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4/11/14 Florian Eder

   L’Italie, la France et la Commission européenne   
                préfèrent esquiver les problèmes !


La Commission européenne a renoncé à adresser un blâme à Rome et à Paris pour leurs budgets 2015 au motif que ces deux nations ont fait des efforts. Mais ces dernières soutiennent que la mise en œuvre des réformes ne doit pas se faire à n’importe quel prix.

L’Italie a cédé, la France de même et la Commission européenne aussi. Jyrki Katainen qui, jusqu’à vendredi dernier, était le commissaire européen aux affaires monétaires avant de devenir ce samedi le nouveau vice-président de la Commission et responsable de la croissance et de l'emploi (1), ne voit, de son côté, pas de « violations graves» des déficits budgétaires de ces deux pays pour 2015. De ce fait, la prochaine réunion de la Commission ne devrait pas émettre un vote négatif à leur encontre.

Rien ne laissait présager une telle issue la semaine dernière. Les deux pays ont rechigné à se plier aux exigences de la Commission européenne en matière de réduction de leur déficit budgétaire et n’ont fait que de maigres concessions en fin de semaine. Ils ont renoncé à des réductions d'impôts et à des réformes radicales.

La question de savoir si le pacte de stabilité doit s’appliquer en temps de crise économique n’est pas encore réglée, mais seulement reportée. La mésentente transpire dans les minutes internes et confidentielles du sommet de l'UE à la fin de la semaine dernière. Indépendamment du principe de l’examen préalable du budget des Etats par la Commission européenne, un profond désaccord prévaut dans le cercle des dirigeants de l'UE sur cette question. Comme l’a dit le président français François Hollande, il faut éviter de donner l'impression qu'il existe de bons et de mauvais élèves parmi les Etats membres : entre ceux qui se conforment aux règles de stabilité et ceux qui y dérogent. (2)

Réformes oui, économies non !

En clair, le message que veut faire passer Hollande est que la politique économique de l'UE doit être partagée et défendue par tous. (3) Mais qu’en est-il vraiment ? Le sommet n’a pas approfondi la question, comme en témoigne la position d’un Etat membre, plaidant pour un compromis entre la fidélité aux règles du pacte de stabilité et la volonté de les interpréter librement pour des raisons de politique intérieure. Hollande milite en faveur de cette libre interprétation des règles, comme d’ailleurs le Premier ministre italien Matteo Renzi. « Nous devons repenser la politique de stabilité de l'UE en ce qu'elle est inappropriée à faire face à tous les paramètres », a déclaré Renzi. Le Premier ministre italien y voit une nécessité politique. Il a insisté sur sa propre performance, comme sa réforme en cours du marché du travail qui prévoit une moindre protection des salariés, mais souligné que son projet de loi doit parcourir une «longue route» avant d’être débattu par les deux chambres du Parlement. Voilà pourquoi il a dû faire face à des «millions de manifestants,» y compris au sein de son propre parti. « Des réformes sont nécessaires, des économies non», pour résumer la contribution de ces deux chefs de gouvernement.

Pas d'accord en vue pour une politique économique de l'UE

Le Premier ministre de la Finlande, Alexander Stubb, a pris le contre-pied de Hollande et de Renzi en prônant une politique budgétaire orthodoxe. « Il y a toujours un risque qu’une crise des marchés financiers ressurgisse en Europe», a-t-il déclaré, et d’ajouter : « Il y a des règles qui doivent être respectées afin d'éviter une répétition». L’engagement de respecter les obligations inhérentes au pacte de stabilité afin d’éviter une nouvelle crise financière est réclamé non seulement par les partisans de l’orthodoxie budgétaire, mais aussi par les pays qui ont le plus souffert de la crise, comme l’Irlande, le Portugal et la Grèce, qui ont taillé à la hache dans leurs prestations sociales. C’est la condition pour que les investisseurs soient convaincus que l'Europe est une zone stable.

