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1/6/15 Charles Gave
     
        Nous sommes sur le chemin de la servitude !

Le libéralisme est une doctrine juridique et non pas une doctrine économique.
Il est consubstantiel aux Lumières, dont il était l’expression pratique.

Le but, à l’époque, était de trouver une organisation politique qui permette que les petits ne soient pas mis en esclavage par les gros, que ces mêmes petits ne massacrent pas les gros dans des jacqueries à répétitions, et que le personnel de l’Etat soit au service de tous et non pas au service de lui-même. Ce fondement juridique essentiel de nos sociétés modernes est en train d’être battu en brèche comme jamais depuis les années 30, et ce mouvement rétrograde est bien sûr mené par le personnel des classes technocratiques qui partout nous dirigent et que certains ont appelé la classe (au sens marxiste du terme) «Davos, Harvard, Wall-Street».

Pour accroître ses pouvoirs, cette classe est en train d’utiliser les deux crises qui ont marqué le monde depuis le début du XXIème siècle, et cette poussée me fait craindre que nous ne soyons en train de passer de l’état de droit, qui n’existe que dans les systèmes fondés sur le libéralisme, au droit de l’Etat, qui en est la négation.

Quels furent ces deux événements ?

En premier lieu, nous avons eu les attentats du11 Septembre 2001 aux USA. Tout le monde s’en souvient et chacun se remémore aussi l’endroit où il était quand il a appris la nouvelle et vu les images à la télévision.

Tout le monde se souvient aussi de l’extraordinaire implosion financière qui a suivi la faillite de Lehmann Brother en 2008-2009. Comme l’avait déclaré Rahm Emmanuel, un des principaux conseillers du Président Obama à l’époque : « Il serait dommage de laisser inexploitée une aussi belle crise ».

Depuis ces heures tragiques, je dois constater que partout en Occident les pouvoirs en place ont utilisé les attentats ou la crise financière comme une façon de restreindre de façon extraordinaire nos libertés individuelles. Et cet effort constant a utilisé en premier l’outil qui permet à nos technocraties de surveiller les opérations financières effectuées par leur population en temps réel.

Je veux parler bien sûr de l’informatique. Toute transaction de nos jours entre deux parties consentantes, si elle ne se fait pas en cash, donne lieu à une inscription de zéros et de uns dans un ordinateur quelque part. Tous ces paiements se compensent les uns les autres dans deux chambres de compensation gigantesques, l’une au Luxembourg pour l’Europe, l’autre aux USA pour tout ce qui concerne le dollar US.

Ce qui veut dire que pour tous les comptes officiels (le mien, le vôtre), le secret bancaire n’existe plus. Depuis 2001, moult accords internationaux ont été passés, ouvrant le compte de tout un chacun à la puissance fiscale (et donc politique) du pays d’à côté.
Par exemple, moi, citoyen français vivant à Hong-Kong, je dois remplir une déclaration fiscale à destination du fisc américain.

Ou bien encore le droit et la loi des Etats Unis s’appliquent à toutes les transactions ayant lieu en dollar. Autrefois, si une banque française et une banque belge faisaient des transactions en dollar, les Etats Unis n’avaient rien à dire. Aujourd’hui, comme cette transaction sera compensée aux USA, la loi américaine s’applique, comme on l’a fort bien vu au moment de l’affaire de la BNP.

Voilà qui ouvre de merveilleuses opportunités pour de nouvelles taxations. Et les amendes de pleuvoir par milliards de dollars sur nos institutions financières, qui ne peuvent se défendre, l’angle d’attaque étant toujours le même : ou vous payez, ou l’on vous retire votre licence aux USA, ce qui vous contraindra à la faillite. Les tribunaux vous donneront peut-être raison dans 10 ans, mais ça ne vous sera pas bien utile… C’est un peu comme en Sicile quand deux individus en gabardine et lunettes noires pénètrent dans votre bar à Syracuse et vous disent que vous avez de bien beaux enfants, à qui il pourrait arriver malheur si vous ne voulez pas payer la taxe de protection… La loi de la Mafia a remplacé la loi.

L’asservissement de nos institutions financières à la puissance publique centrale devient de plus en plus patent et chacun devrait s’en inquiéter, mais le mouvement paraît bien engagé et difficile à arrêter.

L’étape suivante sera bien sûr de nous interdire de nous servir du cash, et l’on en parle déjà.

