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L'Europe bouleverse le débat sur les retraites en France


17/5/03 Claude Reichman
L'Europe a encore frappé ! Et une fois de plus la France va devoir revenir à des réalités qu'elle est inexcusable d'avoir voulu ignorer. En décidant que les cotisations d'assurance retraite volontaire versées à des prestataires de pensions d'autres Etats européens doivent pouvoir être déduites par leurs souscripteurs de l'impôt sur le revenu dans les mêmes conditions que si elles étaient contractées auprès d'un organisme de leur Etat de résidence, la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) vient de faire franchir un pas décisif au débat sur les retraites en France.
Nul n'ignore en effet que de nombreux organismes européens gèrent des assurances retraite qui garantissent à leurs souscripteurs tous les avantages d'authentiques contrats de capitalisation. Bénéficiant désormais d'un traitement fiscal identique à celui de leurs concurrents français, ils vont condamner ceux-ci à disparaître s'ils n'offrent pas des prestations au moins équivalentes. Et surtout ils rendent fort aléatoire la création, dans notre pays, de fonds de pension, du moins dans leur version " à la française " - c'est-à-dire sans libre disposition de son capital pour l'adhérent - qui est celle qu'à droite comme à gauche on envisageait à la fin des fins d'adopter. C'est une victoire de la liberté sociale, et une lourde défaite pour les étatistes invétérés que sont tous les politiciens français. Mais c'est aussi une défaite pour les entreprises, qui vont de plus en plus tomber dans l'escarcelle des fonds de pension et des investisseurs anglo-saxons, faute de pouvoir compter sur l'existence et le soutien d'organismes semblables en France.
La classe politique française est fâchée avec l'entreprise. Elle la traite en vache à lait et l'empêche même de se financer comme ses concurrentes. Ce vilain manège dure depuis plusieurs décennies. Il va maintenant produire son ultime résultat. Et celui-ci se traduira par la réduction vertigineuse de nos capacités industrielles et commerciales, par une régression économique accélérée, par des licenciements en série et un chômage dramatique, tout cela parce que quelques milliers de politiciens se sont conduits comme des irresponsables. Car on ne pouvait à la fois faire l'Europe et en refuser les mécanismes.

A organisation collectiviste, punition collective

Dès 1986, à la signature de l'Acte unique qui allait faire, en 1993, de la Communauté un territoire sans frontières intérieures où les hommes, les produits et les services pourraient circuler librement, on savait que certaines particularités fiscales et sociales de la France ne pourraient subsister. Certes la fiscalité et la politique sociale ne font pas partie du domaine de coordination européen, ce qui signifie que les Etats restent libres de les aménager comme ils l'entendent, mais cette liberté est fortement réduite par l'obligation - que rappelle régulièrement la Cour de justice, dont les décisions, ne l'oublions pas, s'imposent à toutes les autorités nationales - de respecter les dispositions communautaires. Or celles-ci obligent en particulier tous les Etats à faire bénéficier les intervenants des autres pays de l'Union de conditions identiques à celles qui sont faites aux nationaux. C'est la raison pour laquelle tous les monopoles ont progressivement disparu, y compris ceux que des esprits peu lucides croyaient inébranlables, comme celui de la Sécurité sociale.
Il est à présent acquis que les Français vont pouvoir s'assurer librement pour tous les risques dits " sociaux ", qui ne sont en réalité que des risques personnels. C'est une personne - et non un groupe socio-professionnel - qui tombe malade, est touchée par le chômage, prend sa retraite. C'est abusivement - mais pas innocemment - qu'on a contraint les Français à s'assurer collectivement pour ces risques, dont certains ont échéance certaine, comme la retraite. Il s'agissait de faire perdre toute liberté et toute indépendance aux individus afin de les plier à la férule collectiviste qui s'est appesantie sur la France au point d'en faire un des derniers pays communistes du monde.
Nous allons le payer cher. Car l'effondrement de notre système de soins et plus encore celui de nos régimes de retraite sont des certitudes. Les bénéfices de la liberté iront en priorité à nos jeunes, qui ne seront plus obligés de s'expatrier pour pouvoir mener la vie à laquelle ils aspirent. Mais les aînés vont souffrir, car tout ce qu'ils croyaient établi va être remis en cause, à commencer par leurs pensions de vieillesse. A organisation collectiviste, punition collective. Nous allons tous ensemble payer pour la faute impardonnable que nous avons commise en laissant, par inconscience, indifférence ou lâcheté, s'établir dans notre pays un régime économique et social - et donc politique - dont aucun autre pays occidental ne voulait et qui n'avait été imposé aux malheureux habitants des " démocraties populaires " que par une abominable dictature.
Par bonheur, tous les ressorts de notre pays ne sont pas brisés. Mais le plus endommagé de tous est le ressort moral. Voilà pourquoi les Français sont devenus un des peuples les plus tristes de la terre. Eux qui éblouissaient le monde par leur esprit et leur gaîté ! C'est avant tout cela, le communisme. Nous en sortirons. Mais il va nous falloir du courage.

Claude Reichman

 

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