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14/12/08  

Le président d’une caisse de retraite réclame d’être jeté en prison !

L’arrestation du financier américain Bernard Madoff, ancien directeur du Nasdaq, le second marché d’actions des Etats-Unis, a de nouveau attiré l’attention sur le fameux « système Ponzi », du nom d’un escroc du début du XXe siècle en Californie.

Comme Ponzi et beaucoup d’autres, Madoff avait profité de la confiance qu’il inspirait pour aspirer dans son fonds d’investissement la somme gigantesque de 50 milliards de dollars en versant de somptueux intérêts aux souscripteurs. Les intérêts ne pouvaient être aussi confortables que parce qu’ils étaient payés par l’argent des nouveaux souscripteurs. La belle machine s’est évidemment déréglée et effondrée quand, en raison de la crise financière mondiale, de nombreux clients de Madoff ont voulu procéder à des retraits massifs de son fonds. Bien entendu le génial – bien que peu original - financier n’a pu honorer ces demandes et l’escroquerie a été découverte.

C’est pour nous l’occasion de rappeler que, selon le président d’une des principales caisses de retraite française, la Caisse autonome de retraite des médecins français (CARMF), le Dr Gérard Maudrux, le système français de retraite par répartition fonctionne exactement comme le système Ponzi … à ceci près qu’il est, lui, parfaitement légal ! « Un système pyramidal intéressant pour les premiers, touchant beaucoup plus que leur mise, et spoliateur pour les derniers, qui ne récupéreront même pas leur argent », écrit le Dr Maudrux. Et celui-ci de conclure : « Devra-t-on un jour mettre les dirigeants de nos caisses de retraite en prison pour avoir fait des promesses inconsidérées ou pour avoir cautionné des systèmes qu'ils savaient mauvais ? Devra-t-on également poursuivre les hommes politiques qui auront caché le plus longtemps possible l'ampleur de l'arnaque, si arnaque il y a ? » Très bonne question. A laquelle la réponse est forcément affirmative, sauf à considérer qu’il n’y a pas de justice en France, ce qu’aucun bon citoyen ne saurait penser !

Claude Reichman

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Tous des escrocs ?

Combien de crimes dont ils ont fait des vertus en les appelant nationales !
Henri Barbusse

Au début des années 90, une affaire judiciaire a défrayé la chronique et connu un retentissement national. Il s'agissait, selon le parquet, d'une arnaque sans précédent. L’acteur principal de ce forfait, Jacky Milési, avait choisi Grenoble et quelques villes du sud de la France pour théâtre de ses exploits. À l'époque son procès et sa condamnation ont été largement médiatisés, plusieurs centaines de Français ayant fait les frais de ses agissements « frauduleux ».

Que reprochait-on précisément à Jacky Milési ? Simplement de croire aux vertus de la répartition, à la base du système des retraites en France, et d'en appliquer les principes hors des institutions autorisées. Il avait trouvé que répartir les richesses était un moyen facile et efficace de garantir aux personnes qui lui confiaient leurs économies des rendements de 10 à 15 %. Et de fait, grâce à lui, bon nombre de ses premiers clients que je connais n'ont pas été escroqués, mais ont gagné beaucoup d'argent, bien plus que si leurs économies avaient été placées dans une banque ou un autre institut financier.

Comment Milési parvenait il à verser ses fabuleux dividendes ? Une partie de l'argent qu'il distribuait provenait bien sûr de placements classiques dont le rapport était plus ou moins satisfaisant, mais surtout les dividendes étaient alimentés par l'arrivée de nouveaux « cotisants » attirés par les bons résultats enregistrés par les premiers investisseurs. En effet, certains d'entre eux, leur pelote faite, avaient pu prendre une « retraite » confortable, récupérant tous leurs fonds plus les dividendes.

Le malheur est que M. Milési dut faire face un jour à une chute de la démographie : les nouveaux clients venaient à manquer. Faute d'un renouvellement suffisant des « cotisants », les difficultés pour payer ses « retraités » devinrent de plus en plus grandes. L'affaire commença à s'ébruiter, et plusieurs centaines de « cotisants » spoliés portèrent plainte (pas tous). Pourtant, de quoi s'était rendu coupable cet « escroc », sinon de s'être livré à une forme de répartition ? Prudent, les rendements promis et servis n'étaient pas plus élevés que ceux des caisses de retraite, plutôt moins même, et le mode de financement de son système était strictement identique au leur. Pas plus que nos dirigeants de caisses de retraite, il n'avait visé à s'enrichir personnellement. Il n'était pas parti avec la caisse et ne s'était pas constitué, semble-t-il, de patrimoine avec l'argent de ses adhérents. Il ne menait pas plus grand train que certains dirigeants d'organismes sociaux ou hommes politiques. L’argent était bêtement reversé aux « cotisants ».