L’asservissement objectif des institutions financières à nos différents « big brothers» leur permet de savoir à tout moment ce que vous et moi faisons de notre argent, ce qui ouvre des possibilités infinies aux pressions «amicales» qu’il est bon d’exercer sur les esprits forts, ce qui est bien pratique si l’on veut rester au pouvoir.

Non contents de savoir ce que nous faisons de notre argent, nos «oints du Seigneur» ou ODS ont décidé qu’il leur fallait savoir aussi ce que nous nous disions les uns aux autres. Et donc tous les réseaux de téléphone, tous les réseaux d’Internet sont surveillés par des « grandes oreilles », couplées à des ordinateurs extraordinairement puissants qui vérifient par exemple que je ne donne pas trop de coups de téléphone à des gens qui pourraient être mal intentionnés. Et comme tous les réseaux d’Internet finissent à un moment ou à un autre par passer par de grandes machines qui sont encore une fois sur le territoire des Etats-Unis ou de l’Europe, nous nous retrouvons dans le même monde que celui des organisations financières.

La présomption d’innocence a disparu.

Dans le fond, jamais dans l’histoire la vie de chaque particulier n’aura été aussi transparente pour les institutions dirigeantes.

Et le mouvement ne fait que s’accentuer.

La France vient de prendre une loi scélérate pour permettre à nos services secrets d’espionner tout un chacun sans aucun contrôle des autorités judiciaires.

La séparation des pouvoirs a disparu.

Certes, Rand Paul, en se dressant tout seul au Sénat américain, a réussi à empêcher la reconduction automatique par le Sénat du « Patriot Act », voté sous la présidence de George W. Bush, mais je ne doute pas que les ODS vont revenir à la charge pour finir par l’emporter.

Ce qui m’agace le plus dans toute cette dérive totalitaire, c’est bien sûr le côté moralisateur utilisé par les ODS pour justifier leurs forfaits. Ces bonnes âmes nous disent qu’elles ne font tout ça que pour nous protéger des brebis galeuses présentes dans la population. Mais bien sûr!

Comme chacun le sait, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir de brebis galeuses au sein des ODS, qui ont comme objectif unique de faire notre bonheur en y sacrifiant leur santé. L’Etat ne peut pas être criminel, comme chacun le sait. Sans parler des grands criminels, tel Hitler ou Staline, on se souvient par exemple de Nixon, avec le Watergate, ou du président Mitterrand faisant espionner d’anciennes petites amies ou des écrivains qui ne pensaient pas que du bien du grand homme d’Etat que la France avait la chance d’avoir à sa tête.

Et de m’expliquer que mon refus d’avoir mes transactions financières fliquées ne s’explique que par mon désir d’effectuer des opérations illégales, à la Cahuzac, toujours non jugé et toujours en liberté…

J’ai droit aussi à la fameuse phrase constituant le cœur de tout totalitarisme : « Si vous n’avez rien à vous reprocher, vous n’avez rien à craindre. »

Mais qu’est-ce qui me garantit que le juge qui va rendre sa décision n’a pas été écouté lui aussi, ce qui l’amènerait peut -être à rendre un jugement quelque peu incompréhensible pour peu qu’il ait été l’objet de quelques pressions s’appuyant sur des informations qu’il préférerait ne pas voir passer dans le domaine public ?

Ou que mon concurrent, au conseil duquel siègent plusieurs ODS bien placés, ne va pas recevoir les termes de mon offre lors d’un marché public?

Car il faut bien se rendre compte de quelque chose de tout à fait évident : au prétexte de lutter contre la criminalité et la corruption des individus, on donne à ceux qui gèrent l’Etat un outil incroyablement puissant qui va favoriser une explosion de la criminalité et de la corruption dans le secteur public.

Et si l’histoire du XXème siècle nous a appris quelque chose, c’est bien que la corruption et la criminalité à l’intérieur de l’Etat sont beaucoup plus dangereuses que si ces deux fléaux restent confinés dans la sphère privée.

Nous sommes donc en train de passer d’un état de droit au droit de l’Etat.

Il s’agit là d’une régression intellectuelle et morale inimaginable.

Ceux qui gèrent l’Etat, de ce fait, sont devenus de vrais privilégiés à qui une règle différente s’applique, tant ils savent de choses les uns sur les autres.

Comme le disait Benjamin Franklin : « Si vous abandonnez votre liberté pour votre sécurité, vous n’aurez ni l’une ni l’autre. »

Nous sommes sur le chemin de la servitude.

Charles Gave

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