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2/6/10 Alain Dumait
                            L’Europe en sursis !

L’Union européenne, le 8 mai 2010, a changé de nature. Jusqu’à ce jour-là, les 16 pays de la zone euro constituaient un sous-ensemble de l’Union à 27, au sein de laquelle la Grande-Bretagne jouait un rôle important, presque toujours en phase avec la ligne souhaitée par les États-Unis.

Depuis le 8 mai, l’Eurozone a pris le pouvoir. 10 pays non-membres s’y sont ralliés en un seul instant. La Grande-Bretagne, sans s’y opposer, a refusé le diktat. L’Europe vient de s’émanciper de l’Amérique.

On se souvient que le vendredi 7 mai au matin, un sommet des chefs d’État et de gouvernement était convoqué à Bruxelles. La situation des marchés financiers est dramatique. La veille, Wall Street a perdu 9 % de sa capitalisation en une seule séance. À l’ouverture, le vendredi matin, les bourses européennes dévissent. Une banque réputée « solide » comme la Société Générale va perdre 25 % de sa valeur de capitalisation dans la journée…

Le facteur déclencheur de la crise a été la situation de quasi-faillite de l’État grec qui ne trouve plus sur le marché de quoi financer sa dette publique extravagante. Or l’euro, mis en circulation le 1er janvier 2002, a été institué par le traité de Maastricht, qui pose dans son article 125 le principe du non-sauvetage d’un membre du club par les autres. Un pays membre de l’euro est seul responsable de ses dettes. C’est d’ailleurs pourquoi il doit respecter des critères de bonne gestion.

Mais, comme ces critères n’ont été respectés par personne, l’ensemble de la zone est menacé par le poids de ses dettes, à commencer par l’État le plus faible. Plusieurs autres pays sont dans le collimateur. Y compris la France. Seule l’Allemagne – dont le déficit public n’est « que » de 4 % de son PIB – fait figure de bon élève.

Comment faire face, sans renoncer à l’euro ? Une seule solution : la mutualisation des risques. La création d’une sorte de « Fonds monétaire européen », doté de mille milliards de dollars, soit 750 milliards d’euros (comme suggéré dès le mois de février 2010 par le très influent think tank européen « Center for european policy studies »). D’abord réticente, la chancelière allemande soutient cette idée de son ministre Wolfgang Schäuble. Sarkozy (qui n’a pas le choix) s’y rallie au matin du 8 mai. L’Europe vient de changer de nature.

Désormais, l’Europe fera son affaire personnelle du sauvetage de tout pays de l’Union en difficulté financière. Avec ou sans le FMI. « Avec », sans doute, la prochaine fois ; et « sans », la fois suivante…

Chaque pays de cette nouvelle Europe « à 26 » (de 440 millions d’habitants, au lieu de 500 millions pour l’UE, avec le Royaume-Uni…) devient solidaire de la mauvaise gestion des autres. Cette garantie va coûter à la France – déjà endettée jusqu’au cou – 111 milliards d’euros.

Dans ce contexte, tous les gouvernements mettent en place immédiatement des plans d’assainissement. Ils font en un jour ce qu’ils auraient dû faire depuis longtemps…

Seule ombre au tableau : cette révolution est parfaitement contraire aux traités européens. C’est pourquoi on peut parler de « coup d’État ». Il faudra donc « légaliser » après coup. Modifier les traités. En particulier celui dit de Lisbonne, qui reprend Maastricht. On ne voit pas qu’un référendum général puisse être évité…

Or, on se souvient que le 20 septembre 1992 le traité de Maastricht n’avait été adopté en France qu’avec 51 % des suffrages exprimés. Depuis, on peut soutenir que l’idée européenne (version UE) est devenue minoritaire dans l’opinion.

Y aurait-il une majorité, en France, pour approuver le coup d’État européen du 8 mai 2010 ? Il est permis d’en douter…

Comme souvent, il y a une logique à ce coup de force. Le 8 mai, l’Eurozone ne pouvait pas faire autrement que de mutualiser les risques liés aux dettes publiques. Pour prendre une comparaison médicale, une consommation excessive de tabac ou d’alcool peut conduire à une opération d’urgence. Celle-ci est risquée. Si le malade survit, il doit se mettre au régime. Que n’a-t-il été plus tempérant !
 

Car la mutualisation des risques n’est une bonne solution qu’à très faible dose. Pour la prévention mieux vaut la bonne gestion qui, en matière financière, depuis 800 ans, s’appuie sur le sacro-saint principe de l’équilibre budgétaire.

On peut aimer l’euro ou pas. Mais il faut savoir qu’un pays peut très bien garder sa monnaie nationale. À la condition d’être sérieux. Citons : l’Australie, le Canada, la Norvège, la Suisse. Quatre modèles de prospérité…

Alain Dumait

 



 
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