Le tort de Jacky Milési est d'avoir cru la répartition éternelle. Et encore, s'il avait été président de caisse de retraite, il serait toujours libre et n'aurait pas connu la prison. Mais voilà : M. Milési n'avait pas les moyens, lui, de rendre les « cotisations » obligatoires pour tous les habitants de sa ville, sinon il aurait pu continuer à en satisfaire quelques-uns, quelques années de plus. La loi ne l'autorisait pas non plus à augmenter autoritairement les « cotisations » de ses clients, à les forcer à prolonger la durée de leurs paiements, ou encore à baisser de manière unilatérale les rendements promis. Il n'a eu droit à aucun des expédients utilisés par les caisses de retraite pour « sauver » la répartition.

Il faut vraiment beaucoup se « creuser les méninges » pour discerner une quelconque différence entre la pyramide échafaudée par cet « escroc » et celle sur laquelle repose le financement de nos caisses de retraite. Si différence il y a, elle est vraiment infime. La diminution du nombre des « cotisants » et le maintien de celui des « bénéficiaires », trop contents des dividendes qui leur étaient servis, a entraîné une chute du rapport entre ceux qui versaient et ceux qui touchaient. Nos régimes de retraite par répartition sont confrontés au même problème.

De telles pratiques peuvent être assimilées à celles des courriers ou chaînes financières basées sur le principe de la « boule de neige », ou jeu de Ponzi, également considérées comme des escroqueries et qui ont prospéré au début des années 50 avant d'être interdites par la loi du 5 novembre 1953. Et pourtant, là encore, ces chaînes fonctionnaient suivant le même principe que celui de la retraite par répartition. Chaque destinataire recevait une lettre le sollicitant de contribuer à la chaîne : celle ci se composait en général de cinq personnes. Le nouvel entrant devait verser une somme déterminée à la tête de liste qui sortait ainsi de la chaîne « fortune faite ». Cette « cotisation » permettait au dernier participant d'inscrire à son tour son nom en bas de la liste. Il recrutait alors par courrier cinq nouveaux partenaires censés adresser à leur tour leurs contributions à la tête de liste suivante. Ces chaînes démarraient en général avec beaucoup de monde, puis s'étiolaient peu à peu. Bien qu'imparable sur le plan mathématique si personne n'interrompt la liste, les premiers recevaient beaucoup, les suivants couraient un risque grandissant de ne rien voir arriver et perdaient le plus souvent leur mise.

Curieusement, ces chaînes ont fleuri dans la foulée de la mise en place du système de retraites, ce qui semble bien confirmer que leur structure pyramidale et l'effet « boule de neige » qu'elles généraient s'inspiraient directement des principes de la répartition. Si ces chaînes sont condamnables et condamnées, les mêmes pyramides, dans un cadre légal, ne sont-elles pas aussi des escroqueries ? Pourquoi dans un cas parlera-t-on d'escroquerie et dans l’autre de solidarité ?

À la lumière de ces exemples, il est donc plus que légitime de s'interroger : quel est l'avenir de la retraite par répartition ? Avec la baisse du rapport cotisants-retraités, la répartition n'est-elle pas en train de dévoiler son vrai visage : un système pyramidal intéressant pour les premiers, touchant beaucoup plus que leur mise, et spoliateur pour les derniers, qui ne récupéreront même pas leur argent ? Devra-t-on un jour mettre les dirigeants de nos caisses de retraite en prison pour avoir fait des promesses inconsidérées ou pour avoir cautionné des systèmes qu'ils savaient mauvais ? Devra-t-on également poursuivre les hommes politiques qui auront caché le plus longtemps possible l'ampleur de l'arnaque, si arnaque il y a ?

Dr Gérard Maudrux

Extrait de « Retraites, le mensonge permanent » (Les Belles Lettres)

 

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