite. La France est ainsi un merveilleux exemple d’un grand pays détruit par une classe de parasites (au sens schumpetérien du terme).

De Minsky, je tire la compréhension des mécanismes de l’endettement qui, à terme, peuvent littéralement tuer l’économie capitaliste. Si j’en crois Minsky, nous sommes peut être à la veille du moment « explosif ».

Enfin, de Hayek, je tire le mécanisme intellectuel qui permet aux médiocres qui nous gouvernent de justifier les tentatives d’applications dans la réalité de leurs théories imbéciles, du style « théorie du genre ».

Conclusion.

Faisons rapidement le tour de notre vieux continent à la lumière intellectuelle fournie par mes quatre géants.

L’Europe de l’euro accumule tous les handicaps, dans la mesure où l’euro (présomption fatale, constructivisme), empêche tout positionnement satisfaisant des taux de marchés par rapport au taux naturel (voir Wicksell), puisque le taux de croissance naturel de l’Italie et de l’Allemagne ne sont pas les mêmes. Les taux sont donc trop hauts pour l’Italie, la France ou l’Espagne, ce qui amène a une dépression, et trop bas pour l’Allemagne, ce qui entraîne une spéculation financière débridée en Allemagne et dans tous les actifs cotés en Europe et n’ayant rien à voir avec celle-ci. Pour combler ce trou de croissance, France Italie et Espagne se sont lancés dans un Ponzi budgétaire débridé - ce qui est parfaitement cohérent avec les thèses de Minsky - en s’appuyant sur une technocratie d’Etat qui a pris le contrôle de la monnaie pour empêcher toute destruction créatrice (voir Schumpeter).

Dans le reste de l’Europe, les Britanniques viennent de voter pour virer leurs demis éduqués, ce qui est merveilleux, et songent à s’affranchir de la bande d’incapables non élus sévissant à Bruxelles. Ils ont cependant un petit problème Minsky à régler, mais ils s’y attèlent, comme les Suédois ou les Danois.

Les Suisses quant à eux n’ont aucun problème. Rappelez-moi le nom d’un homme politique suisse ? Euh…. Ceci explique peut être cela.

Donc, en ces temps de Tour de France, je trouve d’abord le Suisse, caracolant en tête, ensuite un premier peloton comprenant les Britanniques, Suédois, Danois et Norvégiens, puis les Allemands à la tête d’un groupe de chasse où l’on trouve les Autrichiens, Bataves , Finlandais et autres Belges, et puis enfin ceux qui en sont à rouler ensemble pour ne pas être éliminés, à savoir les Espagnols, les Italiens ou les Portugais soutenant du mieux qu’ils peuvent celui qui est dans le plus mauvais état, le Français, le Grec ayant été interdit de course pour dopage manifeste. Et pourtant le coureur français est très bon, mais son manager lui a fourni un vélo qui pèse quarante kilos de plus que les autres. Alors, il a du mal… Il faut dire à sa décharge cependant que nous avons non seulement la droite la plus bête du monde, mais aussi la gauche la plus stupide et l’administration la plus incohérente, et qu’ils s’y sont mis à trois pour lui fournir son vélo, estampillé « made in France ».

C’est donc sans doute en France que la prochaine grande crise commencera, dés que mon Poulidor aura été dans le décor. Ce qui ne saurait tarder et sera une bonne nouvelle.

Charles Gave



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