Il n’y pas d'accord sur l'orientation de la politique économique européenne. Certains veulent une mise en œuvre rapide des mesures annoncées par le chef de la Commission, Jean-Claude Juncker, avec son paquet de 300 milliards d'euros de dépenses publiques. «Il est nécessaire de fournir des ressources pour mettre en œuvre ce plan », a déclaré Hollande. (4) De son côté, Stubb ne préconise pas la dépense publique mais une réforme structurelle du marché intérieur en y instillant plus de libre-échange pour doper la croissance en Europe. (5)

L’Italie et la France se congratulent !

La réponse de la France et de l'Italie à la Commission est ambivalente. «Ces deux pays ne veulent pas déclencher une crise institutionnelle, » a déclaré un haut fonctionnaire de l'UE, car un affrontement notable serait perçu comme un camouflet pour ces deux États membres.

Le ministre des Finances de la France, Michel Sapin, a salué la décision de la Commission qui a jugé ses économies suffisantes, et il a réitéré sa demande que plus soit fait pour stimuler l'économie dans la zone euro.

Son homologue italien en a fait autant. Dans une lettre de deux pages commençant par «Cher et bien-aimé vice-président Jyrki», Pier Carlo Padoan n’a pas détaillé les mesures envisagées pour que l’Italie remplisse son contrat, mais a souligné que le chemin reste très difficile. « Il est de mon devoir de vous rappeler que l'Italie traverse la pire et la plus longue récession de son histoire.» Pour que son pays et son économie sortent de la misère, une quatrième année de récession serait à éviter «à tout prix». (6)

Florian Eder

Notes du traducteur

(1) Le Finlandais Katainen devrait chapeauter le nouveau commissaire français aux affaires monétaires. C’est le mariage de la carpe et du lapin voulu par le président de la Commission européenne.

(2) Hollande ne veut pas que la France soit ostracisée par ses partenaires européens mais il a tout fait pour qu’elle le soit, avec la politique qu’il mène depuis son élection.

(3) Hollande plaide, une fois de plus, pour un consensus, en dépit de son échec patent à établir celui-ci en France. Aucun président avant lui n’a autant divisé les Français. Pourquoi en serait-il autrement sur la scène européenne ? Les minutes internes et confidentielles du dernier sommet européen attestent de l’échec de sa méthode. En dehors de son homologue socialiste italien, il n’a plus aucun soutien en Europe.

(4) En dépit de sa déclaration surprenante en début d’année, où il se déclarait en faveur de la politique de l’offre, laquelle suscita chez nos incultes journalistes une béate admiration avec l’étiquette oxymore de « social-libéral,» Hollande reste, comme tous ses anciens collègues de l’ENA, Sapin en tête, un indécrottable keynésien.

(5) Stubb a raison de cautionner une plus grande libéralisation du marché intérieur pour doper la croissance en Europe, à commencer par les services publics italiens et français qui sont de vieux bastions du parti communiste.

(6) En refusant les réformes structurelles indispensables (flexibilité totale du marché du travail et réduction de 20% des dépenses publiques), l’Italie et la France se condamnent à faire prochainement faillite. C’est ce qu’entrevoit David Einhorn, le président du hedge-fund Greenlight Capital, qui a présenté sa stratégie lors d’une conférence de presse donnée à la banque JP Morgan à New York, le 22 octobre. Pour ce grand requin de la finance, la Grèce a fait le ménage et le pire est derrière elle. «Ce pays vit à présent avec ses moyens », a-t-il déclaré. Il recommande d’acheter les banques grecques Alpha et Piraeus. D’un autre côté, l’image de la France est désastreuse auprès des investisseurs étrangers. Voici l’extrait saillant de son analyse : « Bien que le marché obligataire considère que la France est comme l’Allemagne, elle est plus proche de la Grèce. La Grèce a avalé l’amère potion libérale, restructuré ses obligations et son économie, et elle est en train de récupérer après une expérience proche de la mort. La France apparaît trop fière pour se réformer. Cependant, les problèmes de la France sont devant elle, les bons du trésor français à dix ans offrent un rendement de 1,3% alors que ceux de la Grèce sont de 9%. Si le marché réapprécie légèrement le risque de la dette française, celle-ci va devenir très rapidement hors de contrôle. Compte tenu de cette dynamique, nous pensons que vendre à découvert la dette de la France est une bonne stratégie. » A bon entendeur salut !



 
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