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7/4/12 Charles Gave
         La France ne peut pas ne pas faire faillite !

J’aimais beaucoup Milton Friedman. J’ai beaucoup correspondu avec lui à partir de 1978 et cela jusqu’à sa mort, car il avait l’extrême gentillesse de considérer que ce que j’écrivais dans le cadre de ma société de recherche économique était intéressant.
J’ai toujours déploré de ne pas avoir été un de ses élèves.

Il avait un génie incroyable pour rendre simples et amusantes des choses compliquées et l’une de ses trouvailles fut son fameux quadrant.

Le voici.

Quand de l’argent apparait dans le système il peut être :

1. Dépensé par celui qui l’a gagné à son profit. Dans ce cas-là, la dépense est en général judicieuse et la satisfaction maximale. Je m’achète, avec mon argent durement gagné, de merveilleux cigares cubains qui m’assureront des après-midi entières de méditations paisibles, ce qui à mon âge est loin d’être négligeable.

2. Dépensé par celui qui l’a gagné au profit d’une autre personne ou d’une autre institution. J’achète un bijou à ma femme, le risque étant toujours présent que ce soit le mauvais bijou ou qu’elle se demande pourquoi exactement je lui ai acheté un bijou. La satisfaction est réelle mais sans doute inférieure à celle que j’éprouverai avec mes cigares

3. Dépensé par quelqu’un qui ne l’a pas gagné, à son profit. Je gagne au Loto, ce qui me permet enfin d’avoir la fortune que je mérite, et bien entendu je me mets à faire n’importe quoi, arrosant tous les nouveaux amis que cette fortune subite m’a valus et qui disparaîtront le jour où il n’y aura plus d’argent.

4. Enfin, et c’est toujours le cas le plus tragique, dépensé par quelqu’un qui ne l’a pas gagné au profit de quelqu’un d’autre. Là, c’est vraiment le grand n’importe quoi, le but essentiel étant de s’acheter des fidélités pour le jour où la source se tarira.

Si le lecteur accepte cette typologie, il voit bien qu’aucun des candidats à l’élection présidentielle française, et je dis bien aucun, n’a comme programme de me permettre soit de garder le maximum d’argent pour que je puisse m’acheter ces cigares cubains dont je rêve, ou encore d’acheter un bijou à ma femme…Tout le débat officiel est sur le point numéro quatre, alors même que la plupart des Français savent fort bien que le débat réel est : comment s’emparer au profit de son parti ou de soi même de cette source merveilleuse d’argent gagné sans travail personnel que constitue l’Etat.

Il est donc très probable que l’utilisation de l’argent qu’ils vont réussir à me piquer (je n’ai hélas aucun doute à ce sujet) va m’amener très peu de satisfactions.

Au moins , aux USA, en Grande Bretagne, en Suède, en Allemagne, en Australie, au Canada et dans la plupart des pays normaux, se présentent à chaque fois des candidats qui ont pour but essentiel de me permettre de garder la plus large part de ce que j’ai péniblement gagné.

Pas chez nous, hélas, pas chez nous, et c’est ce qui est la vraie exception française.

Chez nous, apparemment, nul ne peut être élu si son but n’est pas clairement de recevoir de l’argent qu’il n’a pas gagné pour le donner des gens dont dans le fond il n’a rien à foutre, mais qui lui permettront de vivre noblement dans les ors des palais nationaux.

Donc les élections françaises se passent toujours sur les points trois et quatre de Milton Friedman, et jamais sur les points un ou deux.

Les candidats qui aiment bien l’idée de dépenser de l’argent qu’ils n’ont pas gagné (en me le piquant, à moi, alors que j’ai d’excellentes idées sur la façon dont j’aurais pu le dépenser) font une campagne acharnée pour convaincre les électeurs qu’ils sont les plus à même de me piquer (à moi ! une fois encore), le maximum de fric.

Le mieux disant sera élu et pourra commencer la distribution de mon argent au petit bonheur la chance, en fonction des appartenances syndicales ou politiques des demandeurs, n’oubliant pas bien entendu de maintenir dans un état de prospérité convenable celui qui a donné sa vie à la Nation, c’est-à-dire lui et ses proches.

De ce fait, et comme je sais que mon capital (et le vôtre, cher lecteur) vont être gaspillés comme toujours dans ces cas de figure, et comme je sais en tant qu’économiste que le bien le plus rare du monde est justement mon capital et le vôtre, j’en tire la conclusion que ma capacité (et celle des autres Français qui, comme moi, auraient eu la mauvaise idée d’essayer d’accumuler du capital) à financer toutes ces dépenses inutiles va s’effondrer.

Et comme mes remarquables connaissances en économie me permettent d’affirmer sans crainte d’être contredit que la croissance et l’emploi dans un pays dépendent uniquement de son stock de capital, et que de plus je sais que ce stock de capital va s’effondrer, j’en conclus donc que puisque les hommes politiques français veulent m’empêcher d’acheter mes cigares ou d’offrir des bijoux à ma femme, la France ne peut pas ne pas faire faillite.

Voila qui est ennuyeux.

Charles Gave

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