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Le Figaro Magazine annonce la fin du régime

23/1/04 Claude Reichman
" La fin des tabous ", titre Le Figaro Magazine, qui publie une enquête TNS-Sofres sur les opinions des Français. Ceux-ci se révèlent favorables à la prise de conscience des individus, plutôt qu'aux lois et aux règlements, pour faire avancer les choses dans la société, veulent qu'on réprime l'insécurité, qu'on leur laisse la liberté de choisir l'école de leurs enfants, qu'un examen de connaissance du français soit préalable à toute naturalisation, qu'on institue des fonds de pension pour les retraites, que les caisses d'assurance maladie soient mises en concurrence, qu'un service minimum soit obligatoire en cas de grève dans le service public, qu'il y ait des baisses massives de l'impôt sur le revenu, que les 35 heures soient supprimées, qu'on diminue les charges sociales des entreprises et qu'une éventuelle Constitution de l'Europe soit soumise à référendum. Voilà qui ressemble à s'y méprendre au programme que j'ai présenté à la dernière élection présidentielle et qu'une vigilante censure médiatique m'a interdit de faire connaître aux Français.

En réalité, il ne s'agit nullement de "tabous " qui auraient soudain disparu, mais tout simplement de ce que pensent les Français depuis fort longtemps et de réformes que les politiciens de la vraie gauche et de la fausse droite refusent de faire. Il ne faut pas chercher plus loin les raisons du divorce, chaque jour plus patent, entre la classe politique et le peuple. Et il ne faut pas s'étonner non plus qu'un autre sondage indique que 65 % des Français veulent émettre un vote sanction aux prochaines élections régionales pour manifester leur mécontentement.

Comme il se trouve que c'est la droite qui détient actuellement tous les pouvoirs, ses électeurs se désespèrent. Ils ne comprennent pas pourquoi ceux qu'ils ont élus ne font pas ce qu'ils ont reçu mandat de faire. Pas plus qu'ils n'ont compris, lors des précédentes alternances, pourquoi ces derniers avaient adopté exactement la même attitude, ce qui avait à chaque fois ramené la gauche au pouvoir. S'agit-il, de la part des hommes politiques de droite, d'incapacité, de lâcheté face aux difficultés de la tâche, de crainte des médias de gauche ? C'est ce que pensent encore en majorité leurs électeurs. Qui se trompent lourdement. Tant qu'ils n'auront pas compris les véritables motivations de leurs élus, aucun renouveau du paysage politique français ne sera possible.

C'est la droite qui maintient le socialisme

Ce n'est pas la droite française qui a installé le socialisme dans notre pays. Mais c'est elle qui est la clé de son maintien. Le socialisme a progressivement nivelé les conditions. Pour toute personne qui vend son temps, qu'elle soit salariée ou indépendante, l'impôt et les charges sociales font qu'il est impossible de dépasser un certain plafond de revenu mensuel net, qu'on peut évaluer à environ 4 500 euros. L'accès au rang de parlementaire permet de quadrupler ce revenu, sans compter les nombreux avantages attachés à la fonction. Tout nouvel élu de droite découvre avec ravissement son nouveau bonheur. Et n'a dès lors plus qu'une crainte : s'en voir privé. C'est alors qu'intervient son chef de parti, qui lui fait comprendre sans ménagement que seule une fidélité aveugle au groupe et à son chef est de nature à lui faire obtenir l'investiture du parti aux prochaines élections, condition sans laquelle il est vain de prétendre s'y présenter avec quelque chance de succès. Voilà notre homme soudain bien embarrassé : ce que veut le parti, c'est le maintien du système actuel, qui donne tout pouvoir aux énarques de rançonner la société et de la diriger à leur guise et à leur grand profit ; et de lui, pauvre - mais pas pour longtemps - élu de droite, c'est le renversement de ce système qu'attendent ses électeurs. Alors, après un débat cornélien avec lui-même, le nouvel élu tranche en faveur de son intérêt. C'est ainsi qu'aucune majorité de droite depuis trente ans n'a fait une politique de droite, méritant parfaitement l'appellation de " fausse droite " ou de " droite molle ", ou même de " droite folle ", ce qui est encore trop flatteur car susceptible d'excuser un comportement aussi scandaleusement immoral.

Si l'on veut une preuve de plus de la justesse de cette analyse, qu'on s'intéresse au sort des battus du suffrage universel (car même investi, il arrive qu'on soit recalé aux élections) : pas un ne songe à reprendre son ancien métier (et beaucoup en avaient de fort estimables). Au contraire, ils font des pieds et des mains pour obtenir un poste rémunéré par l'argent public, car au moins, en pareil cas, ils n'auront de comptes à rendre ni à un patron ni à des clients et pourront continuer à se la couler douce aux frais du contribuable. Inutile de préciser que seule la docilité préalable et continue de l'impétrant a chance de lui faire obtenir sa sinécure.

Nous voilà loin, direz-vous, du choc des idéologies et du dévouement patriotique. Certes. Mais il en va ainsi dans tous les régimes fondés sur la prééminence de la collectivité et la négation de la liberté individuelle. Qui niera que la France subisse aujourd'hui un tel régime ? Voilà pourquoi ce que Le Figaro Magazine appelle " la fin des tabous " est en fait l'annonce de la fin du régime. Nul ne sait encore quand sonnera l'heure ni quel accident déclenchera la crise finale. Mais elle est inéluctable. Un nouveau monde va naître. Et comme toujours, cela se fait dans les convulsions.

Claude Reichman

 

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