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25/9/10 Claude Reichman
      Une forêt de doigts d’honneur !

Fin juillet dernier, en début de soirée, je prenais un rafraîchissement à la terrasse d’un café parisien, lorsqu’un cortège officiel précédé de motards aux sifflets stridents vint à passer. Quelqu’un cria : « C’est Sarkozy ! » Aussitôt, dans un ensemble impressionnant, une forêt de doigts d’honneur se dressa, accompagnée de hurlements vengeurs et d’insultes en direction des limousines noires. On eût dit une insurrection spontanée, une « émotion populaire », comme on les qualifiait sous l’ancien régime.

Le cortège disparut rapidement, et les consommateurs revinrent à leurs conversations, apaisés d’avoir pu exprimer un sentiment si fort qu’il devait les oppresser.

Ce n’était pas le président de la République, mais un des innombrables gouvernants étrangers qui font escale à Paris. Pourtant, la détestation de Sarkozy spontanément exprimée par les clients d’un établissement semblable à des milliers d’autres en France est un signe de plus du climat délétère qui règne dans notre pays et qui devrait amener les responsables des médias à s’interroger sur leur politique éditoriale.

Car enfin, où lit-on, où entend-on que le mécontentement et la colère des Français atteint des niveaux inquiétants ? Les éditorialistes continuent leur train-train bénisseur, avec de-ci de-là une nuance critique qui est pour eux le sommet de l’audace, les micros-trottoirs et les propos d’auditeurs sont soigneusement sélectionnés pour que rien de trop désagréable pour le pouvoir ne filtre, et les écrans de télévision nous offrent le spectacle quotidien d’un chef de l’Etat effectuant des visites « sur le terrain », entouré d’officiels déférents et de citoyens respectueux, mais surtout de gardes du corps aussi nombreux que manifestement inquiets. Bref, comme on le faisait au temps des tsars, le pouvoir visite des « villages Potemkine ».

En ce mois de septembre, le président de la République a reçu à déjeuner à l’Elysée quelques fournées d’éditorialistes. Et cela n’a pas manqué : leurs commentaires se sont faits aussitôt plus bienveillants. Quelques directeurs de rédaction se vont vu conseiller fermement de mieux maîtriser les petites insolences de certains de leurs journalistes, et ceux-ci ont parfaitement reçu le message. Que voulez-vous, il y a du chômage dans la profession et quand on a une famille à nourrir …

Et voilà : Nicolas Sarkozy croit avoir bouclé la boucle. Tout va bien, puisqu’aucune voix, hormis celles, bien tempérées, de l’opposition institutionnelle, ne vient troubler l’air médiatique.

Où que ce soit dans le monde, et quel que soit le régime, une politique de ce genre, fondée exclusivement sur la manipulation de l’opinion, finit toujours mal. Car il n’est nécessaire, pour un gouvernant, de manipuler l’opinion que pour tenter de faire croire aux citoyens que leurs sens les trompent et que ce qu’ils voient et constatent par eux-mêmes tous les jours n’est pas l’image de la réalité. Tôt ou tard, les réalités s’imposent et éclatent au visage du pouvoir, et celui-ci n’a plus qu’à déguerpir.

En dépit de l’apathie actuelle de l’opinion, c’est ce qui va aussi se passer en France. Le moindre incident peut dégénérer en émeute, et celle-ci peut s’étendre à l’ensemble du pays comme un feu de broussailles. Car il n’y a que dans une véritable démocratie que les difficultés peuvent être surmontées de façon raisonnable et durable. Or il n’y a pas de démocratie sans presse libre. La presse française ne l’est pas. Pire, elle se vautre dans la complaisance et dans le conformisme, et cela ne peut avoir d’autre effet que d’exaspérer le peuple.

Les conditions d’une grave crise nationale sont réunies. La France est enlisée dans une stagnation économique qui n’est pas due aux difficultés du moment mais à plus de trois décennies d’impéritie politique. Nos gouvernants n’ont eu qu’Europe et concurrence internationale à la bouche, et ils n’en ont tiré aucune conséquence. Notamment ils ont sans cesse alourdi le fardeau des dépenses publiques au lieu de l’alléger. Ce faisant ils ont assassiné nos entreprises et nos emplois, et dans ce vaste cimetière qu’est devenue l’économie de notre pays, il ne reste plus de vivant que ce qui se nourrit au sein de l’Etat, qui lui-même ne peut plus distribuer qu’un lait d’emprunt.

Voilà ce que sentent et, de plus en plus, que savent les Français. Les doigts d’honneur vont se transformer en piques !

Claude Reichman
Porte-parole de la Révolution bleue.



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